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  2018-02-09
 

Au goût du jour

par Yuan Yuan | vol. 10 / FÉVRIER 2018  ·   2018-02-09
Mots-clés: modes culinaires

Les clients prennent leur petit-déjeuner dans le populaire restaurant Taoyuan Village, à Shanghai.

 

Une file d'attente apparemment sans fin serpente autour du populaire magasin Apple à Sanlitun, l'un des quartiers les plus fréquentés du centre-ville de Beijing. Or, les jeunes à l'air excité dans la file ne sont pas les dévots habituels qui attendent impatiemment de mettre la main sur le dernier iPhone. L'objet de leur convoitise est en fait une tasse de thé. La file mène à Heytea, un petit magasin qui a été témoin de scènes semblables depuis son ouverture en août 2017.

Heytea – dont le nom signifie « thé joyeux » en chinois – a suscité le même enthousiaste à Guangzhou, Shenzhen et Shanghai avant d'ouvrir sa première succursale à Beijing. Il n'est pas rare de devoir attendre plus de deux heures pour finalement passer sa commande et joindre une autre file d'attente pour enfin obtenir son précieux breuvage. Chaque étape du processus est bien sûr partagée à qui mieux mieux sur les médias sociaux dans un exercice de marketing particulièrement efficace.

Mais que contient donc ce thé pour susciter une telle ferveur ? La réponse, étonnamment, est du fromage. Spécialisée dans le thé au lait et au fromage, Heytea propose une variété de thés chinois servis sous une généreuse garniture de fromage d'environ un centimètre d'épaisseur.

Le fondateur de la chaîne, Nie Yunchen, qui est lui-même un fervent amateur de thé au lait, a eu l'idée de cette recette inhabituelle alors qu'il n'arrivait pas à trouver son breuvage préféré dans sa ville natale, Jiangmen, au Guangdong.

« Tous les vendeurs locaux mélangeaient du lait en poudre bon marché avec du thé médiocre fait à partir de sachets, a déclaré Nie. Je ne voulais pas en boire, j'ai donc décidé de faire mon propre thé au lait avec des ingrédients de bonne qualité et naturels. »

Avant longtemps, l'idée est devenue une entreprise et un petit magasin de thé au lait à Jiangmen. Quelques années plus tard, sa chaîne s'est étendue dans les grandes villes du pays, portée par une vague de popularité.

Un succès au goût amer

Nie, cependant, croit que cet engoueme­nt soudain pour Heytea n'est pas nécessairement une bonne chose. Il semble plus préoccupé que ravi par la popularité sensationnelle de son produit. « Cette intensité initiale pourrait conduire à la mort rapide de l'entreprise », dit-il.

L'inquiétude de Nie est bien fondée. Depuis 2012, une série de restaurants en Chine ont soudainement acquis une forte popularité sur internet. Regorgeants d'idées novatrices ou de méthodes de marketing innovantes, ces derniers ont généré beaucoup d'attention, et bénéficié d'investissements nombreux et d'une expansion rapide. Or, dans la plupart des cas, ces restaurants ont fermé leurs portes après trois ans.

En 2012, alors que Nie ouvrait son premier magasin de thé dans sa ville natale, He Chang, un habitant de Beijing, ouvrait également une entreprise de vente de crêpes traditionnelles à Beijing.

 

Des gens font la file pour mettre la main sur un thé de Heytea à Sanlitun, Beijing.

 

La crêpe aux œufs est un petit-déjeuner commun dans le nord de la Chine, un incontournable des stands de rue et des restaurants de la région. Mais He Chang se distinguait des autres vendeurs de crêpes arpentant les rues de la capitale. Son petit magasin joliment décoré était situé dans le quartier central des affaires de la ville, et il livrait des crêpes en Mercedes Benz. Son approche inhabituelle a rapidement fait de lui et de son entreprise un sujet brûlant sur internet.

Avec cette popularité, l'argent n'a pas tardé à affluer. Rien qu'en 2015, plus de 180 millions de yuans (27,7 millions de dollars) ont été investis dans son commerce de crêpes sous la marque Huangtaiji. Le nombre de succursales à Beijing est grimpé à 44, toutes situées dans les grands centres commerciaux et les zones d'affaires de la ville. La mode s'est également propagée à Shanghai et à Guangzhou. En juillet 2016, Huangtaiji a inauguré son premier restaurant à l'étranger, à Sydney, en Australie.

Cependant, en 2017, plus de 20 points de vente de Huangtaiji ont fermé leurs portes à Beijing, les consommateurs se disant déçus du goût.

« Ces crêpes non seulement goûtent moins bon, mais elles sont plus chères et moins pratiques que celles des stands aux sorties du métro, dit Tao Wensheng, le cofondateur d'Allpku, une société de conseil située à Beijing. La plupart des points de vente sont situés dans les centres commerciaux, qui n'ouvrent normalement pas avant 10 heures le matin, alors c'est un mauvais choix que de les vendre en tant que petit-déjeuner. »

Selon Tao, cette croissance trop rapide explique le déclin de l'entreprise. « C'est une erreur que beaucoup de restaurants font souvent », explique Tao.

Shu Huirong, un habitant de Beijing, dit à CHINAFRIQUE que les astuces marketing de ces restaurants ne sont en fait que des leurres, un mot que beaucoup de critiques utilisent pour expliquer pourquoi de tels restaurants sont incapables de maintenir leur succès à long terme.

« Ils créent d'abord une histoire, soit autour de la nourriture ou du fondateur, pour attirer les consommateurs potentiels et concentrer l'attention sur le marketing au lieu d'améliorer la qualité de la nourriture et des services, explique Jia Xin, un critique gastronomique indépendant basé à Beijing. Ce n'est pas surprenant que leurs entreprises finissent par échouer. »

Au-delà des apparences

La file d'attente pour Heytea est encore longue, mais pas aussi longue qu'elle l'a déjà été. Nie dit qu'il fait preuve de prudence en étendant les activités de sa chaîne, mais la rapidité de la croissance de l'entreprise ne semble guère ralentir. La compagnie a levé 100 millions de yuans (15 millions de dollars) auprès d'IDG Capital en août 2016.

« Je ne sais pas jusqu'à quand Heytea pourra continuer ainsi », dit M. Liu Changxi, un universitaire de l'Université des finances et de l'économie de Shanghai. Selon lui, les restaurants qui sont devenus célèbres par internet dérèglent la rationalité des habitudes de consommation. Le bon goût de la nourriture ou des breuvages n'est plus aussi important qu'avant. Pour les consommateurs, il s'agit plus d'un moyen de montrer à leur entourage qu'ils ont réussi à obtenir quelque chose de très difficile à avoir.

« Si ces restaurants veulent survivre à une concurrence aussi intense, ils devront faire un effort réel, pas seulement à travers des moyens superficiels comme le marketing et la publicité, mais par l'amélioration des services et de la nourriture ou des breuvages qu'ils servent », conclut M. Liu.

Pour vos commentaires : niyanshuo@chinafrica.cn

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