 |
Li Keqiang et le Premier ministre éthiopien Hailemariam Dessalegn inspectent un projet de chemin de fer à Addis Abeba |
L'arrivée du Premier ministre chinois, Li Keqiang, à Nairobi en mai, dernière étape de son voyage dans quatre pays d'Afrique, a semblé une bonne affaire commerciale pour le Kenya. Le Kenya avait besoin de fonds pour construire une nouvelle voie ferrée, améliorer la production d'électricité, augmenter la fourniture d'eau aux foyers, protéger la faune et établir un centre de recherche.
La visite du Premier ministre a couvert ces problèmes en trois jours de négociations bilatérales à Nairobi, un safari au Parc national de Nairobi, et des pourparlers multilatéraux avec les dirigeants de l'Ouganda, du Soudan du Sud et du Rwanda. Plusieurs accords et ententes de coopération environnementale ont été signés sur l'infrastructure d'un centre de recherche pour l'Afrique situé à Nairobi.
Bien que le Kenya ait la part du lion dans ces investissements, l'impact des accords était régional. Tout d'abord, cela signifie que le rêve d'une voie ferrée moderne en Afrique de l'Est deviendra réalité à partir d'octobre, quand China Road and Bridge Corp. (CRBC) entreprendra la construction de 609 km de chemin de de fer à partir de Mombasa.
Infrastructure vitale
La construction de cette ligne de 3,8 milliards de dollars, de dimension standard, résulte d'une entente signée en mai avant même la visite du Premier ministre Li en Afrique.
Par conséquent, les dirigeants de l'Ouganda, du Kenya et du Soudan du Sud ont signé ce qu'ils appellent un Protocole de développement et d'opération de la ligne standard, lequel servira de guide des échéances et de coordination des mesures, et assurera l'allocation suffisante des ressources pour le projet.
La première phase des travaux couvrira 609 km entre la ville côtière de Mombasa et Nairobi, et le projet complet qui reliera Mombasa à Kisumu, et ensuite Kampala en Ouganda, Kigali au Rwanda et Juba au Soudan du Sud sera complété en 2018. La nouvelle ligne devrait accélérer le transport de marchandises et de passagers dans la région.
« Cet accord apporte un souffle de vie dans les contrats commerciaux concernant le projet », a dit Steven Xiong, directeur général de CRBC chargé de ce projet.
« Nous allons nous entendre avec les fournisseurs kenyans, les gouvernements national et locaux et les communautés pour fournir un produit de haute qualité dans les limites de temps prévues et selon les plus hautes exigences de responsabilité. »
Cela signifie que le commerce dans la région sera plus facile dans environ cinq ans, mais les observateurs locaux voient d'autres effets que le commerce.
« Cela a aidé le Président Uhuru Kenyatta à remplir une de ses plus importantes promesses, alors que d'autres sombraient dans les problèmes. Cette visite va aussi indiquer de quelle manière l'Occident traite avec le Kenya et l'Afrique en général; c'est-à-dire qu'on réduit les conditions de manière à obtenir une part du commerce sur le continent », a confié à CHINAFRIQUE Stephen Mutoro, secrétaire général de la Fédération des consommateurs du Kenya à Nairobi.
« La signature de ces accords a démontré le sérieux de la Chine dans son intention de mousser le développement du Kenya, parce que pour que le Kenya se développe et avance vers la Vision 2030, l'infrastructure est primordiale », a dit Javas Bigambo, un conseiller à l'emploi de Interthoughts Consulting, une firme think-tank régionale sur les mesures publiques et la gouvernance.
« La Chine est très importante dans les questions économiques, mais ce n'est pas suffisant; nous devrions voir qu'elle est impliquée dans tous les autres aspects qui touchent le continent, » Donc, Li a aussi promis une aide de 10 millions de dollars pour aider à combattre le braconnage et protéger la faune.
« C'est un geste fort apprécié du gouvernement, parce qu'il démontre l'engagement du gouvernement chinois d'aider à combattre le braconnage qui est devenu un problème mondial », a dit Josephat Ngonyo, directeur général du réseau africain pour la protection des animaux.
L'équilibre commercial est nécessaire
Comme le rôle de la Chine augmente dans le développement de l'Afrique, il y a encore des gens qui croient qu'il faut mieux équilibrer le commerce. Le Premier ministre Li, qui a aussi visité l'Éthiopie, le Nigéria et l'Angola, a signalé que son pays désirait le respect mutuel et qu'il corrigerait des erreurs commises précédemment.
Il a saisi l'occasion pour expliquer les ambitions de la Chine en s'engageant en Afrique, insistant sur le fait que tout déséquilibre commercial est évidemment mauvais pour l'économie chinoise aussi.
« Il est vrai qu'il existe un déséquilibre commercial entre nos deux pays, mais je peux dire que la Chine n'a nulle intention de maintenir un surplus commercial avec le Kenya. La Chine a plutôt pris des mesures pour corriger le problème », a dit Li aux journalistes à Nairobi.
« Si le déséquilibre persiste, il rendra très difficile le développement durable, et du point de vue chinois, le surplus commercial général de nos produits a déjà exercé une pression importante sur la régulation microéconomique du gouvernement chinois. »
La réponse du Premier ministre était basée sur des chiffres émis par l'ambassade de Chine à Nairobi, qui indiquent que le Kenya a importé de Chine des marchandises d'une valeur de 3,2 milliards de dollars et exporté vers la Chine l'équivalent de 50 millions l'année dernière.
« À franchement parler, les réserves substantielles de valeurs étrangères en Chine sont déjà devenues un ennui pour le gouvernement chinois ; car il faut qu'elles se reflètent dans l'augmentation monétaire du pays, et cela va causer une pression inflationniste », a dit le Premier ministre Li.
Le modèle chinois pour créer un meilleur équilibre commercial devrait reposer sur deux points. D'abord, fournir un marché commode aux produits africains (kenyans) sur le marché chinois, et aussi aider le commerce kenyan à faire face à la demande de qualité des consommateurs chinois. Le second point consistera à encourager les entreprises chinoises à collaborer avec les entreprises kenyanes pour hausser la compétitivité sur le marché tant chinois que mondial au moyen de ce qu'il a appelé des parcs industriels.
Certains économistes pensent donc que le Kenya ne doit pas se plaindre actuellement du déséquilibre commercial puisque le développement industriel de la Chine est au-delà de ses atteintes pour le moment.
« Nous devons comprendre que le Kenya est un importateur net de marchandises, alors nous devons acheter davantage à la Chine. Notre économie est surtout agricole », a dit Paul Gachanja, un économiste de l'université Kenyatta. « Développons notre agriculture en visant le grand marché chinois. Nous ne voyons peut-être pas encore que notre avenir sera brillant si nous stimulons notre économie agricole. »
Le bénéfice réel du Kenya vient du fait que l'investissement direct contracté de la Chine au Kenya a atteint 537 millions de dollars. De plus, la Chine est actuellement le deuxième plus grand marché financier du Kenya avec des prêts qui atteignent 750 millions de dollars, sans compter les promesses signées par le Premier ministre Li en mai.
Le Président Uhuru Kenyatta a dit que les investissements chinois pourraient avoir une influence majeure en Afrique de l'Est. « La Chine possède de substantielles ressources politiques, diplomatiques et financières, qui, si elles sont pleinement employées, pourront changer la donne dans l'effort de paix et de sécurité de la région », a-t-il déclaré.
(Reportage du Kenya) |