Il est souvent dit que l'Afrique peut fournir une solution au défi posé par l'augmentation de la demande en nourriture de la population mondiale. Le continent dispose en effet de vastes superficies de sols vierges, disponibles pour l'agriculture afin de répondre aux besoins d'une classe moyenne mondiale en expansion.
Les sols sont disponibles, la demande est présente, mais l'offre ne suit pas le rythme. On peut donc légitimement se demander ce qui bride ainsi l'offre. La demande dans les marchés agroalimentaires urbains régionaux et locaux en Afrique, estimée à 50 milliards de dollars en 2000, devrait passer à 150 milliards de dollars en 2030. Pourtant, d'après Jonathan Kamkwaka, journaliste du blog de la Banque Mondiale, seulement 7 % des terres arables du continent sont irriguées, ou arrosées artificiellement. Le reste des terres agricoles en Afrique sont soumises aux caprices de la météo et aux précipitations erratiques.
Cette dépendance au climat en Afrique est un fait bien connu, et freine le développement de l'agriculture. Les agriculteurs qui ne possèdent qu'un ou deux types de champs risquent la famine en cas de sécheresse. Beaucoup de pays en Afrique se classent néanmoins parmi les moins énergivores par habitant au monde, ce qui est une condition nécessaire au développement de l'agriculture.
Les spécialistes expliquent que la principale raison à cette insuffisance de l'offre est à mettre sur le compte des changements de modèles climatiques. Cela touche tous les agriculteurs en Afrique subsaharienne et signifie un manque d'investissement réel et conséquent dans la production agricole. Comme le souligne la Banque mondiale, une agriculture efficace dépend d'un accès à l'eau suffisant pour les agriculteurs, or la production et la gestion de l'eau représentent un problème mondial croissant.
Deux problèmes se posent en matière d'accès à l'eau. Le premier est la « pénurie physique d'eau », qui se pose lorsqu'il n'y a pas assez d'eau pour satisfaire la demande globale, y compris les besoins de l'écosystème pour son bon fonctionnement. Le deuxième est la « pénurie économique », causée par l'insuffisance des investissements pour la gestion de l'eau ou l'insuffisance des capacités humaines, qui pèsent sur l'offre en eau. Les symptômes de pénurie économique peuvent être par exemple des infrastructures insuffisantes, où les personnes doivent régulièrement puiser de l'eau des rivières pour leur usage domestique ou agricole.
En outre, de nombreuses politiques énergétiques ne prennent pas en considération les besoins actuels et futurs de l'agriculture et beaucoup de mesures énergétiques/électriques pour les ménages visent uniquement l'usage domestique et non les besoins agricoles. Les défis rencontrés par la production alimentaire et la menace du changement climatique en Afrique se font de plus en plus pressants. Le secteur agricole a besoin de stimulants, pour insuffler un nouvel essor à la productivité et attirer de nouveaux investissements.
Fin août de cette année, des experts se sont réunis à Stockholm pour la Semaine mondiale de l'eau, afin d'étudier les liens existants entre l'eau et la sécurité alimentaire. L'agriculture et la production de nourriture en Afrique peuvent être renforcées en améliorant l'irrigation, en assurant l'accès en eau des terres asséchées et en assistant les agriculteurs en difficulté climatique.
Le rapport de la Semaine mondiale de l'eau, basé sur une étude internationale, souligne clairement que les innovations en matière de gestion de l'eau peuvent permettre d'augmenter les rendements des cultures et les revenus des ménages sur le continent. D'après le rapport intitulé Water for wealth and food security : Supporting farmer-driven investments in agricultural water management, la diffusion des techniques de gestion de l'eau pour les petits propriétaires pourrait augmenter les rendements de 300 % dans certains cas, et augmenter de plusieurs milliards de dollars les revenus globaux des ménages en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud.
Alioune Diouf, conseiller technique de l'ambassade israélienne au Sénégal (Israël est un pays qui a su développer la création de richesses agricoles dans les zones désertiques) explique : « La simplification des technologies pourrait changer la mentalité des agriculteurs, pour que ces derniers se positionnent plus en tant qu'entrepreneurs, mais il reste beaucoup à faire pour les y aider ».
L'Afrique subsaharienne dispose des terres nécessaires pour nourrir la population mondiale. Il faut établir une approche réaliste et simple, pour garantir l'accès aux besoins de base comme l'eau. Si l'irrigation et l'électricité sont fournies à moindre coût et de manière efficace, les agriculteurs pourront non seulement diversifier leurs activités, mais aussi vivre de leur production sans subir les aléas de la météo.
(L'auteur est responsable de la communication de EMRC, organisation de renommée mondiale proposant une plateforme pour le dialogue entre le secteur public et privé sur les possibilités de coopération en Afrique - www.emrc.be) |