Il existe deux écoles de pensée concernant le développement du secteur agricole de l'Afrique, un continent qui renferme 60 % des terres inexploitées du monde. Ces deux écoles, en expansion, ont le même but : garantir que les petits exploitants participent à la croissance du secteur.
La première école, appuyée par l'Africa Progress Panel (APP), pense que le secteur agricole arrivera à croître s'il se développe depuis la base, autrement dit en augmentant la productivité des petits exploitants. Kofi Annan soutient tout particulièrement cette école, qui passe par l'action gouvernementale.
La deuxième approche, appuyée par le Président Obama et conforme à la politique de l'USAID (Agence des États-Unis pour le développement international), repose sur l'idée d'agriculture intégrée. L'accent est mis sur le rôle des multinationales de l'agroalimentaire qui, en utilisant leurs talents et leur savoir-faire, peuvent mettre efficacement en valeur les terres agricoles en garantissant également que les petits agriculteurs jouent un rôle dans le processus.
Où le Nigeria, avec sa population de 80 millions d'habitants et une manne pétrolière qui coule depuis 25 ans, se situe en terme de potentiel agricole passé, présent et futur ?
Les chiffres des années précédentes et les statistiques actuelles mettent en évidence une tendance qui doit être changée. Selon Nasir El-Rufai, ancien ministre du Territoire de la capitale fédérale du Nigeria dans les années 1960, l'agriculture a contribué à plus de 60 % du PIB du pays. Le Nigeria était le deuxième plus grand producteur mondial de cacao avec 15 % du marché mondial, le plus grand exportateur d'huile de palme avec une part de marché de 60 %, et le premier exportateur d'arachides avec 30 % du marché mondial. Le pays a également tenu des positions dominantes sur les marchés du coton, du caoutchouc, des cuirs et peaux. Bien que les agriculteurs utilisaient des outils rudimentaires et des méthodes traditionnelles, le secteur représentait environ 70 % des exportations du Nigeria, et environ 95 % de la consommation alimentaire nationale.
L'ancien ministre considère que le boom pétrolier a eu un impact négatif sur le rôle de l'agriculture : « Le boom pétrolier des années 1970 a compromis l'agriculture de deux manières : la surévaluation du naira (la monnaie nigériane) a rendu nos exportations moins compétitives, et les importations meilleur marché, une tendance qui se poursuit actuellement. » En 1990, nous avons dépensé 430 millions de dollars en importations alimentaires ; en 2000, 1,25 milliards et 4,2 milliards l'an passé. La demande a crûe avec l'augmentation démographique, l'exode rural et les changements d'habitudes, puisque nous abandonnons les aliments traditionnels pour des produits fabriqués à l'étranger.
À l'heure actuelle, le Nigeria compte 50 millions de personnes impliquées dans l'agriculture, avec une abondance de terres arables et de ressources hydriques. Pourtant, l'année dernière, le pays a dépensé 4,2 milliards de dollars en importations alimentaires : 635 milliards de nairas (4 milliards de dollars) en blé, 356 milliards de nairas (2,3 milliards de dollars) en riz, 217 milliards de nairas (1,4 milliard de dollars) en sucre, et 97 milliards de nairas (600 millions de dollars) en poisson, des denrées que le pays devrait exporter. L'idée est pourtant de plus en plus partagée qu'en investissant dans un secteur agroalimentaire rentable, durable et à forte croissance, on pourrait encourager l'emploi des jeunes.
La recherche montre que le Nigeria a plus de 80 millions d'hectares de terres arables. Cela représente environ 23 % des terres arables de l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. Ainsi, en termes de production, le potentiel de l'Afrique de l'Ouest est immense comme la région ne possède pas seulement des terres, mais aussi les niveaux les plus bas d'irrigation dans le monde.
Les points de vue évoluent au niveau national avec plusieurs réunions clés organisées pour établir une politique cohérente pour le pays. Le gouvernement fédéral, dirigé par le nouveau ministre de l'Agriculture, Adesina Adewunmi, a annoncé un programme de soutien en vue de créer un secteur agricole nigérian d'une valeur de 256 milliards de dollars en 2030 lors du BusinessDay Agribusiness Food Security Summit 2012. L'intention est de stopper les importations alimentaires à mille milliards de nairas (6,3 milliards de dollars) chaque année et d'assurer une croissance massive du secteur, en partenariat avec le secteur privé.
Il y a peut-être deux écoles de pensée à travers le monde pour la relance du secteur agricole de l'Afrique, mais pour le Nigeria il y a une prise de conscience claire : sa dépendance aux importations alimentaires doit être révisée. Ce pays avec un fort héritage dans l'agriculture et de vastes plaines agricoles en attente d'être développées a aujourd'hui un potentiel énorme pour reconquérir son indépendance agricole et alimentaire.
(L'auteur est responsable de la communication chez EMRC, une organisation de réputation internationale qui offre une plateforme où le secteur privé et le secteur public se rencontrent pour discuter des opportunités de partenariat - www.emrc.be) |