Pour la première fois depuis 16 ans, la Conférence mondiale de l'Institut Milken de 2013 à Los Angeles a dédié quatre panels de discussion aux défis africains. Il y a dix ans, l'Afrique inspirait du pessimisme et était décrite en couverture d'une publication internationale majeure comme « Le continent sans espoir ». En 2011, le même magazine décrivait « La montée en puissance de l'Afrique ». Les médias s'intéressent à l'Afrique et aux progrès considérables du continent.
L'Afrique a maintenu un taux de croissance composée du PIB réel de 5,1 % au cours de la dernière décennie, en deuxième place derrière les pays émergents d'Asie. Plus de la moitié des pays les plus dynamiques dans le monde se trouvent en Afrique. Les liens commerciaux et les investissements entre l'Afrique et le reste du monde sont en croissance. Les échanges en Afrique subsaharienne comptent pour la moitié du commerce total Sud-Sud. L'inflation sur le continent est généralement sous contrôle, la dette extérieure et les déficits budgétaires sont à des niveaux acceptables et les taux de change sont stables. La gouvernance s'est également considérablement améliorée au cours des deux dernières décennies, comme en témoignent les nombreuses transitions pacifiques qui ont eu lieu dans de nombreux pays, avec le renforcement des mécanismes électoraux. Avec des améliorations significatives en matière de stabilité macroéconomique et politique, le temps est venu pour l'Afrique de briller.
En 2012, les consommateurs africains ont dépensé plus que les Indiens, pour un total de mille milliards de dollars. Dans le secteur de la téléphonie mobile, les abonnés ont doublé tous les 30 mois depuis 2000. MTN, opérateur majeur des télécommunications en Afrique, a été créé il y a moins de 20 ans et sa capitalisation boursière est maintenant de 36 milliards de dollars.
Mais cette croissance va-t-elle se poursuivre ? D'ici 2035, on estime que l'Afrique aura plus de gens en âge de travailler qu'en Inde ou en Chine. Avec les bonnes compétences, la formation et l'emploi, le marché de la consommation décollerait. Mais sans possibilités d'emplois, l'Afrique pourrait vivre un Printemps arabe. Pour éviter cela, les gouvernements africains devraient développer l'enseignement technique. L'éducation doit se spécialiser et les entreprises ont un rôle à jouer dans le développement des talents locaux.
Bien sûr, ce développement se heurte à des défis. Le coût de la vie dans certaines parties de l'Afrique augmente plus que les rémunérations. Les loyers dans certaines villes correspondent ou dépassent ceux de Manhattan. La productivité, en particulier dans l'agriculture, est faible et de nombreux obstacles freinent le commerce intracontinental. En conséquence, les échanges intra-africains comptent pour moins d'un sixième du total des échanges du continent. L'émergence croissante de blocs commerciaux régionaux tels que la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), devrait contribuer à résoudre ce problème. Les marchés financiers ne sont ni profonds ni liquides et un besoin de consolidation régionale se fait sentir.
Cependant, le plus grand défi du continent est ses infrastructures. Le Nigeria compte 30 fois plus d'habitants que Singapour, pour capacité de production d'électricité moindre. Il est moins coûteux et plus rapide d'expédier une voiture à Lagos depuis Paris qu'à partir d'Accra. Autrement dit, le développement des infrastructures du continent nécessite encore un énorme investissement, estimé à environ 100 milliards de dollars par an pour les 20 ou 30 prochaines années. Les entrepreneurs à succès comme Aliko Dangote se penchent sur la question en construisant d'énormes installations de classe mondiale pour la fabrication de ciment, pierre angulaire du développement des infrastructures dans tous les pays.
Il est impensable maintenant de ne pas considérer l'Afrique comme un acteur clé de la croissance des pays émergents les plus en avance. Les chefs d'entreprise et de gouvernement mondiaux se sont réunis au Cap en mai dernier pour assister au Forum économique mondial sur l'Afrique. Alors que beaucoup de discussions de fond et de projections ont eu lieu lors de ce forum, les premières impressions relayaient une phrase déjà entendue lors de la Coupe du monde 2010 et reprise par Shakira : « It's time for Africa ! »
(L'auteur est directeur exécutif du groupe et directeur général pour Standard Chartered, Europe, Moyen-Orient, Afrique et Amériques) V. Shankar |