
Le 9 juillet, les Sud-Soudanais vivant comme réfugiés dans les pays voisins ont célébré en même temps que leurs compatriotes restés au pays le deuxième anniversaire du plus jeune pays du monde.
Mais les nouvelles de rivalité politique entre les Dinka et les Luo Nuer, les principaux groupes ethniques du Sud-Soudan, couplée aux accusations de violations des droits de l'homme perpétrées par le gouvernement, dans un contexte de guerre avec le voisin du nord de Khartoum, ont continué à donner aux milliers de réfugiés en Ouganda, en Éthiopie, au Kenya d'autres raisons de ne pas retourner dans leur pays déchiré par la guerre et la faim.
La rivalité politique a atteint un point d'ébullition fin juillet, qui a conduit le Président Salva Kiir à déposer le gouvernement.
Le Président Kiir a invoqué les articles 104 (2) et 112 (1) de la Constitution provisoire de 2011 qui accorde au président le pouvoir de virer le vice-président, à l'époque le Dr Riek Machar, et d'autres ministres.
En réaction au remaniement, Machar a annoncé lors d'une conférence de presse à Juba qu'il allait se présenter contre Kiir lors des élections présidentielles prévues en 2015.
Kiir a depuis nommé un nouveau groupe de 19 ministres, dans le but d'apporter la stabilité au milieu de négociations cruciales avec le Soudan sur les exportations de pétrole, qui représentent la majeure partie du budget du Sud-Soudan.
Le grand drame politique de juillet a suivi de près la levée de l'immunité, en juin, de deux membres du gouvernement, le ministre des Finances Kosti Manibe et le ministre des Affaires gouvernementales Deng Alor, soupçonnés de corruption.
Aide urgente demandée
Prenant la parole à Juba, capitale du Sud-Soudan, Barry Andrews, directeur général de la branche irlandaise de GOAL, une organisation humanitaire internationale, a déclaré qu'à la capitale Juba, malgré la splendeur et l'ambiance festive de l'anniversaire, régnait une ambiance délabrée. Andrews était à Juba pour observer le travail que son organisation a réalisé depuis plus de 18 mois dans la région de Maban.
« Juba a l'air d'une ville qui n'a jamais eu de chance depuis le début. Juba ne montre rien d'autre que des signes de négligence à cause de 55 années de guerre avec le Soudan qui a conduit à la discrimination pure et simple par le régime de Khartoum », a déclaré Andrews lors d'une conférence de presse.
Toby Lanzer, coordonnateur humanitaire des Nations unies au Soudan du Sud, est plus optimiste et croit qu'une écrasante majorité des citoyens du Sud-Soudan jouit de la paix et de la stabilité. Il concède que l'insécurité alimentaire est un défi majeur. « Nous estimons qu'environ 100 000 personnes dans les deux comtés de Pibor et de Pochalla à Jonglei ont un besoin urgent d'aide, et que leur situation ne fera que s'aggraver à mesure que nous avançons dans la saison des pluies. »
Les derniers chiffres d'un bureau humanitaire de l'ONU dans le rapport Soudan du Sud révèlent qu'ils ont besoin de 485 millions de dollars pour aider près de 3 millions de Sud-Soudanais à survivre pendant le reste de l'année.
Le jeu des alliances
Malgré le travail accompli par le service britannique pour le développement international et des pays comme la Norvège et le Canada, les chercheurs disent que c'est la Chine qui joue le rôle central pour la stabilité du Soudan du Sud.
Xiao Yuhua, chercheur à l'Institut des études africaines de l'Université normale du Zhejiang, note dans un rapport que le Soudan du Sud est de plus en plus conscient des possibilités qu'offre la Chine pour son développement national, en particulier dans sa lutte contre le manque d'infrastructures du pays.
Xiao ajoute que la Chine dispose d'entreprises de construction et de ressources financières pour aider à construire le pays. Elle a aussi une certaine influence politique sur Khartoum en raison de ses énormes investissements dans le Nord et ne souhaite pas voir perturbées les dividendes de la paix dans le nouveau marché que représente le Soudan du Sud.
Xiao souligne que les économies des deux Soudan sont étroitement liées et que la Chine a besoin de considérer les deux côtés. Compte tenu de l'intérêt de China National Petroleum Corp (CNPC) sur la reprise de la production de pétrole, et du fait que CNPC était le principal responsable de la construction des oléoducs de la région, Xiao explique que Juba préfère que la Chine joue un rôle plus important dans la résolution du conflit entre les deux voisins.
En août, Khartoum a menacé de fermer les pipelines de la mer Rouge, et le ministre du pétrole du Sud-Soudan a averti que les pipelines pourraient subir des dommages importants si les robinets étaient fermés - causant invariablement des problèmes pour les économies dans le nord et le sud.
« Mais le gouvernement [sud-soudanais] ne doit pas ancrer ses relations extérieures, en particulier avec la Chine, uniquement sur les ressources pétrolières », a déclaré Steven Kuo, un chercheur soudanais de l'Université du Cap en Afrique du Sud.
Selon Kuo, tandis que la Chine est désireuse d'investir au niveau mondial, l'Afrique dans son ensemble représente à peine 10 % des investissements extérieurs de la Chine.
« Donc, l'idée selon laquelle l'Afrique est au cœur de la stratégie d'investissement de la Chine est incorrecte. Oui, le pétrole est stratégiquement important pour les Chinois et bien sûr le Sud-Soudan est important à cet égard, mais même quand le Soudan du Sud a cessé les forages de pétrole, la Chine n'a eu aucune difficulté à obtenir son pétrole ailleurs ».
Que faut-il faire ? Kuo suggère que le gouvernement doit accorder la priorité à la réforme agraire, à la diversification de l'économie, trop dépendante du pétrole, et à l'éducation. Le gouvernement devrait également commencer à exploiter l'énorme potentiel agricole à travers l'exécution de la réforme agraire dans son processus de diversification.
« Il est essentiel pour le gouvernement du Sud-Soudan de permettre à ses citoyens de se lancer dans le commerce », a-t-il dit.
Contrairement à la plupart de ses voisins, le Soudan du Sud peut utiliser le pétrole comme catalyseur pour la croissance. Il doit faire usage de cette rente pétrolière pour financer les infrastructures et l'éducation, ce qui pourrait motiver ses 8,5 millions de citoyens à se rassembler, en regardant vers l'avenir.
(Reportage réalisé au Kenya) |