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JUBILATION: Les Libyens exhultent après la chute de Kadhafi |
Quand les avions de chasse de l'OTAN lançaient la première bombe sur Tripoli le 19 mars, personne ne s'attendait à ce que l'homme fort de la Libye, Mouammar Kadhafi, ne résiste pendant cinq mois avec acharnement à la force combinée des milices rebelles et des armes aériennes les plus perfectionnées au monde. Néanmoins, le déluge militaire a fini par porter ses fruits, et le pouvoir de Kadhafi a pris fin.
La situation instable en Libye a changé du jour au lendemain. Le 21 août, les rebelles ont fait leur entrée dans Tripoli et ont annoncé que toute la ville était sous leur contrôle, à l'exception de la forteresse Bab Al-Aziziya-Jazeera. Le 22 août, le chef rebelle Moustafa Aboud al-Djeleil a annoncé « la fin de quatre décennies de l'ère Kadhafi », lors d'une conférence de presse à Benghazi dans l'Est de la Libye, après une opération qui s'est avérée plus facile que ce que les experts militaires pensaient possible.
« Le résultat prouve que Kadhafi exagérait sa force et que ses troupes n'étaient pas aussi fidèles qu'il l'affirmait auparavant », commente Zhang Bo, un expert militaire, dans le Beijing News.
Combler le vide du pouvoir
La prise de Tripoli met un terme au règne de 42 ans de Kadhafi, mais ne met pas fin aux dynamiques complexes à l'oeuvre dans les pays d'Afrique du Nord. « Comme toute la communauté internationale, je m'interroge sur la capacité du nouveau régime, qui sera établi après Kadhafi, à gouverner le pays », déclare à CHINAFRIQUE Xu Weizhong, vice-directeur de l'Institut de recherche sur l'Asie de l'Ouest et l'Afrique rattaché à l'Institut chinois des relations internationales contemporaines. « Bâtir un nouveau régime demande une capacité totalement différente que de renverser un ancien régime », poursuit-il.
Le Conseil national de transition (CNT) de Benghazi est une organisation temporaire créée par les rebelles pour diriger le pays après la reddition de Kadhafi. Plus de 30 pays reconnaissent désormais ce conseil, notamment les États-Unis et la Grande-Bretagne. Le 22 août, l'ambassade libyenne en Chine a remplacé le drapeau vert par le drapeau des rebelles, rouge, noir et vert.
D'après Xu, après avoir chassé Kadhafi, le CNT doit rapidement combler le vide de pouvoir pour gouverner le pays. « Mais c'est une épreuve difficile pour les rebelles qui n'ont aucune expérience de gouvernement », poursuit Xu.
Quoiqu'il en soit, malgré la reconnaissance par de nombreux gouvernements étrangers, les soldats rebelles semblent manifester une moindre confiance dans le CNT. D'après une enquête publiée le 22 août par le journal britannique The Independent , les combattants rebelles à Misrata, qui se sont longuement battus pour défendre leur ville, ont déclaré qu'ils n'avaient aucune intention d'obéir aux ordres du CNT.
Division dans les rangs
Ce manque de confiance envers le CNT pourrait très probablement diviser le pays. « Après avoir pris le pouvoir, les rebelles doivent faire face à de nombreux défis pour conduire le pays après Kadhafi », explique Zhang Zhongxiang, vice-directeur du département de recherches sur l'Asie de l'Ouest et l'Afrique à l'Institut des relations internationales de Shanghai. Il déclare à CHINAFRIQUE, que si les rebelles ne peuvent négocier avec les anciens soutiens et membres du gouvernement Kadhafi, le pays pourrait sombrer dans un chaos similaire à l'anarchie qui règne en Somalie.
« Les divergences entre les différentes factions du camp rebelle seront un problème épineux après la prise du pouvoir », d'après Xu.
Selon ce dernier, la rébellion est constituée de différentes factions, notamment des mouvements islamistes radicaux, des partisans de l'occidentalisation, et des forces arabes locales. Afin de renverser Kadhafi, ces forces ont formé un front uni, mais une fois que le pouvoir aura changé de main, les divergences vont émerger.
