
L'entreprise chinoise Unipec Asia va, aux termes d'un accord commercial conclu avec le gouvernement du Ghana, acheter la totalité du pétrole du champ pétrolifère de Jubilee pendant les 15 prochaines années. D'après cet accord, le pays de l'Afrique de l'ouest va fournir à la Chine 13 000 barils de brut par jour pour rembourser un emprunt de 3 milliards de dollars accordé par la Chine aux termes d'une convention de prêt garanti par la Banque chinoise de développement.
Le parlement ghanéen a donné son assentiment à cet accord en février 2012, lors d'une séance présidée par le vice-président du parlement Edward Doe Adjaho. L'essentiel du prêt a été affecté au développement des infrastructures dans la région occidentale du Ghana, où se concentrent les industries du pays. D'après une minorité du parlement, en se basant sur les prix en cours du pétrole, le Ghana devra payer 6,4 milliards de dollars à la partie chinoise pour le prêt de 3 milliards ou donner 750 millions de barils de brut pendant 15 ans et demi. D'où les accusations d'arnaque qui entourent l'accord commercial entre Ghana National Petroleum (GNPC) et Unipec Asia.
Constitution d'une garantie
L'ancien procureur général et ministre de la Justice, Joe Ghartey, ainsi que le député de la région occidentale d'Esikadu/Ketan, ont déclaré que cet accord transgressait la section 18-7 de la loi sur la gestion des revenus du pétrole de 2010 (article 815), qui stipule que le pétrole du pays ne doit pas servir de garantie au-delà d'une période de 10 ans.
Outre la minorité qui s'oppose à l'accord de prêt, beaucoup de Ghanéens et d'analystes le dénoncent, arguant que les conditions de cet accord sont inéquitables. Ils avancent que d'après les termes de l'accord, l'intérêt du prêt serait de presque 5 milliards, et que seule la Chine en bénéficierait, au détriment du Ghana.
George Ayittey, professeur ghanéen d'économie à l'American University et président de la Free Africa Foundation, qui a fourni les chiffres cités, estime que cet accord est préjudiciable au Ghana.
Le directeur général du Danquah Institute, Gabby Asare Otchere Darko, a laissé entendre que le gouvernement ghanéen, qui a contracté ce prêt de 3 milliards de dollars, n'a pas pris en compte les événements nationaux et mondiaux qui pourraient affecter le futur prix du brut. Il a évoqué la santé financière des principaux partenaires commerciaux du pays en Europe, aux États-Unis et en Asie, les estimations de la croissance économique mondiale (qui joue sur la demande énergétique), et les analyses de marché pour les sources d'énergie alternatives. Sans oublier les conflits dans les pays producteurs de pétrole comme le Nigeria ou le Moyen-Orient.
Bright Simons, directeur de recherche pour un groupe de réflexion base à Accra, a également avancé que le prêt ne serait pas décaissé en grosses sommes mais en tranches pendant une période de cinq ans, ce qui avantage encore plus la Chine. Il a également indiqué que le prêt est destiné à développer certaines infrastructures, en conformité avec l'Agenda du Ghana pour le développement et la croissance partagée, mais que d'après l'accord ces infrastructures seront construites par des ouvriers chinois et non ghanéens. Cela signifie que le prêt créera des emplois pour la Chine et non pour les travailleurs ghanéens, à l'heure où le taux de chômage du Ghana flotte autour des 11 pourcent d'après les estimations de 2000.
Optimisme gouvernemental
Mais les membres du gouvernement sont plus optimistes à propos de ce prêt. Une dépêche Reuters rapporte les propos du directeur général de Ghana National Gas, Adjah-Sipa Yankey, qui affirme qu'un projet gazier de 700 millions de dollars, que le prêt permettra de financer, pourra rembourser le prêt de 3 milliards de dollars au bout de cinq ans.
Le gouvernement a rejeté les inquiétudes exprimées. Le vice-ministre du Budget, Seth Terkper, a déclaré aux médias que la déclaration selon laquelle le gouvernement ghanéen va payer plus de 2,3 milliards pour le prêt contracté auprès de la Banque chinoise de développement, en sus du principal et des intérêts, est erronée.
Terkper a également nié que le pétrole servirait de garantie pour le prêt. « Le pétrole ghanéen n'est pas utilisé comme garantie. La recette du soutirage sera payée à la Banque du Ghana comme n'importe quelle vente de pétrole brut, et, à l'exception de la part de la recette qui ira dans le compte de Petroleum Holdings, la distribution sera effectuée en le Fonds de stabilisation, le Fonds Heritage, et le financement du budget annuel. »
Il a expliqué que la part de la recette qui ira dans le Fonds consolidé sera la seule ressource qui servira à rembourser les intérêts de l'emprunt.
Terkper a également réfuté les affirmations selon lesquelles le gouvernement a fixé le prix auquel les Chinois achèteront le pétrole à 85 dollars le baril, bien en dessous du prix du marché. Matthew Opoku Prempeh, le porte-parole de l'opposition, a accusé le gouvernement d'indexer le coût à un prix ridiculement bas comparé au prix en vigueur.
Terkper, néanmoins, a estimé que la volatilité du prix du brut rend impossible de fixer le prix, ajoutant que « l'accord de soutirage exige des prix moyens qui seront ajustés périodiquement. »
Avantage au Ghana
Pour certains Ghanéens, les avantages du prêt l'emportent largement sur les inquiétudes partagées par l'opposition. Samuel Okudzeto Ablakwa, vice-ministre de l'Information a déclaré aux médias au mois de mars que 80% du montant du prêt serait utilisé pour le développement du chemin de fer, du système routier et de l'industrie de l'aluminium dans l'ouest du Ghana, et pour améliorer les zones voisines des régions pétrolifères.
Des initiatives particulières sont projetées pour développer le Ghana, notamment le projet d'infrastructure du corridor gazier de l'ouest, le projet de route à péage du corridor de l'ouest, le projet de modernisation de la ligne de chemin de fer du corridor de l'ouest, les lignes de chemin de fer Takoradi-Kumasi et Dunkwa-Awaso, le projet de rénovation des infrastructures du corridor de l'ouest, le projet d'amélioration du port de Takoradi, le projet de zone de libre-échange Sekondi, et le projet d'irrigation des plaines d'Accra.
La partie occidentale du Ghana contribue pour près de 55% à l'économie du pays, en raison d'industries importantes comme le cacao, les mines, l'hévéa, et le gaz et le pétrole découverts récemment qui nécessitent un développement des infrastructures, explique Ablakwa.
(Reportage réalisé au Ghana) |