Depuis environ 20 ans, la Corne de l'Afrique est dans un bourbier de guerre, de terreur, d'affrontements, de faim et de sécheresse. L'Occident apporte régulièrement une aide alimentaire aux réfugiés fuyant les combats et à ceux déchirés par la faim dans les camps.
Des neuf pays de la région, la Somalie est celui qui est le plus sévèrement touché. Avec une guerre civile qui dure depuis vingt ans, les derniers chiffres du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) indiquent que plus de 600 000 Somaliens sont disséminés dans les pays voisins de la Somalie.
Sans compter la sécheresse de l'année dernière, qui a provoqué une famine touchant 4 millions de personnes. Un tiers d'entre eux venaient de Somalie, pays qui, même dans des conditions climatiques normales, ne produit pas assez à manger car ses habitants sont toujours en fuite.
L'an passé, immédiatement après que cette région ne soit frappée par la famine et la sécheresse, le gouvernement chinois a annoncé qu'il allait apporter une aide alimentaire pour une valeur de 800 000 dollars (7 milliards de shillings kenyan). Au total, l'aide chinoise à la Corne de l'Afrique a atteint 60 millions de dollars au cours des cinq dernières années, sous la forme de nourriture et d'assistance agronomique.
L'appel à la Chine
En avril, le Président kenyan Mwai Kibaki a appelé la Chine à soutenir la mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM) et son initiative de paix pour restaurer la stabilité en Somalie. En mars et en avril, Kibaki a rencontré à Nairobi le vice-président du Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale, Hua Jianmin, et le secrétaire du comité du Parti communiste chinois pour la municipalité de Beijing, Liu Qi.
L'appel au soutien de la Chine en termes de sécurité régionale s'appuie sur la relation de plus en plus nourrie entre la Chine et l'Afrique au cours de la dernière décennie, qui bénéficie à l'ensemble du continent.
D'après la Banque mondiale, la valeur du commerce chinois avec l'Afrique, est passée de 6 milliards à 107 milliards de dollars. Et presque toutes les routes principales construites au cours des cinq dernières années l'ont été avec l'aide des Chinois. L'an passé, ils ont financé la construction du Siège de l'Union africaine à Addis-Abeba, pour la somme de 200 millions de dollars.
Les dirigeants africains voient ces évolutions comme un moyen pour alimenter la croissance économique et pour se placer dans une meilleure position de négociation sur la scène internationale, sans manipulation. Défis sécuritaires
Mais ces liens continuent à être mis à mal par l'insécurité et les conflits sur le continent. Entre 1990 et 2005, l'Afrique a représenté la moitié des morts causées par des conflits, par le terrorisme ou par la violence, d'après un récent article de l'Institut de diplomatie et d'études internationales de l'Université de Nairobi. Cela représente un coût de 300 milliards en termes de ressources détruites et de personnes tuées pour le continent.
La Corne de l'Afrique représente à elle seule les deux tiers des morts et près de la moitié des pertes financières. Mais le problème a pris un nouveau tournant lorsque les militants somalis d'Al-Shabaab ont pris le contrôle de plusieurs régions du pays et ont recruté des sympathisants dans les pays voisins. Ils ont commencé à arraisonner des cargos dans le golfe persique et l'Océan indien. Les importations sont devenues plus coûteuses dans la région puisque les importateurs ont dû augmenter les primes d'assurances de leurs produits, ce qui a provoqué la crainte des investisseurs.
Consciente des défis sécuritaire de la région, la Chine a activement apporté son aide, en donnant 300 000 dollars à la mission de maintien de la paix de l'UA en Somalie en 2008, puis 400 000 dollars en août 2009 et 4,76 millions supplémentaires à l'AMISOM en décembre dernier.
La Chine a également envoyé sa flotte militaire dans le Golfe d'Aden et dans les eaux somaliennes pour protéger les cargos.
L'organisation maritime mondiale a récemment fait état d'une baisse de 35% des attaques de piraterie dans les eaux somaliennes.
Les spécialistes de diplomatie internationale notent que la confiance de l'Afrique à l'égard de la Chine va grandissant. « Les milices Al-Shabaab ne sont pas des agences gouvernementales et ne peuvent donc être un risque pour les relations sino-africaines car elles ne menacent pas les investissements », explique le professeur Suisheng Zhao, rédacteur en chef du Journal of Contemporary China.
« Alors que la politique extérieure de la Chine est de ne pas intervenir dans les affaires internes des autres pays, les accords de sécurité sont d'une grande importance », a-t-il expliqué à CHINAFRIQUE.
John Shikwati, analyste économique pour le Inter-Region Economic Network (IREN) basé à Nairobi partage cet avis, et ajoute que « contenir l'insécurité somalienne sera doublement bénéfique à la Corne de l'Afrique puisque cela signifier qu'elle pourra bénéficier des investissements économiques chinois. » |