Le sourd entendra! L'aveugle verra! Le pauvre connaitra la prospérité ! Voilà les prophéties qui courent à travers l'Afrique dans le monde de la foi dans les guérisseurs.

Le sujet faisait encore la une récemment lors du tragique accident au Nigéria dans lequel plus de cent personnes ont perdu la vie. Ces gens étaient allés voir un télévangéliste chrétien, qui se proclamait le « prophète T.B Joshua » et qui est mort lorsque le bâtiment dans lequel il se trouvait avec ses fidèles (et dont il était propriétaire) s'est écroulé.

Le spectre de la guérison par la foi varie beaucoup d'un bout à l'autre du continent. Qu'il s'agisse d'un chamane traditionnel, d'un sangoma d'Afrique du Sud, de prêtres juju ou vaudou d'Afrique de l'Ouest, de prophètes de l'église pentecostale ou d'exorcistes orthodoxes, l'expansion et l'acceptation de la guérison par la foi sont phénoménales en Afrique.

Ces guérisseurs recourent à une gamme de méthodes comme se tenir sur leurs mains en récitant des prières et des incantations, ou en distribuant de l'eau bénite, de l'huile ou d'autres articles magiques. Un grand nombre de problèmes sont rattachés à la guérison par la foi, comme le mauvais sort, l'insomnie, les cauchemars, l'alcoolisme, les attaques diaboliques, la pauvreté, les maladies chroniques, et même la mort.

Le régime pharmaceutique traditionnel africain, les pratiques et croyances de guérison continuent d'exercer une fascination durable dans la société moderne. Dans le sens le plus simpliste, l'Afrique traditionnelle entremêle holistiquement les aspects divin, culturel et religieux. Les maladies, qu'elles soient physiques ou psychologiques, sont dues, croit-on, dans la plupart des cas, à des forces extérieures, comme punition divine des transgressions sociales ou personnelles.

La médecine moderne et l'expansion du christianisme et d'autres religions contemporaines n'ont pas réussi à déraciner ces concepts. En fait, il existe un mélange métamorphosé de tout cela, comme l'indiquait le Journal Pharmaceutique d'Afrique du Sud en septembre 2007, en affirmant que 60 % des Sud-Africains consultent un sangoma tout en suivant un traitement de santé fourni par un hôpital moderne. Les mêmes personnes appartiennent souvent à une dénomination religieuse qui cherche des solutions dans les Écritures et une autre qui invente des remèdes aux maladies et aux épidémies de peste.

Les partisans de la guérison par la foi se trouvent dans toutes les classes de la société, des vedettes et des politiciens à ceux qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Pour ces millions de personnes, se poser des questions sur la puissance et l'authenticité de leurs activités religieuses semble un sacrilège. Cela empêche toute tentative des masses de s'interroger sur leur engagement dans plusieurs de ces églises, qui tournent parfois en cultes et peuvent avoir des résultats désastreux tant pour les individus que pour la société.

Sans examiner le débat d'un pouvoir omnipotent, omniscient et sans malice de l'enseignement religieux et du dogme, il faut reconnaitre que l'exploitation malveillante des Écritures est courante en Afrique. Certains actes des guérisseurs par la foi défient la logique. Sur un continent ravagé par la pauvreté, la maladie, le mécontentement populaire et le sous-développement général, il est prudent de se demander pourquoi les guérisseurs spirituels ont pu apporter des changements dans la société au moyen de leurs pouvoirs.

L'auteur kenyan Jeremy Leariwala renie la troupe de charlatans guérisseurs qui tirent avantage du désespoir des personnes en détresse. Le mystère de l'inconnu et l'aura des pouvoirs spirituels sont un appât, affirme-t-il. Un exemple clair est le progrès des églises dites de « l'évangile prospère » qui se répandent comme un feu de paille à travers l'Afrique, qui demandent aux fidèles de donner de l'argent pour « planter une graine ». En retour, ces gens sont censés récolter en retour les bienfaits du Ciel.

Des hommes et des femmes pauvres donnent tout ce qu'ils ont, et à la fin ils ne font qu'enrichir les guérisseurs par la foi qui mènent une vie luxueuse. Tandis que les anciennes cathédrales d'Europe se vident de jour en jour, en Afrique, où les Européens ont exporté leur foi, on peut trouver une église dans chaque coin d'une ville ou d'un village, toutes prêchant la guérison et la prospérité, tandis que les résultats prouvent le contraire. Quelle ironie entre les deux continents comparativement !

(Mauya Omauya enseigne la politique internationale et travaille dans l'édition au Kenya.)