La Coupe d'Afrique des Nations (CAN) est depuis longtemps devenue une industrie qui catalyse le développement, et qui contribue aussi à stabiliser les malaises sociaux en Afrique.

En 1957, la première Coupe d'Afrique des Nations a été organisée au Soudan, et depuis, ce tournoi est devenu bien plus qu'un simple événement sportif. Aujourd'hui il contribue autant au développement de l'Afrique que les fondations pour l'unité et l'intégration des peuples.

En 2012, c'est le Gabon et la Guinée équatoriale qui co-organisent le tournoi. Cela fait 40 ans qu'il se déroule en Afrique centrale, depuis qu'il a eu lieu au Cameroun en 1972.

En 1957, les dirigeants de la Confédération Africaine de Football (CAF) ont débuté cette compétition continentale avec quatre équipes ; elles sont maintenant 16 depuis 1996.

Les équipes qualifiées pour la 28ème CAN sont le Mali, la Guinée, la Zambie, la Lybie, le Maroc, le Sénégal, le Burkina Faso, le Niger, la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Soudan, l'Angola, le Botswana, la Tunisie, et les deux pays hôtes, qui ont été qualifiés d'office. Les poids lourds du football africain, le Cameroun, l'Egypte, le Nigéria et l'Afrique du Sud ont brillé par leur absence, mais la fièvre du football pour la CAN 2012 n'en a pas été diminuée.

De grosses affaires

La Coupe d'Afrique des Nations va bien au-delà du sport, et représente un gros business qui stimule le développement.

Le Stade de l'Amitié Sino-Gabonaise, dont les plus de 40 000 sièges accueilleront les spectateurs de la finale de la CAN, a été construit par le Shanghai Construction Group. Henri Ohayon, Directeur Général de l'Agence Nationale des Grands Travaux (ANGT), a déclaré que c'était « un cadeau du gouvernement chinois pour le Gabon, au nom de l'amitié qui unit les deux pays ».

Créé en février 2010 en partenariat avec l'entreprise américaine de travaux publics Bechtel, l'ANGT est responsable des projets infrastructurels pour la CAN 2012. Bénéficiant actuellement des bons prix du pétrole, le Gabon aurait investi 494 millions de dollars pour la CAN à travers l'ANGT, selon le site africareport.com.

« Avec les projets immobiliers, les routes, les hôpitaux, les hôtels et les écoles qui vont se construire autour des stades, le pays va continuer à bénéficier des retombées du tournoi dans le futur », explique-t-il.

Des entreprises gabonaises et étrangères ont tiré des bénéfices de la construction des infrastructures pour la CAN, car Socoba, une importante entreprise de construction gabonaise, a travaillé en collaboration avec des entreprises étrangères, comme Colas et Ramez, rapporte africareport.com.

Le site internet écrit aussi que les investissements massifs ont stimulé la croissance, qui, de 1,4% en 2009, est passée à 5,5% en 2010, et devrait atteindre 4,2% en 2011. Selon la Banque Africaine de Développement, on attend une croissance de 4,8% en 2012.

Les travaux de rénovation et de modernisation n'ont pas été laissés de côté. L'aéroport international M'Vengue Omar Bongo, à 25 kilomètres de Franceville, a été entièrement rénové ; conjointement financés par le Gabon et la Banque Islamique de Développement, les travaux ont coûté plus de 20 millions de dollars.

«On devrait commencer par dire qu'un événement sportif comme la Coupe d'Afrique des Nations de football est essentiellement un moyen pour les pays de positionner leurs marques », explique le Professeur Pius Ottou, économiste et chargé de cours dans plusieurs universités du Gabon.

« La Coupe d'Afrique des Nations a gagné en crédibilité d'année en année, et est vraiment devenue une plateforme où l'Afrique peut présenter autre chose que les images stéréotypées négatives qui continuent à être montrées par les médias occidentaux », explique Ottou.

Junior Binyam, agent de communication et porte-parole de la Fédération Camerounaise de Football, partage ce point de vue. « La Coupe d'Afrique des Nations a gagné du terrain en termes d'importance pour les Africains. Aujourd'hui, c'est une compétition qui arrive juste après la Coupe du Monde et les Jeux Olympiques pour ce qui est du nombre de spectateurs », rapporte-t-il. La CAN est une excellente opportunité d'investissement dans de nouvelles infrastructures pour les pays hôtes. Binyam ajoute que, au-delà des stades, les pays hôtes construisent de nouvelles routes et beaucoup d'autres infrastructures.

Le secteur électronique est également en grande expansion pendant la CAN, car les gens se précipitent pour acheter une télévision, ou pour faire réparer celle qui était cassée depuis des mois.

Autour de 50 000 à 60 000 supporters sont attendus dans le pays pendant la compétition, et ceux qui voudront voir les matchs trouveront des billets à prix raisonnables, entre 6 et 40 dollars, a déclaré Thierry Boussillon, le directeur des projets de la CAN.

Le rôle d'ambassadeur de la CAN

La CAN a également un côté politique, puisque les négociations concernant l'organisation sont menées par les chefs d'État, et dans un continent souvent cité pour ses conflits, cela contribue à atténuer les tensions et créer un rôle plus positif pour la société, à travers la discipline sportive. Pour cela, le football est considéré comme le meilleur ambassadeur pour l'image des Africains à l'étranger, car lorsque les équipes nationales gagnent, le peuple s'unit pour célébrer la victoire.

Le Professeur Ottou a déclaré que lorsque le Cameroun avait une équipe de première division qui avait du succès, il y avait moins de tensions sociales dans le pays qu'aujourd'hui, où les stades sont vides.

Binyam approuve, en disant que le foot, et le sport en général, peut aider les gens à oublier leurs difficultés quotidiennes. Il cite l'exemple du Niger, qui participe pour la première fois à la CAN. « On voit combien ils sont fiers, et comment le fait que leur équipe participe à la compétition a fait oublier leur détresse quotidienne à ceux qui habitent loin, dans les villages. »

Le Botswana aussi a vu son état d'esprit général s'améliorer après avoir été qualifié pour la première fois, rajoute Binyam. Il se rappelle quand, au cours de la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud, il discutait avec de nombreuses personnes qui disaient que, même si elles n'aimaient pas vraiment le football, elles étaient impressionnées par l'unité engendrée par le jeu entre tous les groupes sociaux sud-africains.

Roger Milla et Samuel Eto'o constituent un bon exemple d'ambassadeurs sportifs : ces deux joueurs camerounais légendaires ont amélioré l'image de leur pays, tout comme l'Ivoirien Didier Drogba, qui a joué un rôle clé dans le processus de paix au sein de son pays.

 (Reportage du Cameroun)