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Li Jinsong, avocat de Beijing, était ravi d'entendre la nouvelle que le ministère chinois des Finances allait publier les dépenses des ministères et services rattachés directement au gouvernement central. « Cette nouvelle du 8 mars était au-delà de mes attentes et je m'en suis réjouis », a confié M. Li à CHINAFRIQUE. « C'est la première fois que les ministères et services rattachés au gouvernement central annoncent la publication de leurs dépenses. Je suis convaincu que cela va servir d'exemple pour mettre les dépenses publiques sous la surveillance du public ».
Le Conseil des affaires d'Etat a ordonné aux ministères et départements sous sa juridiction de publier, avant la fin juin 2011, leurs dépenses, connues en chinois sous le nom de « sangong » (dépenses publiques dans trois domaines : visites à l'étranger, achat et entretien des véhicules, réceptions).
D'après M. Li, le manque de transparence des dépenses publiques, l'une des causes majeures de corruption, est souvent critiqué par le public car, en tant que contribuables, les citoyens ordinaires n'ont aucun moyen de savoir comment sont dépensés leurs impôts. M. Li a dit avoir envoyé début mai des emails, en qualité de citoyen ordinaire, à plus de 20 administrations du gouvernement central pour les inciter à publier leurs dépenses.
Plus de transparence
Le ministère des Sciences et de la Technologie était le premier organe à répondre à l'appel du gouvernement central, qui a publié ses dépenses le 14 avril. Jusqu'au 9 août, 92 ministères et services rattachés directement au gouvernement central ont publié leurs budgets. Seules 9 institutions gouvernementales ont gardé le silence, notamment le ministère des Affaires étrangères. Selon les statistiques publiées, les dépenses « sangong » de ces 92 ministères et services centraux ont atteint 9,47 milliards de yuans (1,48 milliard de dollars) en 2010 et leurs budgets pour 2011 atteignent 9,423 milliards de yuans (1,47 milliard de dollars).
« Je vais continuer à inciter par tous les moyens les autres ministères centraux à faire ce que le gouvernement central leur a demandé », a déclaré M. Li.
Selon Peng Fei, vice-directeur du Centre national d'enquêtes et de statistiques rattaché à l'Université de Renmin, cette initiative montre que le gouvernement chinois s'est engagé dans la voie de la gouvernance ouverte et transparente ainsi que dans la lutte contre la corruption. « L'année 2011 représente un grand pas en avant pour une gouvernance plus scientifique et démocratique du gouvernement chinois », a dit M. Peng à China Economic Weekly.
Expliquer les raisons
Selon M. Li, il faut, en publiant les chiffres, expliquer également les raisons des dépenses. « Sinon, le public ne pourra pas juger correctement si les dépenses sont appropriées », a-t-il observé.
Le Bureau national des céréales a donné un bon exemple dans ce domaine. Dans ses comptes définitifs et budgets publiés, les dépenses accumulées des visites à l'étranger de 2010 étaient supérieures à son budget fixé. Le Bureau a expliqué que cela était dû à l'augmentation des conférences internationales et des cours de formation auxquels elle a participé pendant cette période. En outre, à cause des cendres volcaniques qui avaient perturbé le trafic aérien de l'Europe, l'une des délégations envoyées par le département a dû rester plus longtemps que prévu, ce qui a fait également croître les coûts.
Mais certains services, après avoir publié les chiffres, ne donnent aucune explication. C'est le cas notamment de la Commission nationale de la population et de la planification familiale. Celle-ci a fait l'objet de graves critiques du fait que la moitié de ses dépenses concernent les visites à l'étranger. Le service chargé de l'application de la politique de l'enfant unique, « a-t-il besoin de faire des visites à l'étranger? Qu'est-ce qu'il peut apprendre des autres pays sur une politique qui ne semble exister qu'en Chine », a écrit sur Internet un microbloggeur indigné. Jusqu'à ce jour, la commission n'avait donné aucune réponse à ces interrogations.
« Malgré ces revers, c'est déjà un progrès dont je me réjouis. Au moins, une porte a été ouverte au public pour qu'il supervise les dépenses du gouvernement, et une fois ouverte, il est impossible de la refermer », a fait remarquer à CHINAFRIQUE Ye Qing, vice-directeur du Bureau des statistiques du Hubei (centre de Chine).
Des milliards engagés
Selon M. Li, les dépenses « sangong » constituent la forme la plus courante de corruption. A la différence des autres formes de corruption qui sont souvent effectuées en secret, celle-ci se déroule sous les yeux du public.
« On voit souvent rouler dans la rue des voitures de luxe du gouvernement et s'organiser dans les grands hôtels des banquets somptueux auxquels participent les fonctionnaires d'Etat, c'est pourquoi le public désire savoir si les dépenses publiques sont raisonnables », a remarqué M. Li.
Selon un article écrit par Zhu Lijia, professeur de l'Académie chinoise de gouvernance, les dépenses publiques de tous les niveaux du gouvernement chinois atteignent 900 mil-
liards de yuans (141,3 milliards de dollars) par an, chiffre réfuté par le ministère chinois des Finances. « Compte tenu de la somme considérable des dépenses [du gouvernement], la surveillance est très importante », a observé M. Zhu.
Un exemple à suivre
« En fait, jusqu'à maintenant, je suis assez satisfait de la publication des dépenses des ministères et service centraux puisque cela exerce une influence sur les gouvernements locaux et pousse ces derniers à suivre leur exemple », a confié M. Li.
Comme prévu, après la publication des dépenses publiques des institutions centrales, Beijing, la capitale chinoise, a suivi le premier cet exemple. Le 21 juillet au matin, la municipalité de Beijing a remis au comité permanent de l'Assemblée populaire municipale les chiffres de ses dépenses « sangong », annonçant que les dépenses totales étaient de 1,13 milliard de yuans (177,4 millions de dollars) en 2010.
Après Beijing, les provinces telles que le Jiangxi, le Shandong et le Guangdong ont commencé à préparer leurs chiffres. Selon le document publié par le gouvernement provincial du Jiangxi, la province fera connaître ses dépenses administratives d'ici la fin de cette année.
« Les dépenses des gouvernements locaux sont étroitement liées aux intérêts des citoyens ordinaires et je suis persuadé que l'institutionnalisation à l'échelle nationale de la publication des dépenses publiques va restreindre effectivement la corruption et les dépenses somptuaires du gouvernement », a commenté M. Li.
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