L'administration nigériane a pris la décision de privatiser les raffineries du pays. L'annonce, faite par le ministère des Ressources pétrolières en novembre 2013, pose la question de savoir si la privatisation est la bonne solution. Globalement, plus de 130 pays ont privatisé des dizaines de milliers d'entreprises entre 1990 et 2010. Les partisans du processus estiment que la privatisation entraîne une amélioration de la performance des entreprises et de l'économie.
La question fondamentale concerne l'échec des quatre raffineries du Nigeria, qui représente le défi principal auquel fait face l'État et le peuple nigérian.
De la part de l'État nigérian, l'échec des raffineries montre un manque de volonté politique pour réaliser la transformation nationale et économique.
Pour le peuple nigérian, l'absence d'un tollé national contre l'annonce de la privatisation montre que les Nigérians, qui doutent de l'état général des raffineries, acceptent la décision. Par conséquent la question se pose de savoir comment, au vu de la situation globale, les structures mises en place pour la privatisation bénéficieront pleinement à l'État nigérian et ses citoyens.
Quelles leçons le Nigeria peut-il tirer des privatisations dans le monde et en Afrique en particulier ? Tout d'abord, le ministère des Ressources pétrolières devrait se préoccuper du fait qu'au Nigeria le nombre d'entreprises locales dotées de moyens financiers suffisants pour assurer leurs infrastructures de vente se comptent sur les doigts d'une main. Les Nigérians devraient être autorisés à acheter dans les quatre raffineries.
Certaines études ont montré que les entreprises vendues par le biais d'émissions d'actions ou d'introduction en bourse ont tendance à produire de meilleurs résultats avant et après privatisation. Une introduction en bourse réduit la corruption dans le processus de vente et assure, dans une certaine mesure, qu'après la vente les sociétés étrangères sont toujours tenues responsables.
La partie la plus difficile du processus de privatisation, pour le ministère des Ressources pétrolières, sera probablement de trouver les bonnes personnes pour mener à bien le processus. Au-delà de la vente des raffineries, il est aussi crucial pour le gouvernement d'établir des structures et des systèmes pour assurer le suivi post-privatisation.
Avant de rédiger le contrat de vente, le gouvernement doit clarifier certains points concernant la vente des produits pétroliers à raffiner. Ceci est une autre lacune de réglementation en matière de rétention de la main-d'œuvre. Peu de professionnels nigérians qualifiés et expérimentés, ingénieurs mécaniques, électriques ou spécialisés dans le pétrole, sont employées dans ce secteur et celui du gaz dans le pays, tandis que les expatriés, soudeurs, grutiers, techniciens, ingénieurs en sécurité, chefs de projet et conseillers en environnement, dont les équivalents nigérians abondent, remplissent les effectifs de Shell, Chevron, etc. Face à l'échec de la législation existante pour répondre à cette question très importante, comment le ministère du Pétrole pense-t-il corriger cette anomalie et faire en sorte que la privatisation des raffineries du Nigeria bénéficie vraiment aux Nigérians ?
Encore une fois, si les Nigérians possédaient la majorité des actions dans les raffineries, ces questions de réglementation pourraient être plus facilement traitées dans le cadre d'un arrangement. Quand un seul organisme du gouvernement est écrasé par cette responsabilité, les lacunes créent des risques d'abus et un manque de supervision.
Les vues exprimées ici sont loin de présenter une liste exhaustive de ce que le gouvernement nigérian devrait prendre en compte pour la privatisation des raffineries du pays. La date limite de 2014 semble laisser assez de temps pour délibérer et explorer avec discernement les questions de logistique, de politique, de réglementation avant la vente et de surveillance après-vente. La privatisation de ces raffineries ne presse pas. L'important est de veiller à ce que les Nigérians en bénéficient au maximum à court, moyen et long terme.
(L'auteur est chercheur, écrivain et intellectuel public engagé dans la promotion de l'Afrique.) |