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  2018-02-23
 

Un pillage à but lucratif

par François Essomba | vol. 10 / FÉVRIER 2018  ·   2018-02-23
Mots-clés: déforestation
Un Camion qui traverse la commune de Nanga Eboko sans être inquiété.
 
Les forêts de Nanga-Eboko sont situées dans le département de la Haute-Sanaga, à environ 170 km de Yaoundé, la capitale camerounaise. En pénétrant dans cette zone de végétation naturelle et épaisse, on aperçoit immédiatement les traces indélébiles laissées par les engins lourds appartenant aux exploitants forestiers, dont l'incursion brutale pour atteindre les essences convoitées cause des dégâts incommensurables.

Les exploitants forestiers vident le couvert végétal, sous le regard impuissant des populations locales, qui croupissent dans une misère indescriptible. Ces coupes font aussi de nombreuses victimes parmi les cultivateurs, qui perdent leurs champs et l'ensemble de leurs produits agricoles, qui constituent la seule source de revenus de ces villages.

« Mais ce qui est encore plus grave, c'est la profanation de la tombe de ma défunte mère, qui a été entièrement rasée par ces sociétés forestières. Ce sacrilège de la tombe de ma mère est survenu pendant la manœuvre d'abattage d'arbres disséminés un peu partout dans toute la zone », explique Joseph Aimé Evina, le chef du village de Messibigui, qui a perdu la totalité de ses champs de cacao et d'orangers.

Or, Nanga-Eboko n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de la déforestation galopante qui s'est abattue sur la région, perturbant la conservation d'une nature riche en biodiversité et en écosystème. Pour mieux comprendre les raisons de ce phénomène, CHINAFRIQUE a visité la région concernée où les conflits entre villageois et exploitants illégaux sont récurrents.

Une richesse exploitée sauvagement 

Les forêts du bassin du Congo s'étendent sur plus de 250 millions d'hectares, et constituent le deuxième massif forestier du monde après les forêts amazoniennes. Dans ce poumon forestier, le Cameroun possède la deuxième plus grande réserve forestière en Afrique après celle de la République démocratique du Congo. Cependant, ce bassin est confronté à des menaces persistantes liées à l'abattage sauvage et illégal de ces essences forestières. Les statistiques recueillies par des ONG camerounaises et étrangères relèvent que près de 3 millions d'hectares de forêts sont rasés en Afrique par an. Le Cameroun à lui seul perd plus de 20 000 hectares de forêts chaque année, du fait de l'exploitation forestière ou du brûlis. Cette situation occasionne de lourdes conséquences sur la conservation de la biodiversité et des espèces protégées.

L'exploitation forestière est une activité qui génère des intérêts multiformes qui prennent parfois des allures de mafia bien organisée. D'ailleurs, ce qui frappe sur l'ensemble du massif forestier qui entoure Nanga-Eboko, c'est l'absence des gardes forestiers. Du coup, les communautés locales s'interrogent et veulent comprendre.

Certains villageois rencontrés soutiennent que cette absence peut s'expliquer par deux raisons : le manque d'effectif et l'encaissement de subsides accordés aux autorités administratives par ces sociétés d'exploitation de bois. Les populations locales interrogées soutiennent mordicus que les entreprises forestières qui opèrent dans leurs forêts accordent des pitances aux autorités administratives. Par conséquent, ces décisionnaires du secteur forestier ferment les yeux sur leurs actions.

Le grumier plein de bois défonce la route.

 

Braderie des terres 

Pendant ce temps, les populations autochtones continuent de croupir dans la misère. C'est ainsi qu'est né le commerce foncier à Nanga-Eboko. Depuis un certain temps, les populations de la Haute-Sanaga se livrent à la braderie des terrains pour tenter de sortir de la pauvreté, a confié à CHINAFRIQUE, M. Belinga, un habitant de Nanga-Eboko. Ici, les lopins de terre se vendent comme des bouts de pain. Cependant, ce qui est le plus choquant, ce sont les montants recueillis pour ces terres.

« Ici, les ventes de terre se font par hectare, et non par mètre carré. À ce rythme, l'on peut se procurer un hectare de terrain à un prix très modique. Ici, un hectare de terrain s'obtient facilement à 100 dollars environ », a-t-il précisé.

Fabien Ateba Ovandja, chef adjoint du village Walla, explique les raisons qui conduisent les villageois à une telle braderie. « Premièrement la carence d'infrastructures de bien-être social, telles que les routes, les points d'adduction d'eau, l'électricité rurale, les écoles, les centres de santé, etc. » M. Ovandja fait savoir que si les exploitants forestiers versaient au village les redevances forestières, le village serait moins pauvre.

M. Ovandja fait savoir qu'il est impossible aux enfants de son village de se scolariser, à cause du manque d'école. Il n'est pas surprenant de trouver ici des enfants âgés de 9 ou 10 ans qui ne vont pas à l'école, et qui ne savent ni lire ni écrire. Aucune des sociétés forestières ne vient en appui pour résoudre ce problème. Pourtant, le chef du village ne cesse d'attirer l'attention de ces exploitants sur les besoins du village, mais ceux-ci font savoir qu'ils payent déjà des impôts aux mairies locales.

Quelles solutions ? 

Selon certains experts en foresterie, la seule façon de résoudre ce phénomène d'exploitation illégale est de convaincre les entreprises du secteur du bois d'appliquer la loi, de respecter les règles établies par le gouvernement, d'opérer légalement et de ne pas étendre les activités dans les zones où elles n'ont pas l'autorisation de le faire.

« La déforestation constitue un gros problème pour les villageois, car les entreprises opérant dans le secteur des bois ne respectent pas la loi du Cameroun », explique Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour le développement et l'environnement (CED), une ONG basée à Yaoundé.

Pour faire respecter les lois, le gouvernement du Cameroun doit sévir contre les entreprises reconnues coupables, afin d'envoyer des signaux clairs, dit-il. « Je pense que la solution efficace consiste à punir sévèrement les coupables afin de montrer aux autres que le jeu est terminé. Pour moi, c'est la seule façon de les amener à respecter la loi. »

De plus, la loi stipule que tout opérateur de la filière du bois au Cameroun doit contribuer au développement de la zone d'exploitation par la construction de routes ou l'entretien des pistes rurales, la construction de salles de classe, l'installation de points d'eau, etc.

En la matière, le Cameroun aurait intérêt à s'inspirer de son voisin du sud. Le Gabon a effectivement interdit depuis le 15 mai 2010 l'exportation du bois en grume. Cette mesure vise à favoriser l'émergence d'une industrie locale et l'exportation de produits finis et semi-finis à forte valeur ajoutée. Avant que cet arrêté gouvernemental ne soit adopté, la plupart des entreprises forestières ne transformaient qu'une petite partie des bois coupés et exportaient le reste à l'étranger.

 

Reportage réalisé à Nanga-Eboko, Cameroun 

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