Lorsqu'on aborde le sujet de l'agriculture, la question du bétail est mentionnée comme un détail, sur lequel on ne s'attarde pas. Cependant les chiffres montrent qu'en Afrique subsaharienne l'élevage joue un rôle vital dans la vie quotidienne de la plupart des communautés agricoles.
Selon l'Institut international de recherche sur l'élevage, basé au Kenya, cette activité constitue un élément central du secteur agricole mondial et son importance ne fait qu'augmenter avec la croissance économique nationale. Globalement, le produit agricole le plus important est le lait de vache, suivi par le riz, le bœuf, le porc, le poulet, le blé et les œufs. Dans les pays en développement, le riz arrive en tête, suivi de la viande bovine indigène et du lait de vache.
L'élevage emploie plus de 1,3 milliards de personnes dans le monde, et le bétail représente le principal moyen de subsistance pour quelques 600 millions d'agriculteurs pauvres dans les pays en développement, y compris près de 100 millions de personnes pauvres sans terres.
Pour de nombreux petits agriculteurs, l'élevage représente la seule source immédiate de liquidités pour l'achat d'intrants pour la production agricole, tels que semences, engrais et pesticides. Le revenu de l'élevage permet aussi d'acheter ce que les agriculteurs ne peuvent pas produire eux-mêmes et payer par exemple les frais de scolarité ou de santé et les taxes. L'élevage est également une source de revenu relativement stable par rapport à la culture, qui est très saisonnière. Le bétail a un taux de reproduction et de croissance élevé, rapportant rapidement de l'argent lors de sa vente ou de la vente des produits laitiers comme le beurre et le fromage. En outre, les plus gros animaux représentent une forme d'épargne, et peuvent être vendus rapidement lorsque les récoltes sont mauvaises ou lorsque la famille est confrontée à de grosses dépenses comme le coût d'un mariage ou d'une facture d'hôpital.
En Afrique, la production animale représente actuellement environ 30 % de la valeur brute de la production agricole. On estime que 70 % des ruraux pauvres en Afrique ont leur propre bétail, y compris les éleveurs vivant dans les zones arides et semi-arides. Parmi ceux-ci, plus de 200 millions comptent sur leur élevage pour en tirer un revenu (grâce à la vente de lait, de viande, ou de peaux) ou une puissance de traction et une source d'engrais pour les cultures.
L'importance de l'élevage ne peut être négligée. La survie et la prospérité de communautés entières dépendent de la santé de leur bétail. À l'échelle mondiale, il s'agit d'une réalité quotidienne pour environ 700 millions de personnes dans les régions les plus pauvres. Au niveau régional, l'élevage joue par exemple un rôle clé dans les économies des pays d'Afrique de l'Ouest, comptant parfois pour 44 % du PIB agricole. Avec 60 millions de têtes de bétail et 400 millions de volailles, le Sahel et l'Afrique de l'Ouest représentent une région majeure pour l'élevage.
Il existe néanmoins des contraintes importantes à posséder du bétail et à dépendre de l'élevage, principalement en raison du risque de maladies et au manque global d'investissement au niveau local et international. Les agriculteurs sont confrontés à plusieurs obstacles s'ils veulent échanger du bétail au niveau régional et international pour accéder aux intrants nécessaires pour l'élevage. Le manque d'actualisation de données fiables ne fait qu'aggraver le problème, avec des politiques locales et nationales incapables de distinguer clairement les enjeux du secteur et donc incapables d'établir des politiques cohérentes.
Les observateurs notent que l'Afrique a le potentiel pour devenir un grand producteur de bétail, pour l'approvisionnement des marchés locaux, régionaux et internationaux, mais seulement si ce potentiel est géré de manière cohérente et est reconnu comme étant essentiel à la croissance du continent.
Des mesures importantes doivent être prises pour veiller à ce que cet élément, essentiel pour la subsistance de millions de personnes, soit compris, développé, protégé, et traité de manière appropriée. Les agences gouvernementales ainsi que les organisations internationales doivent inclure le bétail dans leurs documents de stratégie de réduction de la pauvreté, car ces documents ont toujours tendanceà sous-estimer le rôle crucial du bétail dans la réduction de la pauvreté.
Selon The Economist, pour produire plus de nourriture au niveau mondial, les mesures à prendre portent sur trois aspects : la réduction de l'écart entre les meilleurs et les moins bons producteurs; la propagation de ce qu'on appelle « la révolution de l'élevage »; et, avant tout, tirer parti des technologies végétales. Il suffit de regarder la Chine, où la consommation de viande a plus que doublé entre 1980 et 2005, pour atteindre 50 kg par an et par personne. Ce simple indique que l'amélioration de l'élevage est cruciale en raison de la part croissante de la viande dans l'alimentation au niveau mondial. Une dernière réflexion qui devrait souligner l'importance de l'élevage: entre aujourd'hui et 2050, la part de calories issues de la consommation de viande passera de 7 à 9 %, selon la FAO.
(L'auteur est responsable de la communication pour EMRC - une organisation de renommée internationale offrant une plate-forme pour le dialogue entre les secteurs public et privé de l'Afrique sur les possibilités de partenariat - www.emrc.be) |