Sylvia Nyathia est le proviseur d'une école Montessori à domicile, située dans une township au sud-ouest de Johannesburg. Elle est responsable de 22 élèves et d'un professeur.
Après avoir remboursé les personnes ayant contribué à la création de son établissement et l'achat de fournitures, elle a dit disposer de très peu pour nourrir sa propre famille. Cependant, Nyathia a réussi à financer l'éducation de ses quatre enfants, à acheter des chaises et des tables pour l'école ainsi qu'à nourrir sa famille. Elle a déclaré que tout ceci a été rendu possible grâce à son adhésion à des stokvels, les coopératives de crédit propre à l'Afrique du Sud qui fonctionnent sur la base d'une rotation de leurs membres.
Un soutien financier et moral
Stokvel est défini par Andrew Lukhele, fondateur et président du National Stokvels Association of South Africa (NASASA) comme un « type de coopérative de crédit, ou groupe d'achat commun, dans lequel un groupe de personnes se mettent d'accord pour verser un montant d'argent fixe dans un pot commun de façon hebdomadaire, bi-mensuelle ou mensuelle. Cet argent sera tiré par rotation conformément aux règles du stokvel en question. » Le nom stokvel tire son origine des actions foires sud-africaines du XIXe siècle, où les fermiers et les ouvriers ainsi que leurs familles se rencontraient.
Les stokvels actuels fonctionnent typiquement avec 12 membres ou plus. Ils se sont développés, devenant un élément majeur de la culture sud-africaine.
La tradition des stokvels – qui existent depuis plus de 80 ans – reste tout particulièrement populaire aujourd'hui parmi les communautés à majorité noire établies en Afrique du Sud. Il s'agit d'une importante forme d'épargne dans le pays et d'un mode de vie pour un grand nombre de personnes.
Dans les townships en périphérie des villes et les régions rurales, les personnes sans emploi n'ayant pas d'argent et les travailleurs dont le salaire ne suffit pas à nourrir leurs familles adhèrent aux stokvels afin de « générer plus d'argent » par le biais d'une plateforme de financement collectif qui les aident à faire face.
Il existe divers types de stokvel. Par exemple, pour un stokvel « frais de scolarité/éducation », chaque membre verse un montant égal d'argent chaque mois. Au cours de chacun des mois suivants, un des membres recevra une somme forfaitaire correspondant au total des sommes d'argent collectées auprès de tous les membres. Ce processus se poursuit jusqu'à ce que chaque membre reçoive un paiement forfaitaire.
Dans le cas d'un stokvel d'épargne, les membres rassemblent leur argent et ont ensuite la possibilité de faire un emprunt au sein du stokvel. Le débiteur remboursera le prêt avec des intérêts au créancier. Un stokvel alimentation ou épicerie compte des membres – en règle générale des femmes – qui alimentent régulièrement un fonds commun avec une somme d'argent déterminée, au début de chaque année. À la fin de l'année, elles se rendent dans un supermarché de gros afin d'acheter en vrac des denrées non périssables et des produits de première nécessité qui seront valables une année. L'achat en vrac permet de bénéficier de réductions ainsi que de bons de fidélité.
Pour les stokvels dédiés aux funérailles, jusqu'à 20 femmes peuvent s'unir pour fournir de l'argent et de la nourriture aux familles, dans le but de les aider à enterrer leurs morts et à réduire leur lourd fardeau financier. Dans de nombreuses cultures noires d'Afrique du Sud, la tradition veut qu'on fournisse aux personnes venues présenter leurs hommages au défunt de la nourriture et du thé, durant cinq ou six jours.
Certaines pratiques similaires existent en Chine, lors de mariages ou de funérailles où on collecte souvent de l'argent pour aider les personnes rencontrant des difficultés financières. La différence réside toutefois dans le fait qu'il n'est pas question d'adhésion à une organisation ou de constitution. De plus, le montant de la somme offerte dépend du degré d'intimité dans les relations et des coutumes locales. Il en est de même pour l'inscription d'un enfant dans une université.
