
Les cercueils s'accumulent avec la progression d'Ebola
Au-delà de la santé
Les effets de l'épidémie dépassent maintenant les limites humaines en termes de santé. L'équipe nationale de football de la Sierra Leone a par exemple été interdite d'entrée sur le territoire des Seychelles pour jouer un match de qualification de la Coupe africaine des nations. L'équipe de Côte-d'Ivoire a demandé à l'équipe du Libéria de ne sélectionner que des joueurs basés à l'étranger avant de les autoriser à jouer à Abidjan, la capitale ivoirienne.
« Je crains que si l'épidémie s'étend vraiment, ses effets sur les économies de la région ne produisent une crise politique prolongée », s'inquiète l'analyste politique américain Jay Ulfelder, spécialisé dans les troubles civils et la prévision. « J'ai maintenant l'espoir qu'avec le changement que l'attention internationale a opéré, l'accélération de la propagation va cesser et que cela va permettre de stopper l'épidémie avant qu'une telle étape ne soit atteinte. »
Quand l'épidémie est devenue hors de contrôle en juillet, certains pays africains, notamment le Kenya, ont interdit les vols en provenance du Libéria, de la Sierra Leone et de Guinée, des pays qui commençaient à connaître une stabilisation après des années de guerres civiles ou de dictature militaire. Ces interdictions ont eu des répercussions dans l'augmentation du coût de la vie.
Le gouvernement sierra-léonais en a été tellement furieux que son conseiller présidentiel, Ibrahim Ben Kargbo, a annoncé que le gouvernement allait « revoir ses relations » avec les pays qui ferment leurs frontières. « Cela donne l'impression que nous sommes un Etat paria, ce qui n'est pas le cas », s'est-il indigné au micro du radiodiffuseur public Sierra Leone Broadcasting Corporation, soulignant que l'épidémie d'Ebola n'était pas un crime.
L'interdiction des vols a empêché ceux qui voulaient revenir de rentrer et inversement, contraint à rester ceux qui voulaient partir, ce qui nuit aux programmes de l'OMS. « Il est important que les vols continuent car la probabilité de propager le virus Ebola par les voyages aériens est minime », explique le docteur Custodia Mandhate, représentante de l'OMS à Nairobi. « Si les compagnies aériennes continuent d'annuler les vols, je crains que l'acheminement du matériel médical, même du personnel, ne devra subir de retard. »
L'isolement n'est pas une solution
Les experts soulignent que pour lutter contre cette épidémie, il vaut mieux une intervention globale que l'isolement. « La maladie touche cinq pays de l'Afrique de l'Ouest mais son impact se fait ressentir sur tout le continent. Il faut par conséquent s'unir pour lutter », estime Eric Musau, un analyste spécialiste des économies africaines auprès de la Standard Investment Bank au Kenya. « Au bout du compte, l'isolement des pays et régions ne peut être une solution car l'aide est entravée. Cela ne permet pas non plus d'empêcher la contamination par d'autres voies. Nous ferons preuve d'humanité si nous nous soutenons mutuellement pour trouver une solution à ce problème. »
En tournée dans les pays touchés, le président de la Banque africaine de développement, Donald Kaberuka, a déclaré que l'hystérie qui a conduit à la fermeture des frontières était politique. « Je comprends les pays qui imposent des restrictions, mais faisons-le seulement en nous basant sur des éléments médicaux et non pas sur des impératifs politiques », a-t-il fait savoir dans un message vidéo posté sur le site de l'institution en septembre.
Deux jours après l'annonce, la Chine a fait savoir qu'elle avait envoyé du matériel médical et des équipements supplémentaires d'une valeur de 32,6 millions de dollars pour lutter contre le virus. Le groupe de la Banque mondiale constitue une enveloppe de financement de 400 millions de dollars pour les pays les plus durement touchés par la crise, les fonds allant être alloués aux équipements de première nécessité et à la formation des équipes sanitaires. Les pays européens se sont aussi engagés à renforcer leur aide aux pays touchés, après le premier cas de contamination par le virus hors d'Afrique en octobre, une infirmière en Espagne. Les États-Unis sont en train de déployer 3 200 soldats pour superviser la construction de centres de traitement du virus pour faciliter leur fonctionnement. Ces centres abriteront au moins 17 100 lits.
Jusqu'à présent, il n'existe ni vaccin ni remède, la maladie est devenue une priorité internationale.
(Reportage réalisé au Kenya) |