NOUS L'AVONS FAIT : Les Soudanais du Sud célèbrent la sécession à Juba, le 30 janvier 2011
À Nairobi, des hommes torses nus recouverts de poudre blanche sautent, chantent et crient, tandis que de grandes femmes vêtues d'ensembles de couleurs vives poussent des youyous, secouant vigoureusement leurs épaules au rythme d'une danse magnifique.
Tout comme leurs compatriotes de Juba, Rumbek, Abyei et le reste du Sud-Soudan, ils célèbrent la naissance d'une nation libre. Les résultats définitifs du référendum qui devait décider de la sécession du plus grand pays d'Afrique ont été annoncés le 7 février, déclarant le « oui » à la sécession vainqueur avec 98,83 % des votes.
La plus belle victoire de toutes réside sans doute dans l'absence d'affrontements avant et après le référendum. Pour ce peuple qui a connu trois décennies de guerre ayant coûté la vie à deux millions des siens, c'est indéniablement une raison de se réjouir. La cerise sur le gâteau, bien sûr, est qu'il dispose pour la première fois d'un droit de regard sur la façon dont il souhaite être gouverné.
Le monde entier a été témoin de la naissance de la « République du Sud-Soudan », 54ème nation du continent africain. Si ce nom ne sera officiellement adopté que le 9 juillet lors de la signature officielle de la déclaration d'indépendance, le peuple exprime déjà des attentes, mais sait pertinemment que la route qui s'ouvre devant lui ne sera pas exempte de difficultés.
Tout reste à faire
Le nouvel État ne manque pas de travail. Il doit se construire à partir de rien : il n'y a pas de routes, les réfugiés quittent massivement les camps du Kenya et de l'Ouganda voisins pour retrouver leur terre, il n'y a pas d'infrastructures, d'eau en quantité suffisante ou d'électricité, et le pays compte des millions de bouches à nourrir.
Avant la cérémonie du 9 juillet, il faut encore résoudre le conflit territorial opposant le nord et le sud du Soudan concernant la riche région pétrolière d'Abyei. Cela doit faire l'objet d'une négociation bilatérale, puisque le deuxième référendum qui devait avoir lieu dans la région pour trancher la question n'a pu être organisé.
Comment répartir les revenus du pétrole ? Comment partager l'utilisation du pipeline ? Comment gérer la dette nationale accumulée lorsque le sud et le nord ne faisaient qu'un ? Voici quelques-unes des questions essentielles qui devront être négociées et résolues avant la déclaration d'indépendance.
Le choix de la monnaie qui sera utilisée dans le nouvel État indépendant, la livre soudanaise ou le dinar, est également une question que devra trancher le nouveau gouvernement. La sécession implique en outre le problème de la citoyenneté.
Des propositions ont été faites allant dans le sens d'une « frontière souple », plutôt que d'une division pure et simple, en raison du sous-développement flagrant du sud.
Si le vote en faveur de la sécession a été écrasant, la réalité de la séparation suscite quelques réticences, tant au nord qu'au sud.
Il y a d'un côté ceux qui espèrent une libre circulation des marchandises ou tout au moins des droits de douane très faibles entre les deux pays. D'autres, en revanche, affirment que la stabilité socio-économique dépendra de la bonne volonté et des bénéfices économiques que chaque partie attend de l'autre.
Ainsi, les deux pays auront chacun leur mot à dire en ce qui concerne les revenus issus du pétrole se trouvant au sud. Le Sud-Soudan encaisse actuellement la moitié de ces revenus. À partir du 9 juillet, il en recevra la totalité, moins les loyers liés à l'exploitation de la raffinerie et du pipeline, propriétés du Nord-Soudan.
Le Sud-Soudan souhaite s'appuyer sur l'infrastructure développée de son frère ennemi pour doper le commerce et l'investissement.
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