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L'image ci-dessus montre des eaux usées industrielles non traitées se déversant dans la rivière Fenhe à Taiyuan, dans la province du Shanxi,en 2006. Après des années de traitement, un corridor vert écologique est créé au bord de la rivière en 2014. La conservation écologique joue aujourd'hui un plus grand rôle dans l'évaluation des performances gouvernementales |
La province du Fujian, au sud-est de la Chine, se prépare à adopter un ensemble plus raisonnable de normes pour évaluer les performances des gouvernements locaux, ce qui devrait réduire les pressions sur les fonctionnaires des localités affichant une croissance économique relativement basse.
En août, le gouvernement provincial du Fujian a annoncé qu'il évaluerait la performance globale de 34 districts ou villes sur la base de leur développement en matière d'agriculture et protection écologique plutôt qu'en fonction de la croissance du produit intérieur brut (PIB).
Jusqu'à présent, dans les provinces et régions autonomes du Shanxi, Ningxia, Hebei, Zhejiang, Shaanxi et Fujian, plus de 70 régions à l'échelle du district ont abandonné l'évaluation des performances des collectivités locales sur la seule base de la croissance du PIB.
Lesdits districts et villes sont répartis en trois catégories : les régions économiquement sous-développées, comme les 36 districts du Shanxi; les régions jouant un important rôle dans la protection écologique ou l'agriculture, par exemple les 34 districts et villes du Fujian; et les zones écologiquement vulnérables qui doivent absolument limiter leur développement, notamment les districts et les villes du Guizhou.
Toutefois, un changement à l'échelle nationale pourrait s'avérer difficile car la croissance du PIB est encore un outil important pour évaluer le niveau de développement de la plupart des 2 000 districts et villes du pays.
« Nous savons tous que le PIB ne devrait pas être l'alpha et l'oméga de notre travail, mais il est vraiment difficile de l'éviter dans la pratique », souligne un fonctionnaire gouvernemental à l'échelle du district dans le journal International Financial News. « Nous avons pris l'habitude de rivaliser avec les districts voisins en termes de croissance du PIB. Mais maintenant, les règles de la concurrence ont changé, et nous avons également besoin de temps pour nous adapter. »
Il déplore que dans certaines régions sous-développées de l'ouest de la Chine, les efforts des collectivités locales portent avant tout sur l'obtention d'une croissance toujours plus importante du PIB. « Nous sommes confrontés à de grands défis parce que nous devons à la fois développer et transformer l'économie. Sans transformation, le développement économique ne sera pas pérenne, mais quel chemin devons-nous suivre ? », s'interroge-t-il.
Impulsion et pression
Le premier calcul officiel du PIB chinois remonte à 1985. Depuis lors, la mesure globale de la production économique totale du pays a reflété son décollage économique.
Liu Shengpeng, chef du Bureau de la protection de l'environnement du district d'Anxi dans le Fujian, a confié à l'hebdomadaire The Economic Observer : « Le changement qui consiste à prendre en compte la protection écologique plutôt que la croissance comme critère d'évaluation donne une certaine impulsion aux ministères de l'environnement, tout en accroissant la pression sur ces derniers. »
Incorporé dans les zones agricoles et écologiques de la province, Anxi fait partie des 34 districts et villes de la province qui ne seront pas évalués sur leur croissance du PIB.
Liu se sent doté d'une plus grande responsabilité. Il est persuadé que la réforme poussera les fonctionnaires des administrations locales à se concentrer sur les indicateurs de protection de l'environnement tels que la couverture forestière et la superficie par habitant de terres boisées.
Pour protéger l'environnement, Anxi a payé un lourd tribut. En 2011, l'ensemble des 630 usines de granulats du district ont été fermées, entraînant une baisse du PIB local à hauteur de 2 milliards de yuans (324 millions de dollars), et 150 millions de yuans (24 millions de dollars) pour les recettes fiscales. Mais cette démarche de protection de l'environnement a par ailleurs permis d'attirer quelques grands projets dans l'industrie photovoltaïque.
Autrefois considéré comme un district pauvre, Anxi est aujourd'hui l'un des 100 premiers districts du pays en termes de puissance économique. Dans la première moitié de cette année, le PIB du district a atteint 16,7 milliards de yuans (2,71 milliards de dollars), soit une hausse de 11,4 % en glissement annuel.
« Grâce à la réforme, nous serons en mesure de consacrer plus de temps et d'efforts à l'ajustement de notre structure industrielle, et nous cesseront d'attendre que la pollution fasse des dégâts pour répondre aux problèmes », explique Liu.
Bien que le Fujian ait annoncé sa décision de ne pas évaluer la performance globale des 34 gouvernements locaux en fonction de la croissance du PIB, aucun détail n'a encore été donné concernant les moyens d'évaluation de leurs réalisations.
Selon Liu, cette politique n'aura l'effet désiré que si les autorités des niveaux supérieurs allouent davantage de ressources administratives et de pouvoirs aux ministères de la protection de l'environnement.
PIB écologique
« Le calcul du PIB est un indicateur avec une histoire centenaire. Il est irréaliste d'abandonner complètement cet outil », affirme Wang Jinnan, vice-président de l'Académie chinoise de planification environnementale.
À la fin de 2012, Wang Bing, un chercheur de l'Académie chinoise des forêts, avait proposé le concept de « le PIB écologique » pour remplacer le PIB traditionnel. Il s'agit d'un système dans lequel la dégradation de l'environnement et la consommation des ressources sont déduites du PIB classique, tandis que les activités bénéfiques pour l'écologie – telles que la conservation des ressources en eau – sont prises en compte.
Ce concept fait suite à celui de « PIB vert » formulé par Wang Jinnan et son équipe en 2004, qui déduisait l'épuisement des ressources et les pertes environnementales du PIB conventionnel. D'après Wang Jinnan, cette méthode statistique doit encore être améliorée.
Un autre indicateur potentiel est le « produit brut de l'écosystème » (GEP) présenté conjointement en 2013 par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature et la Fondation Elion Green. Le GEP permet de mesurer le produit brut des deux écosystèmes naturels et artificiels – forêts, déserts, zones humides, terres agricoles, pâturages, fermes aquacoles, etc. – et correspond au produit intérieur brut de la région.
Les trois indicateurs proposés prennent en compte à la fois la croissance économique et les coûts écologiques, et tous ont reçu le soutien des gouvernements locaux en Chine.
Selon un article paru dans International Financial News, les provinces du Heilongjiang et du Jilin, au nord de la Chine, calculent déjà leur PIB écologique, alors que le GEP a été adopté par la province du Guangdong dans le sud. |