Un héritage difficile
Ce genre de sanctions deviennent petit à petit la marque de l'alliance ouest-africaine. Quand un groupe de militaires a évincé le gouvernement démocratique du pays, moins de deux mois avant la fin de son mandat, la CEDEAO a répondu de manière identique.
L'organisation a condamné la junte, exclu le Mali en tant que membre et imposé des sanctions. Rapidement, un gouvernement civil de transition était formé alors que les élections étaient décidées pour l'année à venir. Pour l'organisation formée il y a 37 ans, des évènements similaires ont eu lieu chaque année dans la région.
Parmi les membres de la CEDEAO, le Sénégal est le seul à n'avoir pas connu de révolte militaire depuis son indépendance. La Guinée-Bissau a connu au moins six coups d'État depuis son indépendance en 1974. Le dernier en date a suivi des élections organisées pour remplacer le Président Bacai Sanha, mort en janvier, mais qui n'avaient débouché sur aucun résultat satisfaisant.
Il y a tout juste deux ans, le président sortant de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, refusait de céder le pouvoir au vainqueur de l'élection, Alassane Ouattara, ce qui a provoqué une impasse d'un an, qui a déstabilisé l'économie du pays.
Les élections étaient l'aboutissement d'un conflit vieux d'une décennie dans un pays autrefois considéré comme le parangon de la stabilité en Afrique. La CEDEAO s'était engagée dans le processus de pays, notamment en envoyant des médiateurs.
Durant les années 1990, la CEDEAO s'est engagée durant les guerres au Libéria et au Sierra Leone. À cette époque, les États membres tels que la Guinée-Bissau, la Côte d'Ivoire et la Sierra Leone ont accueilli un grand nombre de réfugiés. L'organisation est également intervenue récemment au Niger et en Guinée-Bissau.
Solution régionale
À l'origine, la CEDEAO a été créée pour aider à l'intégration des politiques économiques dans la région et pour éviter les effets de la guerre froide. Pourquoi a-t-elle donc pris une position ferme sur la manière dont les transitions se produisent à l'intérieur de sa juridiction ?
« Les conflits 'internes' à la région menacent de mettre en péril l'agenda économique de l'organisation », remarque Abdelfatau Musah dans son essai, La CEDEAO et la réponse régionale aux conflits. Musah est également le directeur des Affaires politiques de la CEDEAO. Celle-ci considère la paix comme une incitation à investir, notamment pour les étrangers.
Un rapport publié l'an passé par la Fondation Friedrich Ebert, une organisation allemande, démontrait que les États membres de la CEDEAO considéraient désormais comme un « devoir commun » d'éviter la résurgence de conflits dans la région.
« L'unanimité et la fermeté par lesquelles la CEDEAO a condamné et décidé de sanctions pour les récentes violations des protocoles régionaux sont remarquables », peut-on lire dans ce rapport qui appelle à l'exclusion des pays voyous.
« Les États membres ont pris une position claire contre les juntes militaires et ont insisté pour que le pouvoir soit exercé par un gouvernement légitimé par les urnes. »
Certains analystes avancent que le succès récent de la CEDEAO pour étouffer les conflits possibles à l'intérieur de ses frontières apporte à l'Union africaine une assistance bienvenue pour aider le continent à résoudre ses problèmes sans interférence extérieure.
« La réalité de la politique internationale contemporaine est que les organisations régionales et sous-régionales sont mieux placées et mieux appropriées pour intervenir pour résoudre les crises dans leur périmètre », explique le professeur de relations internationales Alade Fawole, de l'Université Owolowo (Nigeria).
« Outre la familiarité avec le terrain politique, les organisations sous-régionales inspirent plus de respect que les Nations unies. La CEDEAO remplit bien son rôle en répondant rapidement aux crises en série et en prenant des mesures politiques et diplomatiques efficaces, et même parfois des mesures militaires. »
L'implication actuelle de la CEDEAO en Afrique de l'Ouest et sa réussite donnent un point de référence pour juger des résultats de l'organisation. Si les protagonistes venaient à persister dans le conflit, l'alliance ouest-africaine a déclaré qu'elle pourrait donner l'ordre à sa commission de chercher l'aide de l'UA ou de l'ONU pour s'occuper du problème.
(Reportage réalisé au Kenya) |