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CRITIQUÉS : Les producteurs de lait chinois aux prises avec les critères de qualité |
« Achète-moi du lait en poudre ! » C'est sans doute ce que les visiteurs se rendant dans la partie continentale de Chine en provenance de Hong Kong ou de l'étranger s'entendent demander le plus souvent, de la part de leurs amis ou parents ayant des bébés. Ceci est la conséquence directe des scandales qui affectent actuellement le lait produit en Chine et qui ont ébranlé l'industrie des produits laitiers du pays en mettant à mal la confiance des consommateurs.
Liu Jun, résidant à Beijing est l'un d'eux. Lorsque sa femme est tombée enceinte à l'automne dernier, les nombreux scandales laitiers l'ont rendu quelque peu nerveux.
« J'ai perdu toute confiance dans les marques chinoises [de lait en poudre] ; je n'achèterai plus ces marques, ni les marques étrangères qui font fabriquer en Chine », a déclaré Liu à CHINAFRIQUE. Il a donc demandé à des parents habitant Shenzhen, située dans la province du Guangdong (sud de la Chine), de se rendre dans la ville voisine de Hong Kong afin de lui acheter du lait en poudre.
« J'ai de la chance d'avoir de la famille à Shenzhen. Les autres doivent trouver des agents sur Internet, ce qui est plus onéreux », explique Liu.
Liu n'est pas le seul à avoir eu cette idée. De nombreuses personnes se rendent à Hong Kong pour acheter du lait en poudre, ce qui a obligé certains magasins de la ville à établir des quotas pour les acheteurs en provenance de la partie continentale de Chine.
« Je n'aime pas avoir à agir de la sorte, mais je ne veux prendre aucun risque en ce qui concerne la santé de mon fils », avoue Liu.
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Derniers de la classe
Le 4 juin, lors d'une réunion d'acteurs de l'industrie laitière dans le Fujian (sud-est de la Chine), Wang Dingmian, président de l'Association de l'industrie laitière de Guangzhou a lancé un gros pavé dans la mare, lorsqu'il a annoncé que les critères de qualité chinois pour le lait frais étaient les plus bas du monde, et que cela était une honte pour l'industrie laitière nationale par rapport au reste du monde. Les critères évoqués font référence aux nouvelles règles mises en œuvre il y a un an, autorisant un niveau plus élevé de bactéries dans le lait cru. (Voir graphique)
« Il est difficile d'imaginer qu'il y a autant de bactéries et si peu de protéines dans le lait que nous buvons. Je préfère boire de l'eau plate que boire du lait de cette qualité. Au moins, l'eau n'est pas mauvaise pour ma santé », s'est lamenté Wang, dans une interview accordée à Beijing News.
Les partisans de la nouvelle réglementation, tels que Nada Mude, secrétaire général de l'Association des produits laitiers de la région autonome de Mongolie intérieure, avancent que par rapport à la réalité chinoise, ces critères protègent davantage les petits producteurs laitiers du pays.
Selon lui, 72 % des vaches laitières du nord de la Chine sont réparties dans de petites exploitations et mêmes maisons, qui ne sont pas en mesure de respecter les critères imposés aux agriculteurs dans les pays développés. « Si nous adoptons les critères des pays développés, ces paysans n'auront que trois choix : jeter leur lait, vendre leurs vaches ou les tuer », a-t-il observé lors d'une interview accordée à la Télévision centrale de Chine (CCTV).
Pourtant, selon Wang, il ne serait pas si compliqué pour les paysans de produire un lait respectant les critères de qualité internationaux. « En fait, ce sont les intérêts des grandes entreprises laitières qui sont protégés par ces nouvelles règles, les petits producteurs ne sont que les boucs-émissaires », a-t-il lancé, ajoutant que les intérêts de ces derniers ne pouvaient être protégés si la confiance des consommateurs n'était pas au rendez-vous.
Selon les dernières nouvelles, le mi-nistère de l'Agriculture est en train d'étudier et de concevoir un système de classification des différentes qualités de lait cru, afin que les entreprises laitières puissent produire une variété de produits laitiers en fonction de la qualité du lait cru. Le ministère surveille également la mise en œuvre des nouveaux critères de qualité du lait et apportera éventuellement des modifications en fonction des réactions.
Perte de confiance
En dépit des efforts déployés pour secourir l'industrie laitière chinoise, mise à mal par les scandales à répétition, la perte de confiance des consommateurs chinois ne cesse de s'accroître.
Selon un sondage conduit par CCTV en début d'année, environ 70 % des personnes interrogées se sont tournées vers le lait en poudre importé en 2010, en raison de leur manque de confiance dans les marques domestiques.
Une comparaison des chiffres publiés par deux organisations illustre cette tendance. Les statistiques du site Internet officiel de l'Administration générale des douanes montrent que bien que le prix moyen du lait en poudre importé ait augmenté de 42,6 % en 2010, les importations de lait en poudre de la Chine ont connu une augmentation en glissement annuel de 67,8 %, atteignant 414 000 tonnes. D'un autre côté, selon l'Association de l'industrie laitière chinoise, 2010 a vu pour la première fois la production de lait en poudre pour bébé diminuer, avec une baisse de 12 %.
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