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Le dragage du chenal par China Harbour Engineering Corporation a permis le retour des gros navires sur les quais |
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Kingsley Azieh Che, PDG de Hong-Kong King`s Group CO, opérateur économique camerounais basé en Chine depuis 2003 |
18 septembre 2014, il est midi à Douala au Cameroun (19h à Beijing) quand Marie Laure Djombi, responsable de la communication d'une grande banque commerciale, reçoit le coup de fil du reporter de CHINAFRIQUE. L'entreprise pour laquelle elle travaille s'apprête à lancer un appel d'offre pour la fourniture d'agendas de luxe à ses clients VIP. « Je ne sais pas si on aura le même problème pour l'acheminement via le port de Douala tel que nous l'avons connu l'année dernière », lâche-t-elle. Elle se souvient en effet que lesdits agendas qui devaient être remis à leurs destinataires avant le 31 décembre 2013 avaient été donnés deux mois plus tard. Ceci dû à la congestion du port de Douala, le seul débouché par voie maritime pour les produits à destination ou en provenance de quatre pays d'Afrique Centrale : le Tchad, la République Centrafricaine (RCA), le Congo (pour sa partie septentrionale) et le Cameroun.
Enjeu sous-régional
En effet, une étude menée par le Port autonome de Douala (PAD) révèle que les biens à destination ou en provenance de la RCA passent, pour la plus grande partie, par le Port de Douala. Au cours de l'année 2009 par exemple, ces marchandises représentaient 24,4 % du transit global. En outre, elles s'élevaient à 200 406 tonnes contre 252 235 tonnes en 2008. Et ces chiffres évoluent généralement en fonction de la situation sécuritaire dans ce pays qui exporte principalement du bois. L'une des raisons qui a entraîné une arrivée massive du bois centrafricain en juillet 2014 au parc à bois de Douala était justement la reprise des exportations de ce produit après des mois d'interruption suite au risque de guerre civile qui planait dans le pays après la démission en janvier 2014 du Président Michel Djotodia. En 2009 aussi, le trafic des marchandises qui transitent par le Port de Douala, en provenance et à destination du Tchad, s'élevait lui à 501 641 tonnes contre 312 253 tonnes en 2008, soit une augmentation de 60,7 %, selon le PAD. Pour le Nord Congo, ce sont 271 323 tonnes de marchandises au total qui ont transité par le port de Douala en provenance ou à destination. Dans cette position stratégique, il ne faut pas minorer les activités de cabotage (quand de gros navires sont obligés de décharger leurs caisses s'ils ne peuvent accéder à un des ports) au Gabon et en Guinée Équatoriale pour la livraison des cargaisons de produits alimentaires (vivres et boissons) et de produits de première nécessité.
Pour le Cameroun, « le port de Douala, c'est 95 % du commerce extérieur du pays », comme affirme Robert Nkili, ministre camerounais des Transports, au cours d'une réunion publique, le 12 septembre 2014 à Douala. L'engorgement de cette infrastructure inquiète donc presque tout opérateur économique de la sous-région.
En décembre 2013, plusieurs importateurs n'avaient pas pu recevoir à temps les cargaisons commandées pour approvisionner les marchés durant les fêtes de fin d'année. Outre les produits pharmaceutiques et alimentaires (riz, sucre, farine...) les marchandises qui manquaient le plus étaient les jouets et les vêtements en provenance de Chine arrivés par bateaux quelques semaines plus tôt mais n'ayant pas pu être déchargés à temps pour être ventilés auprès des grossistes et détaillants. Et c'est cette crainte qui se profile à l'horizon compte tenu de la gravité et la persistance de cette situation entre la fin d'année 2013 et tout au long du premier semestre 2014.
Difficile d'accoster
L'engorgement du port commence à partir de la bouée de base, qui est le point de jonction entre le canal fluvial et la mer. « De plus en plus de navires attendent à la bouée de base et ne remontent qu'en fonction de la disponibilité des espaces d'accueil. Des dizaines de navires attendent à l'entrée du Cameroun. Durant la dernière semaine d'août 2014, il y en avait environ 25 qui attendaient ainsi, parmi lesquels 16 à 17 porte-conteneurs », indique, dans une interview au journal en ligne http://newsducamer.com, Edouard Fochivé, directeur général de Marine Magistrale, une firme de manutention, de transit et de consignation. Quelques semaines auparavant, Gabriel Manimben, directeur général de l'Agence de prestations maritimes, autre opérateur de la place portuaire de Douala, indiquait au quotidien Cameroon Tribune, que « 23 bateaux étaient stationnés à la bouée de base, en attente d'accostage, à la date du 16 juillet 2014. » Le plus ancien de ces navires en stationnement était sur ce site depuis le 21 mai 2014.
Autre site où se vit l'étouffement du port, le parc à bois, d'où partent toutes les espèces ligneuses exportées par le Cameroun, la RCA et le Congo pour l'Europe, l'Amérique et l'Asie. En 2013, 60 000 m3 de bois n'ont pas été exportés et sont restés dans le parc à bois géré par la Société d'exploitation des parcs à bois du Cameroun (SEPBC), une filiale du groupe français Bolloré Africa Logistic (BAL). Le 9 juin 2014, 83 823 m3 de bois sont venus s'ajouter à la précédente quantité de bois qui n'avait pas quitté l'endroit. Résultat, on voit le bois traîner partout au port. D'où l'alerte sonnée dans le site d'information en ligne www.investiraucameroun.com, par Emmanuel Etoundi Oyono, directeur général du PAD, l'entreprise publique qui gère la plateforme portuaire de Douala. « Environ 200 000 m3 de bois sont actuellement stockés au port de Douala, à cause de la congestion de cette infrastructure, et c'est ce qui provoque un ralentissement des activités d'import-export depuis environ 9 mois », selon lui.
Il en est ainsi aussi du côté du terminal à conteneurs, géré là également par une autre filiale de BAL, Douala International Terminal (DIT), concessionnaire de l'espace depuis juin 2004. On y trouve des centaines de conteneurs s'étendant à perte de vue et qui encombrent la zone portuaire. Conséquence, le port de Douala ne donne plus seulement l'air d'un endroit qui étouffe, mais il se présente davantage comme une structure à bout de souffle. Tout (camions, trains marchandises, voitures, usagers) y circule lentement. Et beaucoup se posent alors la question de savoir comment on en est arrivés à cette situation.
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