Quand Li Yangyang, une jeune étudiante de 19 ans, rentre chez elle après une journée passée le nez dans les livres, la première chose qu'elle fait est de se connecter à Internet avec une seule idée en tête : mettre à jour son microblog sur Sina Weibo.

« Il ne se passe pas un jour sans que je ne mette à jour ma page. Je suis toujours pressée de faire savoir ce que je fais et quel est mon état d'esprit. C'est pour moi une manière d'exprimer qui je suis réellement », confie-t-elle à CHINAFRIQUE. Comme beaucoup en Chine, elle a attrapé le virus Twitter.

Le phénomène Sina Weibo, le plus grand site de microblog de Chine, a touché non seulement la Chine, mais également l'Asie du Sud-Est. Des millions d'internautes utilisent désormais Sina Weibo comme moyen pour communiquer leurs sentiments et leurs pensées sur une plate-forme qui est devenue un phénomène mondial.

Son fournisseur, Sina Corp., a désormais reconnu le potentiel que représente Weibo sur le marché mondial et a annoncé qu'il est en train de concevoir une version en anglais. Cela appelle inévitablement la question : Sina Weibo est-il suffisamment puissant pour détrôner Twitter ?

Données statistiques 

Sina Weibo (Weibo signifie microblog) a été lancé en août 2009 par Sina Corp., le premier portail Internet chinois. Depuis son siège de Zhongguancun, quartier de Beijing considéré comme la « Silicon Valley » de Chine, son PDG Charles Cao a imaginé un site sur lequel les internautes chinois, toujours plus nombreux, pourraient faire entendre leur voix.

Fin 2010, Weibo était devenu le phénomène de l'année, avec plus de 50 millions d'utilisateurs enregistrés, un nombre augmentant de plusieurs millions chaque année. D'après Sina Corp., Weibo compte maintenant 140 millions d'utilisateurs, chaque mois voyant 20 millions de nouveaux utilisateurs. À la fin de cette année, ils devraient atteindre le chiffre de 200 millions, ce qui placerait Sina Weibo au même rang que son adversaire Twitter.

Selon iResearch, la principale organisation de recherches sur Internet, Weibo détient maintenant 56,5 % du marché du microblog et occupe 86,8 % du temps consacré à la navigation, comparé avec ses concurrents chinois, Tencent et Baidu. La société va bientôt recruter 1 000 nouveaux employés et a lancé der-nièrement Lady Weibo, un service sur la mode féminine.

M. Cao nourrit des projets encore plus grands pour la société Sina et prévoit de payer 66 millions pour acquérir 19 % des actions de Mecox Lane Ltd., un magasin de vêtements en ligne côté au Nasdaq. C'est une manière pour Sina d'accroître ses revenus et de profiter de la croissance du marché de l'e-commerce en Chine.

« Sur le marché chinois, la compétition est inévitable. Dans ce contexte, nous travaillons dur pour offrir de meilleurs services et accroître notre expérience. Nous serons alors à même d'attirer un plus grand nombre d'utilisateurs et d'augmenter notre part de marché », a déclaré M. Cao dans une interview accordée à iChinastock.

Néanmoins, la communauté numérique chinoise observe l'impact de Sina Weibo sur Internet. Bong Ho, un célèbre blogueur et analyste des technologies de l'information, souligne le danger que représente une expansion trop rapide de Weibo. « D'après moi, malgré les efforts acharnés de Sina Weibo pour devenir un réseau social, cela reste très difficile. Permettre à tout un chacun de pouvoir se faire entendre est une bonne chose, mais il ne faut pas surestimer le désir et la capacité du public à le faire. Mais il est vrai qu'on ne peut pas se passer d'interaction sociale », explique-t-il à iChinastock.

Projets pour le futur

Sina Weibo a très bien compris l'impact marketing que les célébrités représentent, et 60 000 de comptes enregistrés sur Sina Weibo sont ceux de célébrités, sportifs célèbres et personnes du monde du spectacle. Les 100 utilisateurs les plus suivis comptent 180 millions de lecteurs. Plus de 5 000 entreprises et 2 700 médias sont enregistrés auprès de Sina, profi-tant ainsi de l'influence de la plate-forme sur la génération des utilisateurs d'Internet.

La dernière star à être montée dans le train de Sina Weibo est Tom Cruise qui, sur les instances de ses amis et de ses admirateurs, a ouvert en février un compte qui a immédiatement attiré 50 000 admirateurs le jour-même.

Sun Li, 23 ans, journaliste à China Report, est un des internautes ayant prêté attention au phénomène Sina Weibo. Quand on lui demande comment il envisage l'avenir du site, il répond : « Il suffit de regarder le succès de Twitter. En Chine, les technologies de l'information ont un retard d'un à deux ans par rapport au reste du monde. Je pense que la caractéristique principale des produits Internet est le nombre de clients. Si Sina Weibo arrive à conserver le nombre de ses utilisateurs, il pourra aller encore plus loin. »

Sina Weibo est déjà disponible à Taiwan, en Malaisie et à Singapour. La future version en anglais vise les utilisateurs de Weibo à l'étranger, qui représentent 10 % du nombre total, pour la plupart des Chinois d'outre-mer.

Le regard tourné vers l'Afrique

Jamal Mahdi, un canadien d'origine soudanaise âgé de 26 ans, a emménagé à Beijing en 2008. Il s'est rendu compte rapidement qu'il regrettait le réconfort des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. Afin de perfectionner son chinois, il a commencé à jouer sur les réseaux sociaux chinois.

« Cela me fut très utile au début, car j'étais venu pour améliorer mon mandarin. Après m'être enregistré sur Weibo l'an dernier, je pouvais bien mieux communiquer en chinois, et même construire un réseau d'amis qui m'ont aidé à m'installer ici. »

Mahdi est optimiste à propos de la version anglaise de Sina Weibo en Afrique. « La Chine a déjà fait son entrée en Afrique avec plusieurs innovations technologiques, et je crois que rendre Sina Weibo disponible en Afrique est une bonne chose. Tout le monde connaît le goût des Africains pour la discussion, et avec une plate-forme comme celle-ci, le monde appartiendra à Sina », affirme-t-il à CHINAFRIQUE.

Avec un nombre d'utilisateurs rivalisant avec Twitter, et un service en anglais en préparation, il semble que Sina Weibo est destiné à devenir une puissance de l'Internet avec laquelle il faudra compter.