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Les troupes rwandaises se dirigent vers la région du Darfour au Soudan le 30 octobre 2000 |
Le Rwanda, autrefois synonyme de désastre des opérations de maintien de la paix après le génocide de 1994, joue à présent un rôle très important dans les efforts régionaux de prévention des conflits et de protection des civils. Cette nation enclavée de seulement 11 millions d'habitants compose le deuxième plus gros contingent de Casques bleus en Afrique, et le cinquième au monde.
Selon l'ONU, en octobre 2014, la Force de défense rwandaise (FDR) et la Police nationale rwandaise avaient 5 092 soldats, 558 policiers et 17 experts militaires servant dans des missions de l'ONU, principalement en République centrafricaine, au Soudan du Sud et dans la région du Darfour.
Les Casques bleus rwandais sont considérés comme courageux, efficaces et dignes de confiance, comme l'affirme Robert Rehder, un marine américain et observateur militaire au Soudan, dans une thèse écrite en 2008 pour le Marine Corps Command and Staff College à Quantico en Virginia. Ils ont acquis la « réputation d'une force à prendre au sérieux ».
L'ambassadrice des États-Unis à l'ONU, Samantha Power, a informé le Conseil de Sécurité que la population des pays dans lesquels servent les Rwandais avait confiance en eux.
Une armée nationale
L'une des principales réussites de la FDR a été de transformer le mouvement rebelle Tutsi en une armée nationale comprenant de nombreux Hutus dans ses rangs. Selon Rehder, après la guerre civile, 15 000 Hutus de l'armée défaite du gouvernement ont rejoint les rangs de la nouvelle force de défense. Parmi eux se trouvaient de fervents rebelles comme Paul Rwarakabije, qui a commandé les Forces démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) au Zaïre (à présent la République démocratique du Congo, ou RDC), un reste de l'armée défaite du gouvernement qui a fui après avoir pris part au génocide, comme l'explique Jason Stearns, un expert du Congo. Certains critiquent cependant le régime du président Paul Kagame pour avoir accordé aux Hutus des places essentiellement honorifiques, tandis que le pouvoir militaire réel restait aux mains des Tutsi.
En janvier 2014, l'armée américaine a transporté 850 soldats de la FDR vers la République Centrafricaine, où les locaux ont constaté leur honnêteté et leur impartialité. « Quand les soldats rwandais gardaient leur convois, ils prenaient leur travail au sérieux », a affirmé ainsi un conducteur de camion de République Centrafricaine à Voice of America le 31 juillet. « Ils restaient avec les camions en panne au lieu de les abandonner comme certains autres Casques bleus le faisaient ».
Comment expliquer les excellentes performances des Casques bleus rwandais ? Le porte-parole de la FDR, le Brigadier Général Joseph Nzabamwita, l'attribue en partie à leur formation spécifique aux missions de l'ONU, qui dure parfois plusieurs mois. « Le compte rendu des Casques bleus de retour de mission contribue à rendre cette formation pertinente », ajoute-t-il.
Une tradition guerrière
La culture et l'histoire contribuent également à distinguer les soldats rwandais, dont l'esprit est « influencé par une ancienne tradition guerrière et perfectionné par des années de combat », selon Rehder. Le Rwanda était un royaume expansionniste gouverné par l'ethnie Tutsie depuis le 15e siècle. Ses sujets parlaient tous un même langage et une culture très proche.
Même si l'ethnie Hutu était largement majoritaire, les Tutsi étaient militairement dominants, selon l'historien Gérard Prunier. On inculquait aux jeunes Tustis une culture martiale dans laquelle, selon le dicton Kinyarwandan, « si vous n'êtes pas prêts à verser votre sang pour votre pays, les chiens l'auront gratuitement ».
En formalisant l'identité ethnique dans les documents administratifs et en gouvernant par l'intermédiaire de l'élite Tutsie, les colons belges ont accru le fossé entre les deux ethnies. Lorsqu'ils ont confié la sécurité du pays à une force armée exclusivement Hutue, les Belges ont mis le Rwanda sur le chemin du génocide.
L'actuelle FDR est née du Front patriote rwandais (FPR), une armée d'exilés largement tutsie qui avait fui en Ouganda dans les premières années après l'indépendance en 1962. Beaucoup se sont battus dans les guerres civiles en Ouganda depuis les années 1970. Leur leader, Paul Kagame, en était venu à contrôler les services secrets en Ouganda.
Les dirigeants actuels de la FDR ont donc une expérience militaire exceptionnelle. Beaucoup se sont battus lors de la guerre civile du Rwanda, qui a duré quatre ans et culminé avec le génocide de 1994. Certains se sont battus pendant plus de sept ans lors des deux guerres de l'actuelle RDC en 1996-1997 et 1998-2003.
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