Le 22ème Forum économique mondial sur l'Afrique s'est tenu du 9 au 11 mai en Éthiopie, avec pour thème « Shaping Africa's Transformation ». D'après He Wenping, directrice de la section des études africaines à l'Institut de recherche sur l'Asie de l'Ouest et l'Afrique de l'Académie chinoise des sciences sociales, l'Afrique rencontre à l'heure actuelle une chance historique pour réaliser son développement économique, et les pays africains doivent saisir cette opportunité pour achever la transformation de leur système économique. Voici l'essentiel de ses réflexions :
Depuis le milieu des années 1990, les pays d'Afrique sub-saharienne ont été témoins d'une augmentation régulière de leur développement économique, avec des taux de croissance annuelle de près de 6 %, une inflation maîtrisée et des conditions financières améliorées petit à petit. The Economist a publié dans un numéro de décembre 2011 un article expliquant que parmi les dix économies ayant la croissance la plus rapide des dix dernières années, six se trouvaient en Afrique. Dans un entretien à la presse, Shantayanan Devarajan, économiste en chef de la Banque mondiale pour l'Afrique, a souligné que grâce à la forte croissance du secteur agricole, à la construction d'infrastructures et aux financements étrangers, l'Afrique devrait connaître deux décennies de croissance. Il a également fait un parallèle entre la croissance africaine et celle de l'Inde dans les deux dernières décennies.
Cependant, derrière la rapide croissance économique et les anticipations de croissance, l'Afrique est toujours confrontée à des incertitudes liées à l'environnement économique international et aux défis de sa structure économique déséquilibrée et fragile. Bien que les pays africains aient fait des efforts inlassables pour le développement économique après l'indépendance des années 1960 et 1970, leurs économies reposent encore sur une structure singulière d'exportation de matières premières et de produits de base comme les ressources naturelles et les énergies. De plus, le prix de ces produits n'est pas fixé par les pays africains mais par les pays occidentaux et leurs organisations monopolistiques. Dans ce contexte, les performances économiques des pays africains exportateurs de ressources sont très largement dépendantes de l'environnement économique international et des fluctuations du prix des produits de base qu'ils exportent sur le marché mondial.
Sans compter que la structure économique déséquilibrée et la fragilité de l'Afrique se traduisent également par une pauvreté des infrastructures, une faiblesse des échanges intérieurs, un tissu industriel lâche et des investissements intérieurs insuffisants. Le sous-développement des transports et des routes augmente les coûts du commerce régional entre les pays africains. C'est aussi un frein à l'investissement étranger.
Les statistiques de l'Union africaine montrent que le commerce interrégional représente seulement moins de 10 % du volume total des exportation du continent. En comparaison, ce pourcentage est de plus de 70 % en Europe et de plus de 45 % dans les régions développées d'Asie. Avec un faible investissement intérieur et un faible taux d'épargne, les pays africains dépendent grandement de l'aide étrangère, et leur développement économique subit grandement l'influence des modifications constantes des investissements directs étrangers et de l'aide au développement.
Ainsi, pour réaliser un développement économique durable, l'Afrique doit briser ces facteurs de ralentissement et mettre sur pied un mécanisme endogène de croissance pour réaliser la transformation de leurs modèles de développement. En d'autres termes, les pays africains doivent passer d'un modèle économique stimulé de l'extérieur à un modèle de croissance autonome et s'appuyer davantage sur la croissance du commerce interrégional, l'amélioration des infrastructures, la stimulation de la capacité industrielle en collectant eux-mêmes des financements.
L'économie africaine est liée depuis longtemps aux marchés américain et européen en raison de la colonisation. Chaque décision prise par les États-Unis et l'Europe concernant leur économie peut avoir des effets en Afrique. Même si la croissance économique africaine s'est effondrée à moins de 2 % en 2009 en raison de la crise financière, elle a connu un rebond en 2010 grâce aux économies émergentes d'Asie et s'est stabilisée à 4 %. En 2011, elle a atteint 6 %, devrait rester à ce niveau en 2012, selon les projections du Fonds monétaire international. Ainsi, en raison des liens économiques de plus en plus étroits entre l'Afrique et l'Asie, la croissance économique durable de l'Afrique et le développement des pays émergents continueront leur chemin sur une base mutuellement bénéfique.
Pour la première fois, le Forum économique mondial sur l'Afrique a choisi de se tenir en Éthiopie, pays où sont situés le siège de l'Union africaine et la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique. Le pays, avec la deuxième plus importante population en Afrique et avec des ressources abondantes, est l'un des pays d'Afrique subsaharienne connaissant le développement économique le plus rapide. La Chine est désormais le plus grand investisseur en Éthiopie et son premier partenaire commercial. En 2009, la Chine et l'Éthiopie ont signé un accord supprimant la double imposition. Les entreprises chinoises ont investi directement 138 millions de dollars en Éthiopie, dans les industries chimiques, pharmaceutiques et de fabrication de verre. Ces industries peuvent non seulement accroître l'emploi local, mais sont également conformes aux stratégies nationales de développement de l'industrialisation de l'Éthiopie.
Le développement économique rapide de l'Éthiopie et sa transformation économique réussie montre qu'il est tout à fait réaliste pour les pays africains de parvenir à une transformation économique et à une croissance durable reposant sur leurs conditions propres et sur leurs opportunités historiques. |