En seulement deux ans, le Malawi est devenu une dictature affichée, malgré sa constitution démocratique. Il a sombré également dans une situation économique difficile sans taux de change adéquat et, pire encore, a insulté ses donneurs en investisseurs en demandant en certains d'entre eux de rentrer chez eux. Tout cela a eu lieu sous la présidence de Bingu wa Mutharika, qui est décédé le 5 avril 2012 à l'âge de 78 ans.
La disparition de Mutharika a accéléré la nomination automatique de l'ancienne vice-présidente, Joyce Banda au poste de présidente. Banda est seulement la deuxième femme africaine à occuper le poste de chef de l'État.
L'héritage de Mutharika sera un défi important pour Banda, d'autant plus qu'elle ne dispose que de deux ans à la tête de l'État pour remettre le pays dans la bonne direction avant l'échéance électorale de mai 2014.
Tom Likambale, un journaliste malawite bien connu, estime que la présidente Banda aura besoin de toute son expérience et de tout son talent en tant qu'ancienne ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale pour rétablir les relations du pays avec la Grande-Bretagne, les États-Unis, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, les Nations unies et l'Union européenne, si le Malawi veut obtenir à nouveau de l'aide financière.
Banda s'est déjà attelée à la tâche. Quelques jours après sa nomination, elle a déclaré à des reporters qu'elle avait demandés à la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, de dégeler l'aide au Malawi accordée par le Millennium Challenge Corporation.
Banda a également déclaré qu'elle essayait d'améliorer les relations avec l'Angleterre, qui a rappelé son représentant après une dispute diplomatique avec Mutharika. Les relations doivent être également rétablies avec des donneurs comme l'Union européenne et le Fonds monétaire international.
Feu Mutharika avait, dans une phrase devenue célèbre, déclaré au FMI: « Si les donneurs critiquent cette dévaluation, au motif que ce n'est pas démocratique, qu'ils aillent se faire foutre…S'ils veulent se retirer de notre pays, qu'ils s'en aillent. »
Mutharika a trouvé juste de renvoyer le haut-commissaire britannique pour des motifs futiles et égocentriques et a couvert l'Angleterre de reproches. Le gouvernement britannique a, en réponse, renvoyé le haut-commissaire malawite de Londres, ce qui a eu des conséquences désastreuses. Les Anglais ont retiré leur soutien budgétaire direct au Malawi et ont réduit leur aide aux agences et aux ONG.
Likambale pense qu'à court terme Banda sera obligée de dévaluer le kwacha, la monnaie locale, par rapport aux autres devises, ce qui est une des conditions requises pour pouvoir renouer avec le FMI.
Les perspectives semblent bonnes puisque les États-Unis ont déjà fait savoir qu'ils espéraient poursuivre leur partenariat avec le gouvernement et le peuple du Malawi.
La porte-parole du Département d'État, Victoria Nuland, a enjoint la nouvelle présidente à « se conformer au principe de légalité, et [à] travailler avec toutes les parties prenantes, au nom de l'avenir du Malawi. »
Ce ne sera pas une tâche facile, quelle que soit la détermination de Banda à travailler avec les membres actuels du gouvernement. En tout premier lieu parce que les membres du parti de Mutharika, le Parti progressif démocratique ont retardé l'annonce de son décès, et en raison des luttes de pouvoirs en coulisses pendant la transition, au cours de laquelle certains ont cherché à installer Peter Mutharika, le frère du précédent, au poste de président.
Banda a donné un premier coup de balai en congédiant l'inspecteur général de police, Peter Mukhito, le secrétaire au Trésor, Joseph Mwanamvekha et l'ancienne ministre de l'Information et de l'Education civique, Patricia Kaliati. Les autres membres du gouvernement ont été nommés à des postes différents. Ainsi Mary Shawa, ancienne secrétaire principale du bureau du président, est désormais ministre de l'Egalité des genres. Le ménage devrait continuer après les funérailles de Mutharika.
L'un des aspects les plus troublants de la cérémonie d'assermentation de Banda, le 7 avril 2012, était l'éventail de ministres du gouvernement Mutharika et de députés du Parti progressif démocratique qui sont presque tombés les uns sur les autres dans leur empressement à montrer leur loyauté à l'égard de la nouvelle présidente. Malgré l'impression d'unité, ces mêmes personnalités avaient passé les trois dernières années à critiquer publiquement Banda pour avoir créé son propre parti politique, le Parti du peuple, après sa brouille avec Mutharika en 2009.
(Reportage réalisé au Malawi) |