Sans prévenir très longtemps à l'avance, le nouveau dirigeant égyptien, Mohamed Morsi, s'est envolé pour Beijing pour une visite de trois jours, en août. C'est son premier voyage important à l'extérieur du pays depuis son accession à la présidence, le 30 juin. La visite de Morsi est le signe d'un changement majeur de la politique étrangère de l'Égypte, après plus de 30 ans de politique pro-occidentale.
Avant ce voyage, la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, avait effectué une visite au Caire lors de sa tournée africaine, et beaucoup pensaient que Morsi se serait rendu à Washington pour son premier rendez-vous international. Après tout, c'est à la célèbre université du Caire que le Président Obama avait prononcé son discours programme pour son engagement dans la région. Historiquement, le Caire et Beijing ont toujours été amis. Depuis que le mystérieux leader révolutionnaire égyptien Abdel Nasser avait rencontré le Premier ministre chinois Zhou Enlai à Bandung, en Indonésie, en 1955, les deux pays ont lié des rapports étroits. En réalité, en 1956, la Chine ouvrait sa première mission diplomatique africaine au Caire.
Même avec l'ancien président pro-occidental Moubarak aux affaires, la Chine a bénéficié d'une place de choix dans la diplomatie égyptienne. Avec Morsi amenant les relations bilatérales sino-égyptiennes à la première place, les relations dynamiques et fructueuses de Beijing avec l'Afrique connaît un nouvel élan. L'Égypte n'est pas un pays ordinaire dans la constellation des forces en Afrique du Nord et au Moyen Orient, et c'est pourquoi la nouvelle orientation internationale du Caire fera certainement tache d'huile dans plusieurs capitales de la région.
Dans la période précédant la victoire de Morsi deux mois plus tôt, le pays a traversé une période de turbulences économiques. Le passé politique de Morsi en tant que membre de la confrérie des Frères musulmans, longtemps persécutée, rend la lecture des ses orientations politiques difficiles. En seulement deux mois, il a fait preuve de fermeté en limitant le pouvoir excessif de l'armée et en poussant les dirigeants militaires les plus notoires à une retraite forcée. Il a pris une décision importante en définissant les nouvelles priorités du Caire en relations internationales en fonction de la complémentarité internationale avec le projet de reconstruire l'économie du pays, mise à mal par de longs mois de troubles politiques.
À Beijing, Morsi, venu avec une délégation commerciale de 80 membres, a signé des engagements de coopération bilatérale touchant aux domaines des télécommunications, de l'agriculture et de l'environnement. La Banque nationale égyptienne a obtenu une ligne de crédit de 200 millions de dollars grâce à ce voyage pékinois. Le commerce bilatéral entre les deux pays enregistrait le chiffre énorme de 8,8 milliards de dollars l'an passé, soit 40 % de plus par rapport à 2008. La Chine a depuis longtemps classé l'Égypte comme destination touristique et la population touristique chinoise se rend de plus en plus en Égypte. Morsi fait preuve de pragmatisme en considérant Beijing comme un partenaire essentiel et les résultats seront rapidement rendus visibles par la reprise de l'engagement chinois et son contenu significatif. Le partenariat stratégique sino-africain d'un nouveau type est devenu un aspect important des relations internationales contemporaines.
Comme la plupart des États africains, l'Égypte a clairement besoin d'un afflux d'investissement étranger pour revivifier son économie dans un contexte où les sources traditionnelles d'investissement se tarissent, avec la zone euro se débattant contre la récession et les Etats-Unis connaissant une tendance baissière. La Chine semble donc être un choix pragmatique. Néanmoins, le pragmatisme qui imprègne le cœur de la coopération sino-africaine repose sur la solidarité traditionnelle qui existe entre les deux pays depuis des décennies.
Morsi, héritant d'une économie à la dérive, est probablement convaincu qu'une entreprise multilatérale dans laquelle la Chine et plus de 50 pays africains sont engagés a encore plus de probabilités d'apporter des résultats concrets dans une coopération bilatérale d'État à État.
Morsi a fait un choix politique astucieux pour équilibrer la pression politique de Washington et de l'Union européenne qui accompagnent traditionnellement l'aide au développement. Cette stratégie est très éloignée de l'époque de la Guerre froide où on engageait les deux superpuissances dans un affrontement pour en tirer des concessions et trouve son utilité réelle dans l'engagement de Beijing à mener une coopération viable et productive en Afrique.
Morsi s'est lancé dans une brillante redéfinition de la politique étrangère d'une puissance africaine. Puisque la Chine prend très au sérieux sa politique africaine et la poursuit avec créativité et imagination, les États africains devraient à leur tour être encouragés à définir une politique chinoise plus robuste, mieux intégrée et favorisant une coopération élargie. Une telle politique internationale d'engagement bilatéral avec Beijing ne peut qu'accroître le dynamisme de la coopération sino-africaine. Dans cette perspective, on ne peut que louer les efforts inédits de Morsi pour élargir et consolider les relations bilatérales. |