Justin Yifu Lin (XINHUA)
À cause de la crise de la zone euro et des perspectives peu encourageantes de la reprise aux États-Unis, le pessimisme concernant l'économie chinoise va croissant. Justin Yifu Lin, ancien vice-président de la Banque mondiale, prévoit que la Chine pourra maintenir une croissance économique annuelle de 8 % pendant les deux prochaines décennies. Il s'est exprimé lors de la 14ème Conférence sur la Chine et l'économie mondiale, organisée conjointement par le Bureau national de recherche économique des États-Unis et le Centre chinois pour la recherche économique de l'Université de Pékin, qui se tenait à Beijing du 24 au 26 juin.
Nous observons une reprise à deux vitesses. D'une part, il y a les pays à revenu élevé dont le taux de croissance en 2010 et 2011 est estimé respectivement à 3,1 % et 1,6 %, loin en dessous de la moyenne historique suivant d'autres crises. D'autre part, il y a les pays en développement qui ont augmenté à 7,6 % en 2010 et étaient susceptibles de se développer à 6 % en 2011, revenant à leurs taux d'avant la crise. Les pays en développement, notamment la Chine et l'Inde, deviennent de plus en plus des moteurs de la croissance de l'économie mondiale.
Maintenant, la Chine est en train de devenir une économie innovante. Dans de nombreux secteurs dans lesquels la Chine a des avantages comparatifs, comme les appareils électroniques domestiques et du train à grande vitesse, les pays à haut revenu ont déjà une expertise. Si la Chine veut maintenir son leadership dans ces secteurs, elle aura besoin d'améliorer sa capacité d'innovation technologique et l'innovation autour des produits.
La Chine pourra devenir alors un leader mondial dans ces domaines. Il existe également de nouveaux secteurs, comme les technologies vertes, qui sont importants pour la croissance durable du pays. La Chine, grâce à son marché, a le potentiel pour devenir un leader.
Mais l'écart de revenu entre la Chine et les États-Unis indique qu'il y a encore un grand écart technologique entre la Chine et l'Occident industrialisé. En 2008 le revenu par habitant de la Chine représentait 21 % de celui des États-Unis mesuré en parité de pouvoir d'achat. Et ce chiffre pourra atteindre environ 50 % dans vingt ans, du fait que la Chine a le potentiel pour parvenir à 20 ans d'une croissance à 8 %.
Triple déséquilibre
Compte tenu de l'inévitable ralentissement des exportations vers les pays à revenu élevé dans les années à venir et de la nécessité de réduire l'excédent commercial, il est prudent et pragmatique d'envisager des moyens pour rééquilibrer l'économie chinoise vers la demande intérieure. Le passage vers la demande intérieure représente le premier rééquilibrage.
Une deuxième forme de rééquilibrage est une transformation structurelle afin de réduire les disparités de revenus. En dépit de l'amélioration générale du niveau de vie, la Chine est passée d'une société relativement égalitaire au début de la réforme et l'ouverture en 1979 à un pays avec une inégalité des revenus alarmante. L'indice Gini atteint 41,5 en 2005, approchant le niveau de pays de l'Amérique latine. L'élargissement des disparités peut menacer la stabilité sociale et freiner la croissance économique.
Une troisième forme de rééquilibrage est négligée par les macroéconomistes. La croissance extraordinaire de la Chine s'est accompagnée de coûts environnementaux presque inévitables. Il est nécessaire de rééquilibrer la croissance à court terme et par une durabilité environnementale à long terme.
Plus précisément, nous nous référons à la répartition des revenus entre les ménages sur agrégat et le secteur privé (essentiellement la distribution fonctionnelle des revenus) et la répartition du revenu entre les ménages (ou distribution par taille du revenu). Nous savons par la comptabilité nationale et à partir des données de l'industrie qu'une part importante du revenu national chinois doit être attribuée aux grandes entreprises et une part croissante des revenus aux gens riches. Les deux groupes ont une plus forte propension à épargner que les ménages à faible et moyen revenu.
Déplacer plus de revenus vers les travailleurs peut rééquilibrer les revenus entre riches et pauvres et entre le secteur des entreprises et des ménages. Cette redistribution permettrait également de réduire les déséquilibres extérieurs.
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