
La Libye est aujourd'hui l'ombre d'elle-même
La Libye est en train de devenir l'un des pays en faillite d'Afrique avec la République Centrafricaine, la Somalie et le Soudan du Sud. Ce pays du nord de l'Afrique, qui a déjà compté parmi les plus hauts PIB par habitant en Afrique, n'est plus que l'ombre de lui-même, déchiré par des conflits armés et maintenant abattu par la baisse des prix du pétrole et une production en déclin.
Plus de trois ans après le renversement du colonel Mouammar Kadhafi avec l'appui de l'OTAN, la Lybie existe peut-être comme entité légale au niveau international, mais en réalité, elle n'existe plus », a dit Slimane Zeghidour, analyste politique à TV5 Monde de France. « Il n'y a aucune autorité reconnue par ne serait-ce que la moitié du pays. »
Les groupes militaires islamistes contrôlent la capitale, Tripoli, et la deuxième plus grande ville, Benghazi. Le premier ministre reconnu internationalement, Abdullah al-Thinni, s'est enfui à Tobruk, ville portuaire de l'est.
Un lourd tribut
Le conflit représente un lourd tribut dans l'économie du plus grand producteur de pétrole d'Afrique du Nord. « On estime que la croissance du PIB a chuté d'au moins 30 % l'an dernier, surtout à cause d'un déclin important de la production et de l'exportation de pétrole (une baisse respectivement de 51 % et de 75 % de 2013 à 2014) », a affirmé Marouane El Abassi, représentant de la Banque mondiale en Libye.
Le parlement de Libye – encore à Tripoli à l'époque – a approuvé le plus important budget, soit 56,5 milliards de dinars libyens (41,6 milliards USD), en juin 2014. Le budget reposait sur la prévision de 26 milliards de dinars libyens (19,1 milliard USD) de revenus du pétrole et une production annuelle de 600 000 barils par jour (bpj) à 100 dollars le baril, a dit Mohamed Abdullah, chef du comité du budget, à Reuters. Mais deux mois après l'approbation du budget, Lybia Dawn (une alliance de milices islamistes proche des Frères musulmans) chassait le gouvernement Thinni de Tripoli et le pays sombrait dans la guerre civile.
À la fin de 2014, en raison des combats entre les troupes gouvernementales et celles de Lybia Dawn pour la suprématie sur les puits de pétrole, les aéroports et les ports, la production pétrolière tombait à moins de 300 000 bpj, selon le Fonds monétaire international (FMI), soit moins du cinquième des 1,6 million de bpj que la Libye pompait avant le renversement de Kadhafi en 2011.
La baisse des prix depuis le milieu de 2014 représente un second coup à l'économie de la Libye. « Le budget reposait sur l'hypothèse que le prix du baril demeurerait à 100 dollars », explique Mohammed El-Qorchi, chef de mission du FMI en Libye. « Mais la situation est différente maintenant que le prix a décliné. »
Bouée de sauvetage
Le secteur des hydrocarbures en Libye représente près de 80 % du PIB national, et génère environ 95 % des revenus fiscaux et 98 % des exportations, selon la Banque mondiale. Le total des revenus collectés, surtout du pétrole, déposés à la Banque centrale de Libye dans un compte de revenus groupés, représentait le 30 novembre 2014 environ 19,2 milliards de dinars libyens (14,1 milliards USD), ce qui représente un déclin de 67 % sur les revenus fiscaux de l'année précédente, soit 59,1 milliards de dinars libyens (43,5 milliards USD).
La double chute de la production et des prix a empiré le déficit budgétaire libyen (estimation de 27 % du PIB). Les dépenses du gouvernement en salaires des fonctionnaires, en alimentation et en électricité comptent pour près de 70 % du budget total, tandis que le budget du développement est « minimal », note la Banque.
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