« Alors, êtes-vous pour ou contre ? » C'est la question qu'on me demande le plus souvent et que je déteste le plus depuis que j'ai quitté la Libye pour l'Europe, lorsque le conflit a commencé il y a trois mois. Avec la poursuite des hostilités, mes pensées et mes sentiments n'ont cessé de changer et de tourner en rond, à mesure que je cherchais la vérité, la justice, et parfois, simplement à comprendre ce qui se passait.
En tant que ressortissant libyen ayant vécu dans mon pays depuis au moins 6 ans, j'ai été le témoin de la société et de la vie unique en Libye. Je ne parle pas d'un pays déchiré par la guerre qui vous vaut la pitié de tous lorsque vous mentionnez votre origine. Je parle d'une Libye qui vivait en pays, dont le mode de vie était modestement aidé financièrement, et qui manifestait un véritable sens de l'honneur.
Bien sûr, dernière la Libye que nous connaissons se trouve un homme. Par moment ridicule, parfois faisant preuve d'exagération, parlant sans détour, le colonel Kadhafi est connu dans le monde entier pour ses opinions et ses positions géopolitiques qui lui ont valu l'admiration de nombreuses personnes à travers le monde.
C'est peut-être cette image sans équivoque que Kadhafi portait sur la scène internationale qui lui a valu de régner pendant 40 ans sur le pays. Évidemment, les choses auraient pu être meilleures en Libye : le système de santé laissait à désirer, le logement est un problème considérable pour des milliers de Libyens et les infrastructures sont en décalage avec les normes modernes. Malgré tout, l'argent est là et montre de manière certaine que l'ennemi intérieur était et reste la corruption. Il n'y a aucun doute à ce sujet.
Ce sont ces problèmes que les gens ont dénoncé pour justifier le conflit. La Libye se développait, mais à un rythme très lent. Les conflits dans le monde arabe battaient leur plein et l'élan qui a suivi la chute de Moubarak dans l'Égypte voisine a préparé le terrain. Les sites communautaires ont été fermés immédiatement, puis ce fut le cas de l'ensemble d'Internet. Je me suis donc retrouvé à regarder ou écouter les informations sans pouvoir mener des recherches et tri-butaire de chaînes de télévision majoritairement étrangères. Quand la crise a commencé à s'étendre, il devait de plus en plus évident que la violence se déchaînait, et en effet des accrochages ont commencé à avoir lieu dans le pays.
Choc, horreur, regrets et amertume: ce sont les mots que j'utiliserais pour décrire mes premiers sentiments à l'égard du conflit libyen. Civils massacrés, pénurie de nourriture, bain de sang dans les rues et flux de réfugiés libyens fuyant la guerre sont les bruits de fond qui ont pénétré notre subconscient. Je veux dire qu'il est indubitable que certaines régions de Libye étaient en proie à des désordres localisés, en particulier dans les villes de l'Est, mais ce serait une plaisanterie de croire que cette vague de révolte anti-gouvernementale et que l'effet désastreux du régime de Kadhafi concernaient l'ensemble du pays.
J'ai commencé à nourrir des sentiments mitigés à l'égard de ce régime qui prétendait nous servir et de ce leader que j'admirais mais qui m'ont laissé tombé et qui ont tué leur propre peuple. Je commençais à considérer qu'une intervention pourrait être la seule solution pour stopper l'hémorragie.
Avec du recul, le souvenir de cette grande nation qui avait pris la tête du combat impérialiste m'est revenu à l'esprit. La Libye vendait son pétrole au prix le plus faible à son peuple, n'avait aucune dette et était le leader de l'unité africaine. Bien sûr, les ressources libyennes étaient sans aucun doute une des raisons de la lutte pour le pouvoir, et je doute que l'OTAN et les pays occidentaux soient intervenus si nous exportions principalement des brocolis.
Nous sommes confrontés à une guerre civile, à une intervention militaire étrangère, à des réserves pétrolières considérables et à un gouvernement qui pourrait menacer les plans essentiels des pays occidentaux.
Je crains qu'une guerre prolongée ne débouche essentiellement sur une invitation des chefs rebelles de l'Est du pays appelant les forces de la coalition à intervenir sur le sol libyen afin de défendre leur cause et d'assurer leurs positions, ce qui se traduira par des combats de plus en plus violents de part et d'autre.
Suis-je donc « pour ou contre » ? C'est exactement une telle question qui encourage la conquête de la Libye, et qui incite les Libyens à prendre partie à propos d'une notion qui n'existait pas encore il y a trois mois. Ma réponse est donc que je serai toujours et simplement pour la poursuite de la liberté, de la puissance nationale et de l'unité de la Libye telle qu'elle existait auparavant.
L'auteur est un ressortissant libyen qui a fui les combats pour s'installer en Europe et désire conserver son anonymat. |