
Voilà une maison paysanne typique du nord de la Chine, qui comporte une cour peu spacieuse autour de laquelle se dressent quelques pièces un peu vieilles. D'une apparence ordinaire, ce foyer situé dans la banlieue est de Beijing, capitale de la Chine, est l'un des 200 ateliers de lutherie locaux, qui a une production annuelle de près d'un million de yuans (157 000 dollars) et a été élevé par le gouvernement local au titre de « foyer exemplaire d'économie familiale ».
L'hôte de la maison s'appelle Geng Guosheng. Âgé de 50 ans, il était paysan comme les autres avant de se plonger dans la fabrication de violons à la fin des années 1980. Le bourg de Donggaocun où il habite est la plus grande fabrique de lutherie de Chine et son atelier voisin avec de grandes usines qui pro-duisent en gros. Face à la concurrence, Geng Guosheng a fixé une stratégie claire pour son atelier: de petite taille mais de haute qualité. « Alors que les autres produisent du bas de gamme, nous avons choisi le meilleur », a-t-il déclaré.
Choisir activement
Pour monter en gamme, Geng Guosheng n'a pas hésité à faire passer la production de son atelier de plus de 2 000 violons par an à une centaine. Même si la production a diminué, les profits de l'atelier ont considérablement augmenté. Les violons de son atelier se vendent au moins un millier de yuans tandis qu'un violon ordinaire fabriqué par les grandes usines locales se vend seulement deux cent yuans (31,4 dollars). De plus, chaque employé de son atelier gagne trois à quatre mille yuans par mois, soit beaucoup plus que les deux mille yuans que touchent les ouvriers ordinaires des grandes usines. Quant à l'avenir, M. Geng a déclaré qu'il allait poursuivre cette voie du haut de gamme qui s'est avérée un choix profitable à son atelier.
Devant les choix que la vie lui propose, Geng Guosheng semble toujours aussi actif et déterminé. Au cours de l'engouement pour la lutherie qui est apparue dans son bourg à la fin des années 1980, il a été l'un des premiers à prendre l'initiative. Passionné par le travail du bois depuis son enfance, il s'est mis à fabriquer son premier violon malgré l'avis défavorable de sa famille. Ce premier violon, terminé au bout de quelques mois, s'est vendu environ cinq cents yuans (78,5 dollars), somme équivalente au revenu annuel de ce paysan à l'époque. Ce succès a permis à cette famille paysanne de nourrir l'espoir de changer son sort et les ont décidé à pratiquer ce nouveau métier jusqu'à aujourd'hui.
Fabriquer avec tout son cœur
Après plus de vingt ans de pratique, Geng Guosheng est devenu aujourd'hui un luthier reconnu dans la région. D'après ce luthier expérimenté, pour fabriquer un violon de qualité, il faut d'abord trouver de bons matériaux, les faire sécher à l'air le plus longtemps possible afin de permettre aux bois de produire un son pur une fois transformé en instrument de musique. Geng Guo-sheng montre du doigt les planches de bois entassées dans sa cour et explique en riant que c'est cette collection de bois qui l'empêchait de construire une nouvelle maison. « Mais je sais qu'il est impossible de fabriquer un violon de qualité sans de bois de qualité », déclare-t-il avec fierté.
Outre les matériaux, la technique est également très importante en lutherie. M. Geng prend l'exemple des colles. À la différence des grandes entreprises qui utilisent en général des colles chimiques, son atelier fa-brique la colle à partir des matières naturelles. Lors du collage des pièces, si de la colle n'a pas été utilisée, on la jette et on ne l'utilise jamais deux fois afin d'assurer la qualité du violon. Des règles aussi strictes permettent à M. Geng d'avoir pleine confiance dans ses produits. il promet d'ailleurs aux clients la possibilité de reprendre ou d'échanger les violons pendant un mois après la vente.
Le rêve d'une vie
Pour l'avenir de l'atelier, Geng Guosheng espère le transmettre à son fils unique et faire de la lutherie un métier familial tout comme les ateliers italiens qu'il admire tant. Mais son fils, un jeune né dans les années 1980, a son propre projet. Même s'il a suivi le conseil de son père d'apprendre à fabriquer et à jouer du violon, il a un plus grand intérêt pour l'ordinateur que sur la lutherie. « Peut-être il est encore trop jeune », soupire M. Geng.En faisant la rétrospective des vingt ans passées, Geng Guosheng affirme qu'il n'a pas rencontré de grandes difficultés. Néanmoins, il dit avoir un regret : jusqu'à aujourd'hui, il n'a pas encore fabriqué un violon 100 % parfait. Il dit que c'est un rêve qu'il espère réaliser un jour et c'est ce qui le pousse à s'améliorer sans cesse. |