Un divorce difficile
Adan Keynan, président du Comité parlementaire kenyan sur la défense et les relations étrangères, a déclaré que les deux pays n'avaient pas d'autres choix que de régler leurs problèmes « pacifiquement ». Il considère que les sanctions sont une solution « de dernier recours ».
« Ce n'est pas dans leur intérêt de déclencher à nouveau une guerre. Il y a un cadre bien défini à l'intérieur duquel ils doivent négocier et se mettre d'accord. Toute autre option serait une échappatoire périlleuse », explique le Kenyan à CHINAFRIQUE, dans une allusion aux mécanismes de résolution mis en place par l'Accord de paix global, très controversé.
Une guerre entre les deux parts serait perturbatrice pour une région qui n'a pas connu la paix et la stabilité depuis les années 1950.
« Les deux pays ont connu un divorce difficile. Les questions liées au pétrole et le fait que la majeure partie du pétrole se trouve au Sud, alors que les routes pour l'exportation sont au Nord, rendent la situation nécessairement explosive. Si on ne trouve pas rapidement un règlement, alors ils (le Soudan et le Soudan du Sud) finiront inévitablement par s'affronter. S'ils ne se combattent pas maintenant, ils le feront dans le futur », explique Jomo Washiali, député au parlement kenyan.
Washiali a fait le trajet aller-retour jusqu'à Juba, et en tant que membre du Comité kenyan sur les transports et les travaux publics, il est désireux de voir un oléoduc de plusieurs millions de dollars construit entre le port maritime de Lamu (pas encore construit) et le Soudan du Sud et même l'Ethiopie.
« Khartoum craint que le Soudan du Sud ne décide d'exporter son pétrole depuis le port de Lamu, ce qui signifierait une perte de revenu. Ce n'est pas un projet qu'ils sont prêts à accepter et cela pourrait expliquer leur agression [pour empêcher le Soudan du Sud de se concentrer sur le projet kenyan] », explique Washiali.
Les négociations autour des revenus pétroliers et du conflit frontalier ont été menées par le Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l'Union africaine, qui s'est également occupé du conflit dans les états du Sud-Kordofan et du Nil Bleu au Soudan.
Le dialogue doit être maintenu
Le ministre sud-soudanais des Affaires étrangères, Nhial Deng Nhial a déclaré au cours d'un entretien à la BBC qu'il estimait que Juba était prêt à vivre sans utiliser les oléoducs soudanais pendant deux ans, le temps que soit construit l'oléoduc Lamu-Soudan du Sud.
Alors que le pétrole représente 98 % des revenus du pays, fermer les robinets pourrait déstabiliser la nouvelle république, qui essaye de tenir debout, Nhial a répété que le Soudan du Sud « pourrait survivre ».
« Le Soudan du Sud a vécu la guerre pendant deux ou trois décennies, et nous n'avions rien à l'époque. Nous pouvons nous adapter. Ce sera dur, difficile, mais je pense que nous pourrons survivre », affirme Nhial.
Juba acceptera d'emprunter l'oléoduc soudanais si Khartoum s'engage à ne pas confisquer le pétrole et à baisser les droits de transit, considérés comme « exorbitants ».
D'après un rapport de l'UA daté du 24 avril, les négociations « ont porté sur les questions principales de contentieux entre les deux États, et également sur la question d'un conflit armé dans les deux régions du Sud-Kordofan et du Nil Bleu au Soudan. »
La feuille de route pour mettre les deux pays à la table des négociations est, d'après l'UA et le reste de la communauté internationale, sans détours : le Soudan du Sud doit retirer ses troupes de Heglil ; le Soudan doit cesser ses bombardements aériens au Soudan du Sud ; les deux parties doivent arrêter d'appuyer les forces rebelles ; et elles doivent s'asseoir et apprendre à vivre en tant que voisins pacifiques.
Après la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, le ministre sud-soudanais Deng Alor a déclaré que son gouvernement « s'engageait solennellement » à se conformer à la résolution, selon Associated Press.
Mais l'ambassadeur soudanais à l'ONU, Daffa-Alla Elhag Ali Osman, a émis des réserves, rappelant que la paix ne serait atteinte que si le Soudan du Sud arrête « de soutenir et d'accueillir des groupes armés rebelles », et que « jusqu'à ce que la priorité soit donnée aux négociations, il serait extrêmement difficile d'avancer sur les autres questions » évoqués par la résolution.
Jusqu'à maintenant, la situation reste fragile et tout le monde se demande comment le Soudan et le Soudan du Sud répondront à la pression internationale les enjoignant à retourner à la table des négociations. Comme l'a dit le président kenyan Kibaki, dont le gouvernement a des liens étroits à la fois avec Khartoum et Juba, les deux pays ne doivent pas retourner à la guerre. La région ne peut pas se permettre une nouvelle guerre.
(Reportage réalisé au Kenya) |