Les rebelles sont conscients de ce problème. Un de leurs soldats, Husam Najjair déclare à Reuters qu'il était inquiet de la possibilité de guerre entre les rebelles.
« La première chose que ma brigade fera sera de construire des checkpoints pour désarmer tout le monde, y compris les groupes rebelles, sinon ce sera un bain de sang », poursuit-il. « Tous les groupes rebelles voudront contrôler Tripoli. Nous avons besoin d'ordre. »
« Malgré toutes les mesures prises par les rebelles, le conflit interne sera une des grandes questions de l'ère post-Kadhafi », estime Xu.
Réconciliation nationale
« À court terme, les rebelles devront prendre en main les problèmes concernant les différentes tribus, qui vont probablement relever la tête par la suite », confirme Zhang.
Il souligne que les rebelles ont en réalité vaincu Kadhafi grâce au soutien de l'Occident, c'est pourquoi on peut se demander si les tribus du pays reconnaîtront ou non la légitimité du nouveau gouvernement.
La Libye compte plus de 140 tribus, qui sont à la base de la politique libyenne. Pendant son règne de 40 ans, Kadhafi a gouverné le pays en alignant sa tribu sur les tribus les plus importantes. « Une fois Kadhafi renversé, et le nouveau gouvernement installé, les intérêts des différentes tribus vont refaire surface. Le nouveau gouvernement devra prendre garde à négocier avec les partisans de Kadhafi et les anciens membres de son gouvernement, ainsi qu'avec les mercenaires de Kadhafi, qui proviennent majoritairement des pays frontaliers comme le Tchad et le Mali », selon Zhang.
D'après ce dernier, la meilleure méthode est de chercher la réconciliation après le désarmement. « Sans quoi, la situation en Libye sera pire que maintenant, ou même encore plus divisée. »
Xu voit le problème différemment. « Pour que le pays reste stable durant la période de transition, il paraît indiqué que le nouveau gouvernement recrute les officiels du gouvernement Kadhafi, car ils ont l'expérience du gouvernement. Cette connaissance et cette expérience sont précisément ce qui manque au nouveau régime. » Il ajoute qu'un gouvernement inclusif est nécessaire pendant la période de transition, mais mettre sur pied un tel régime sera le problème principal.
Reconstruction économique
La reconstruction économique est un autre problème de taille pour le nouveau gouvernement, car cinq mois de guerre ont détruit les infrastructures économiques du pays. Bien que riche en pétrole, il faudra deux ans ou plus à la Libye pour retrouver son niveau économique d'avant-guerre, selon Xu. « Il est évident que les pays occidentaux vont intervenir dans la production de ressources en Libye. C'est la raison pour laquelle ils ont aidé les rebelles à renverser Kadhafi », déclare Zhang, en ajoutant que le pays a également besoin de l'aide de l'Occident pour son développement économique à long terme.
Zhang estime que bien que la Libye dépend de l'Occident pour vendre ses ressources, elle a également besoin de pays comme la Chine pour sa reconstruction économique, en particulier dans la construction d'infrastructures. « La Chine dispose une immense réserve de change et d'une importante expérience en reconstruction économique, qu'elle peut mettre à disposition de ce pays déchiré par la guerre. »
Juste avant le début des hostilités en mars, la plupart des entreprises chinoises ont arrêté leurs projets en Libye et ont regagné la Chine. Mais, d'après Wang Qimin, conseiller du groupe de travail ad hoc à Benghazi, plusieurs entreprises chinoises comme ZTE et Huawei, leaders chinois des technologies de l'information et de la communication, sont retournées à Benghazi, où la situation est relativement calme, pour reprendre leur travail.
Dans un entretien accordé à Xinhua le 17 août, le vice-président du CNT, Abdelhafez Ghoga, a déclaré que le CNT honorerait tous les engagements et les contrats passés avec les entreprises chinoises du temps du gouvernement de Mouammar Kadhafi.
« Le CNT accueille les entreprises chinoises de retour au pays pour terminer les projets en cours », a-t-il déclaré.
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