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L'UNION FAIT LA FORCE: La foule prête allégeance |
Le 8 janvier 2012, le Congrès national africain (ou ANC pour African National Congress), le plus ancien mouvement de libération du continent africain, a célébré son centième anniversaire. Cette étape historique est une réalisation remarquable. Depuis ses débuts, l'ANC s'est engagé dans le combat pour l'unité du peuple africain, au-delà des différences et divisions tribales, ethniques, géographiques ou de classe.
Pixley ka Isaka Seme, un des leaders de premier plan du parti et président de l'ANC entre 1930 et 1936, a déclaré en 1912.
« Nous, les chefs d'ascendance royale et les nobles de notre race,nous nous sommes rassemblés pour discuter d'une idée, que mes collègues et moi-même avons décidé de vous soumettre. Nous avons découvert que sur notre terre natale, les Africains sont traités comme des coupeurs de bois ou des porteurs d'eau. Les Blancs de ce pays ont créé ce qu'on appelle l'Union de l'Afrique du Sud, une union dans laquelle nous ne participons ni à l'élaboration des lois ni à l'administration. C'est pourquoi nous vous avons convoqué à cette conférence, pour pouvoir discuter des moyens de création d'une union nationale dans le but de créer l'unité nationale et défendre nos droits et privilèges. » (The Thinker, numéro 36/2012)
Pendant 100 ans, cette déclaration a été un des principes directeurs de l'ANC. Les pires formes de colonialisme, d'impérialisme, d'oppression, de racisme et d'exploitation de la main-d'œuvre ont entaché l'histoire de l'Afrique du Sud et du continent. De 1948 à 1992, la politique d'apartheid a soumis la population noire en général et les Africains en particulier à des formes extrêmes de racisme et au règne tyrannique de la minorité blanche. Les Nations unies ont déclaré que l'apartheid consistait « un crime contre l'humanité ».
L'histoire de l'ANC est intrinsèquement liée à la lutte anti-coloniale et anti-impérialiste en Afrique du Sud et sur le continent africain, au combat contre le racisme à travers le monde, et à la paix et la sécurité mondiale.
Depuis la découverte d'or et de diamants sur son territoire, il y a plus de 130 ans, l'Afrique du Sud a développé une conscience politique forte et a formé une classe laborieuse bien organisée. Mais à cause des privilèges accordés aux travailleurs blancs, la classe laborieuse a été polarisée et divisée selon des critères raciaux.
Pour l'ANC et le Parti communiste sud-africain (ou SAPC pour South African Communist Party), fondé en 1921, l'imbrication des luttes nationales et des luttes de classes ont guidé et déterminé leurs positions théoriques et idéologiques. Les travailleurs africains étaient soumis à l'oppression, à la discrimination sexuelle et à l'exploitation de classe. La résistance historique du pays s'est écrite avec le sang de milliers de travailleurs brimés, emprisonnés, torturés et tués.
Cette imbrication des luttes raciales et sociales a conduit à l'alliance entre l'ANC, le SACP et le mouvement syndical. Pour l'ANC, la classe laborieuse demeure la principale force motrice du changement révolutionnaire. Comme le président Zuma l'a déclaré dans un entretien au magazine The Thinker : « En définitive, la classe laborieuse doit jouer un rôle central. Au sein de l'alliance, le SACP et le Congrès des syndicats sud-africains (ou COSATU pour Congress of South African Trade Unions) ont pour mission de représenter les intérêts et l'idéologie de la classe laborieuse. L'ANC est une grande chapelle et sa composition reflète la diversité des classes. Néanmoins, le rôle, la place et la fonction de la classe laborieuse au sein de l'ANC sont primordiaux. En Afrique du Sud, le fait d'être noir vous prive de l'opportunité de participer à l'économie dominante. En ce sens, il faut ouvrir l'économie pour permettre aux Noirs de participer activement à la première économie. L'ANC demeure une force organisée à gauche et s'aligne sur la classe laborieuse et les pauvres.

Dans leur quête de libération nationale, de liberté et de démocratie, les mouvements révolutionnaires ont reçu le soutien sans faille et bénéficié de la solidarité de la communauté internationale. Le mouvement anti-apartheid reste un des mouvements de solidarité internationale les plus forts de l'histoire mondiale.
Le Parti communiste chinois (PCC) et la République populaire de Chine (RPC) a joué un rôle primordial en offrant toute l'assistance matérielle, morale et politique nécessaire aux mouvements de résistance. Aujourd'hui les relations entre le PCC et l'ANC/SACP reposent sur le respect mutuel, la non-ingérence dans les affaires internes et des relations économiques et commerciales mutuellement bénéfiques.
Quand la RPC était illégalement empêchée d'assumer le rôle qui lui revenait au Conseil de sécurité de l'ONU, l'ANC, le SACP et les autres forces progressives d'Afrique du Sud, ont apporté un soutien total à la demande de la RPC d'être reconnue comme la seule représentante du peuple chinois. À l'époque comme maintenant, l'ANC et ses alliés ont suivi une politique d'une seule Chine.
Depuis 1990, l'ANC et le SACP ont reçu nombre de délégations de haut niveau du PCC et de Chine pendant leurs congrès. De même, l'ANC et la SACP ont envoyé de nombreuses délégations en Chine, notamment dans les écoles du parti. Aujourd'hui, ces deux pays jouissent d'une coopération commerciale et économique renforcée et de puissants investissements mutuels, partagent des positions communes sur de nombreuses questions internationales et sont tous deux membres du groupe des BRICS.
À présent, l'ANC, au pouvoir depuis 1994, est confrontée à une crise interne. Il a publié un certain nombre de comptes rendus de conférences commentant et analysant cette crise. Ces bouleversements sont dus à de nombreux facteurs, dont, parmi les plus importants :
L'abus de pouvoir et d'autorité de certains membres et représentants publics de l'ANC, et des cas d'enrichissement abusifs se traduisant par la corruption dans les secteurs publics et privés.
Malheureusement, à l'heure actuelle, nombre de personnes rejoignent l'ANC et le SACP pour servir leurs propres ambitions personnelles. Les intérêts collectifs servent la promotion des intérêts individuels.
Les compétitions électorales aux niveaux local, provincial et national sont dominées par certaines structures de l'organisation.
Les défis complexes que rencontre un parti au pouvoir passant d'un système autoritaire à une société ouverte, transparente et démocratique.
La collusion entre le parti et l'État dans un contexte d'émergence d'une bourgeoisie bureaucratique.
L'Afrique du Sud et le monde progressiste ont besoin de l'implication d'un ANC fort, uni et cohérent. Le même ANC qui a, par le passé, défendu et promu les intérêts et les aspirations des pauvres, des marginalisés, des travailleurs, de la classe moyenne, ainsi que la paix mondiale, la justice et la sécurité.
Malgré cette crise interne, l'ANC contient suffisamment de forces vives et de cadres dévoués au bien commun. Pendant la conférence nationale qui doit se tenir en décembre 2012, l'ANC sera confronté à de violents conflits internes pour les places de commandement. Mais ceux qui connaissent l'ANC savent que ce parti sortira de cette épreuve renforcé et encore plus sain.
L'auteur, ancien ministre de la République sud-africaine est le rédacteur en chef du magazine The Thinker |