Tout le monde semble tomber d'accord sur le fait que la Conférence de Londres sur la Somalie, qui a eu lieu en février, était un événement d'une grande importance parmi les efforts internationaux en cours pour pacifier ce pays, ravagé par la guerre.
Rien que le nombre des participants, venus d'une cinquantaine de pays, et des agences internationales des Nations unies, consistait une première pour la Somalie, privée d'État depuis deux décennies. Que la Somalie soit à nouveau à l'ordre du jour international et qu'un nouvel effort soit entrepris pour rechercher des solutions aux souffrances de son peuple, est en soi un fait qui mérite d'être applaudi.
La question demeure de savoir si la conférence était un tournant dans l'élaboration d'une feuille de route vers une Somalie ayant surmonté deux décennies d'absence d'État. Ainsi, est-ce que tous les combattants somaliens, pirates, seigneurs de la guerre ou djihadistes vont déposer les armes et accepter la paix sur la base des résolutions de la convention de Londres ?
Les réflexions sur la période à venir sont partagées entre optimisme et pessimisme. Un des inconvénients de la conférence était la fuite du communiqué final, diffusé sur Internet bien avant que les délégués puissent officiellement imprimer leurs résolutions finales. Cette fuite démontre largement avec quelle attention les intérêts particuliers continuent à garder un œil sur les scénarios possibles pour un pays qui détient le triste titre d'« endroit le plus dangereux de la planète ».
En effet, l'obstacle majeur à une paix durable en Somalie est la complexité des intérêts particuliers en jeu, en surface et en dessous. Certaines personnes sceptiques pensent que la véritable motivation derrière ce nouvel intérêt pour la Somalie est économique plus qu'altruiste. Divers facteurs économiques, comme la probabilité d'immenses réserves de pétrole et de gaz naturel, le commerce maritime sur les côtes somaliennes et l'industrie de la pêche ont été désignées comme les véritables raisons de la nécessité de stabiliser le précaire navire somalien.
En toile de fond, la conférence était influencée par le retour au calme relatif en Somalie, après que la milice populaire al Shabaab ait essuyé une attaque sur trois fronts de la mission de l'UA en Somalie, de l'armée kenyane et des forces éthiopiennes. Dans une mesure importante les délégués ont surfé sur la vague de ces victoires militaires.
Il n'a pas échappé aux observateurs de la Somalie que Londres s'est lancé dans l'action à la suite de la Turquie, qui noue pas à pas des contacts et s'engage auprès de la Somalie, notamment en établissant une mission diplomatique à Mogadiscio. De même, les pays du Golfe se fraient un chemin dans une Somalie qui s'apaise, ainsi que la Chine, qui non seulement a affrété un navire pour protéger les cargos qui naviguent dans les eaux agitées de la Somalie, mais détient également des concessions pétrolières dans ce pays.
Quoi qu'il en soit, à la mi-mars, al Shabaab semble avoir repris du poil de la bête, infligeant de lourdes pertes aux forces éthiopiennes et tuant quatre civils kenyan à Nairobi. Cela montre que ceux qui avaient déjà enterré al Shabaab se sont réjouis trop vite.
Les nouvelles d'une renaissance de la milice sont une première épreuve pour ceux qui se sont engagés durant la conférence. Est-ce que la communauté internationale va tenir son engagement de fournir des financements aux troupes sur le terrain, conformément à une récente résolution de l'ONU appelant à une augmentation des forces de l'UA (devant passer de 13 000 à 18 000 soldats) ?
Certains estiment que ce fut une erreur de ne pas inviter de délégation d'al Shabaab à la conférence, étant donné son poids en Somalie. Alors que les états séparatistes de Puntland et du Somaliland étaient représentés, on a considéré qu'inviter al Shabaab à la table des négociations serait apporter son soutien au terrorisme. Pourtant, en Afghanistan, les puissances occidentales recon-naissent désormais la nécessité de séduire les Talibans, groupe à bien des aspects similaire à al Shabaab.
La lecture des résolutions décidées par la conférence montre que la piraterie faisait partie des priorités. Il est maintenant reconnu que pour contenir cette menace, on doit s'y attaquer à terre, et pas seulement sur mer (en escortant les cargos). Le plus intéressant a été la révélation que le commerce maritime en haute mer était impliqué dans une tentative de contenir l'augmentation des primes d'assurances consécutive aux coûts engagés dans la lutte contre la piraterie. Est-ce que David Cameron aurait été poussé à l'action par les élites de la City, désireuses de réduire les coûts du commerce dans le Golfe d'Aden, route majeure reliant l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique ?
Une autre lacune gigantesque à l'issue des négociations est qu'on s'est gardé d'apporter une solution au problème du déversement de déchets toxiques dans les eaux somaliennes.
Les questions certainement les plus problématiques concernent la nouvelle architecture politique qui devrait émerger après l'expiration du mandat du gouvernement fédéral de transition. Alors que beaucoup sont désireux de voir ce dernier se retirer, il n'existe aucune certitude concernant la structure politique que sera mise en place à partir d'août. |