INVESTIGATION : Un internaute lit la réponse à sa question sur le microblog du bureau de la sécurité publique
La Chine est désormais dotée de « surveillants Internet » officiels. Le 13 janvier, la Cour populaire suprême de la province centrale du Henan a délivré des certificats de contrôle en ligne à 16 internautes issus de toutes les couches de la société.
Zhang Liyong, président de la cour provinciale, a déclaré que le premier devoir de ces observateurs issus de la société civile serai de naviguer sur le web et de rechercher les plaintes adressées en ligne par des citoyens ordinaires à propos des malversations commises à tous les niveaux par l'administration judiciaire de la pro-vince. Ces plaintes seront collectées et remises directement à la cour provinciale, qui demandera à son tour aux tribunaux concernés de prendre immédiatement des mesures de redressement.
Cette décision historique illustre le pouvoir croissant des internautes chinois. L'Internet est devenu pour le peuple chinois un outil pour surveiller les agissements des fonctionnaires et combattre la corruption.
« Une approche ascendante est requise pour la réussite de la politique de lutte anti-corruption en Chine », déclare Tian Xiangbo, chercheur au Centre de recherche sur la gouvernance transparente de l'université du Hunan. « L'absence de contrôle pu-blic sur les personnes au pouvoir conduira inévitablement à la corruption. La seule manière d'éradiquer la corruption est de laisser le public exercer ses droits. »
Cette nouvelle méthode de lutte contre la corruption a également été mise en avant lors de la publication, en décembre dernier, du tout premier livre blanc sur la question, intitulé « Les efforts de la Chine pour lutter contre la corruption et établir un gouvernement intègre ». Cet ouvrage souligne l'augmentation du nombre d'internautes surveillant la bureaucratie ainsi que de la vitesse et de la diffusion de leurs interventions.
D'après les statistiques les plus récentes, le nombre d'utilisateurs d'Internet en Chine continentale a atteint 457 millions à la fin de l'année 2010. L'opinion publique numérique, qui s'exprime spécialement sur certains sites et forums, a eu une influence importante sur la prise de décision politique du gouvernement central et des gouvernements provinciaux.
Un WikiLeaks chinois ?
Le site Internet www.703804.com est un de ces puissants sites. Hébergé à Wenzhou, ville côtière de la province orientale du Zhejiang, ce site d'information est célèbre pour avoir dévoilé des scandales de corruption, tels que celui concernant des fonctionnaires ayant acheté des biens immobiliers de grande valeur à des prix avantageux.
Lancé en 2003, ce site compte désormais près de 900 000 utilisateurs enregistrés. Il est tellement efficace qu'il a été surnommé « le Wikileaks chinois ».
Mais pour Ye Zhe, le fondateur du site, ce dernier n'a rien à voir avec Wikileaks. Le but de ce site est de fournir une tribune d'expression libre pour le public. D'après M. Ye, le gouvernement est de plus en plus tolérant à l'égard de l'opinion publique en ligne, et un partenariat d'un genre nouveau a vu le jour entre le site Internet et les autorités locales. Le gouvernement soutient l'apparition de tels sites, et le plus souvent les fonctionnaires voient dans les plaintes des citoyens un moyen pour améliorer leur travail, et non pas un obstacle.
« De nombreux services gouvernementaux interrogent régulièrement le forum pour savoir s'il n'y a aucune récrimination à l'égard de leur travail. J'ai cru comprendre également que les informations du forum sont compilées tous les jours et adressés à la hiérarchie », a confié M. Ye dans un entretien au quotidien China Daily.
Tan Huosheng, maître de conférence au département de sciences politiques de la section des sciences humaines et sociales de l'université Qinghua, estime que le gouvernement local de Wenzhou a fait preuve de ses capacités à interagir avec les internautes. « Il ajuste ses décisions afin de s'adapter à la nouvelle donne », nous déclare-t-il.
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