Cette tendance de prix de groupe n'a pas cessé en Afrique ou en Chine. Au court des dernières années, des plateformes internet situées aux quatre coins du monde ont vu le jour pour aider les gens à acheter en groupe des repas, des voitures et même des maisons sur la toile, et profiter des prix de gros. Contrairement aux stokvels, ces groupes se dissolvent aussitôt l'achat effectué.
La tradition perdure
Puisque les stokvels furent créés à une époque où l'accès aux services financiers formels s'avérait difficile au sein de communautés noires plus pauvres, existe-t-il encore une place pour ces derniers dans l'Afrique du Sud moderne, alors que chacun peut aujourd'hui se tourner vers les banques pour obtenir une aide financière ?
« Ce n'est pas facile de demander un prêt auprès d'une banque. [Aujourd'hui] lorsque les gens ont besoin d'aide [financière], ils se tournent encore vers le groupe Stokvel. »
BusiSkenjana, C.E.O de Brand Support Keys (BSK) Marketing et expert en matière de stokvel, rejoint le point de vue de Nyathia. Il a déclaré qu'au lieu de perdre de l'importance, les stokvels sud-africains continueront de se développer car les besoins de financement deviennent plus complexes.
Skenjana a dit qu'au fur et à mesure des années, les stokvels étaient devenus partie intégrante du système de soutien pour la plupart des femmes noires sud-africaines (et de quelques hommes), que ce soit sur le plan financier, émotionnel, spirituel ou simplement social, et la plupart des personnes ayant recours aux stokvels n'aiment pas les banques. Selon elle, les banques ne prennent toujours pas les stokvels au sérieux et elles ne sont pas conviviales. Dans certaines régions, les stokvels veulent en fait utiliser leur propre banque.
Cela ne signifie pas que les membres d'un stokvel n'ont pas recours aux banques. Certains d'entre eux utilisent les services bancaires en ligne pour recharger leur portable ou régler d'autre frais. Par ailleurs, d'autres stokvels placent l'argent de leurs membres dans des banques. Cependant ils le retirent à la fin de l'année pour faire des courses, acheter des voitures ou des articles électroménagers.
Possibilités commerciales
En Afrique du Sud, les stokvels sont reconnus comme des entités légales et autonomes qui opèrent en dehors des règles applicables aux banques. Ils sont autorisés à recevoir uniquement des dépôts venant de leurs membres, et les contributions ne doivent pas excéder 968 500 dollars par an.
D'après Skenjana, l'Afrique du Sud compte environ 11,4 millions de membres appartenant au groupe stokvel, la valeur de leur épargne étant estimée à 4,3 milliards de dollars. Les stokvels ont le potentiel pour devenir de puissants instruments d'investissement et sont utilisés par 65 % des ménages noirs.
Aux vues de ces opportunités sur le marché, certaines organisations spécialisées dans la vente au détail proposent d'importantes remises sur les achats en vrac pour les soirées organisées par un stokvel et des événements spécifiques tels que les achats de Noël. Dans certains cas, les magasins font bénéficier les clubs stokvel d'une livraison gratuite et d'une absence de dépôt. Il n'y a par ailleurs aucun intérêt à rembourser pour les transactions concernant les équipements volumineux tels que les véhicules motorisés.
Skenjana lança BSK il y a 10 ans, dans le but de « créer une plateforme sur laquelle le gouvernement, les diverses entreprises et les différents stokvels du principal marché noir d'Afrique du Sud pourraient se rencontrer et communiquer. »
Elle a déclaré que BSK possédait une division commerciale visant à aider les multinationales à présenter et vendre leurs produits aux stokvels ainsi qu'une division développement des stokvels pour apporter un enseignement en matière de finance, de santé et d'affaires juridiques aux membres.
D'après Skenjana, BSK va lancer une école stokvel, la première en son genre en Afrique du Sud, en février 2014, à Soweto. L'école proposera aux membres du groupe Stokvel des programmes gratuits traitant de questions financières et juridiques. |