Quelle migration chinoise ?
En ce qui concerne la migration chinoise d'outre-mer, la plus grande population de migrants chinois établis hors d'Asie du Sud-est se trouve aux États-Unis, en Australie, au Canada et en Europe. Dans de nombreux pays étrangers, les migrants chinois ont établi des quartiers chinois (Chinatowns), avec des bâtiments basés sur une architecture typiquement chinoise, et où la langue la plus parlée est le mandarin ou d'autres dialectes chinois. Ces espaces et quartiers chinois établis dans de nombreuses villes à l'étranger (le quartier du Queens à New York, et les Chinatowns de Montréal et Sydney à titre d'exemples) sont souvent fréquentés par les habitants à la recherche de biens de consommation et de produits alimentaires chinois bons marchés ou de logements en location à bas prix.
Les quartiers chinois conçus dans ces pays contribuent à l'expansion culturelle de la Chine. Et n'oublions pas le nombre d'Instituts Confucius établis dans les pays développés, véritables outils de promotion de la culture et de la langue chinoise qui permettent d'améliorer la compréhension de la Chine par le monde extérieur. Dans certains pays développés, le mandarin est enseigné dans les écoles en tant que deuxième langue et les arts martiaux chinois font partie du programme de sport. Lorsque les écoles nigérianes de Lagos ont adopté la même démarche, cela a défrayé la chronique en Occident.
La Chine en perspective
Même si la Chine connaît une importante croissance économique, il s'agit encore d'un pays en développement faisant face à de nombreux défis internes. Toutefois, en raison de la taille gigantesque du pays, l'économie chinoise a dépassé certaines des plus grandes économies du monde au cours des dernières décennies. L'engagement croissant du pays dans d'autres régions du monde, en particulier dans les pays en développement, n'a pas toujours été apprécié, et il est surtout devenu une source de frustration dans les pays développés. Cette ascension fulgurante a remodelé l'ordre politico-économique mondial, la Chine affirmant sa position sur la scène internationale.
Pour contrer l'expansion mondiale et l'empreinte croissante de la Chine dans les affaires politiques et économiques mondiales, certains universitaires, journalistes et analystes des médias occidentaux prétendent parfois être des experts de la Chine sans procéder à aucune étude empirique (sur le terrain) sur un sujet de recherche spécifique traitant des relations Chine-Afrique ou de l'engagement de la Chine avec le reste du monde. La simple répétition d'une mélodie familière contribue à ce qu'on appelle le « matraquage anti-chinois » (China bashing). De même, avec des objectifs opposés, des universitaires et experts des médias chinois contribuent à la propagande officielle chinoise en ignorant la situation sur le terrain, sans prendre en compte le point de vue des Africains affectés par les politiques chinoises. Beaucoup de chercheurs chinois travaillant sur l'Afrique n'ont jamais mis un pied sur le continent – et cela ne change que lentement en raison, semble-t-il, des craintes de s'éloigner de la ligne officielle et du contrôle du parti.
Certes, l'engagement chinois – tout comme celui de l'Occident – pose certains problèmes. Assez souvent, les Occidentaux adoptent des perspectives biaisées ou préconçues et analysent la question sur la base de leurs intérêts politiques et économiques « égoïstes » plutôt que de s'engager dans une recherche empirique conjointe avec des partenaires égaux. Nous devons nous engager en outre-passant les jugements hâtifs, et explorer ce thème Chine-Afrique en vue de contribuer à relever les défis et résoudre les problèmes existants (plutôt que de « dévoiler » les mauvaises intentions chinoises). En fait, ce devrait être la tâche de tous les chercheurs, les experts des médias et les gouvernements en Afrique, en Chine et ailleurs. Pour cela, une meilleure analyse est nécessaire – elle ne doit pas seulement reposer sur des recherches livresques effectuées derrière un bureau, mais aussi sur des études de terrain menées en s'appuyant sur l'éthique de la recherche pour obtenir des résultats empiriques équilibrés.
(L'auteur est chercheur au Centre d'études chinoises de l'Université de Stellenbosch, en Afrique du Sud)
Source: CCS |