FRANCISCO LITTLE
Alors que le pays commémore, le 1er juillet 2011, le 90ème anniversaire du Parti communiste chinois, les reliques historiques des dernières décennies s'arrachent avec une ferveur qui rivalise avec celle des chasseurs de souvenirs des JO 2008.
Évidemment, parmi tous ces souvenirs, aucun n'est plus recherché que ceux où figure le portrait bien connu du Président Mao Zedong.
Pour les collectionneurs, il importe peu que la figure du vénéré père de la nation soit déclinée sous forme de buste en porcelaine, sur un foulard en soi, une tasse de café ou encore sur une montre. Comme le montrent les chiffres des ventes, la quantité prime sur la qualité.
Ces objets sont connus sous le nom de « collection rouge » et comprennent une large gamme de souvenirs historiques qui représentent la République populaire depuis ses débuts en 1949 jusqu'à la fin de la Révolution culturelle en 1976. Il vous suffit de visiter n'importe quel site touristique de Beijing, et avant même que vous puissiez dire « petit livre rouge », un vendeur à la sauvette vous proposera un badge, un stylo ou un pendentif Mao.
Mao, une industrie à lui tout seul
De même, toutes les boutiques de souvenirs dignes de ce nom à Beijing ont investi dans Mao.
Dans les allées du grand marché d'antiquités de Panjiayuan, au sud-est de la ville, des boutiques entières sont consacrées aux souvenirs de Mao. Dans une d'entre elles, j'ai jeté mon dévolu sur une collection de badges Mao. Le propriétaire est alors sorti de sa torpeur et m'a adressé un sourire rayonnant.
« Le Président Mao est partout », me dit-il en montrant sa collection d'un geste de la main. Marque-pages, photos officielles et costumes d'époque, Mao est une industrie à lui tout seul.
D'ailleurs les prix sont loin d'être abordables. Le propriétaire, qui s'est présenté sous le nom de M. He, m'a confié qu'il a vu la demande pour les objets Mao croître l'année dernière, en particulier à mesure que la date du 1er juillet s'approchait. C'est comme si les gens voulaient être avec Mao pour célébrer l'événement, conjecture-t-il.
Un buste en cuivre de Mao, posé contre une pile de petits livres rouges, éclipsait les statues de céramique le représentant avec ce geste si familier du bras tendu.
Même si ces livres sont des copies qu'on peut trouver partout à Beijing, M. He dit que quelqu'un assez chanceux pour trouver une édition à l'état neuf des citations du Grand Timonier devrait payer une fortune pour l'avoir.
Je finis par acheter un petit badge de Mao pour 4 dollars. Les statues en céramique coûtent 35 dollars. Les versions en porcelaine peuvent monter jusqu'à 3 000 dollars, et sont recherchées activement par les collectionneurs.
« C'était trop tentant pour ne pas l'acheter »
La section livres du marché est décoré d'affiches de Mao, vendu 3 dollars l'unité. J'ai vu un acheteur étranger prendre un stock entier de 100 affiches dans une boutique. La vendeuse ne manifestait pas d'émotion particulière en comptant la liasse de billets, et je me suis demandé si ce genre de transaction arrivait tous les jours.
« Qu'allez-vous faire de toutes ces affiches ? » ai-je demandé à l'acheteur. « Les vendre à Amsterdam, je peux aussi les utiliser comme papier peint », me répondit-il en souriant. Il m'a aussi montré un bel exemplaire relié des poèmes choisis de Mao qu'il a acheté pour 5 dollars, un cadeau pour un de ses amis.
À l'autre bout de la ville, dans le quartier artistique de Dashanzi, les objets Mao rivalisent avec d'autres cadeaux artistiques. Une galerie vend des sacs de toile ornés du portrait proéminent de Mao. En dessous du portrait figure le fameux slogan « servir le peuple », écrit de la main de Mao. Un sac se vend 30 dollars.
Kathy, la propriétaire d'une boutique, explique que ces sacs sont très à la mode auprès des jeunes. Les affaires sont florissantes cette année, à cause du 90ème anniversaire de la RPC.
« Les jeunes pensent que Mao est cool », dit-elle d'une voix timide. Les touristes achètent beaucoup également d'après Kathy qui me montre une boîte à cigarette décorée du portrait de Mao et la célèbre casquette avec l'étoile rouge. Un des objets les plus douteux est le briquet Mao qui fait entendre la musique de L'Orient est rouge quand on l'allume. C'était trop tentant pour ne pas l'acheter.
En payant mon briquet, j'ai réalisé que l'image de Mao était visible sur l'objet le plus important dans la vie quotidienne en Chine : la monnaie. Il me regardait alors que je tendais un billet de 100 yuans. Une chose est sûre : l'ancien dirigeant est un vrai business auquel il est difficile d'échapper.
(L'auteur est un Sud-Africain vivant à Beijing) |