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fracture urbaine : Bien souvent, les travailleurs migrants ne peuvent devenir résidents urbains |
Est-elle une fille de la campagne ou une citadine ? Xu Shu ne saurait le dire.
Xu travaille comme serveuse dans un petit restaurant de l'ouest de Beijing. La vingtaine, elle est originaire d'un village de la province du Gansu.
En août dernier, la Chine a annoncé que la population urbaine du pays avait officiellement dépassé 50 %. Mais Xu ne sait dire de quel côté de la barrière des 50 % elle se trouve. Partie de chez elle depuis des années, Xu se sent toujours « à l'extérieur » de la ville.
Le développement de la Chine ne cesse de croître mais le pays est désormais confronté à un nouveau défi intérieur majeur : la poursuite de l'urbanisation, et surtout des ses 230 millions de travailleurs migrants.
Explosion urbaine
Le 14 août, l'Académie des sciences sociales de Chine (ASSC) a publié un rapport: The Urban Blue Book: China City Development Report No.5. Ce texte affirme que la population urbaine représente désormais 51,27 % de la population chinoise, un changement énorme pour la structure sociale du pays.
Xu, comme de nombreux résidents urbains, a joué un rôle dans cette croissance, bien qu'ils ne sentent toujours pas « Pékinois ».
« Je n'ai pas le hukou (identité de résidence) de Beijing, explique-t-elle. « Je ne serai jamais résidente de Beijing ». Le hukou de sa famille la désigne comme membre de « la population rurale de la province du Gansu ».
Le système de hukou, un système d'enregistrement des foyers propres à la Chine, attache une personne à un endroit en particulier. Les personnes sont enregistrées sous deux catégories : agricole et non-agricole. Les personnes avec un hukou non-agricole ont plus de chance de recevoir une retraite, des soins médicaux et une assurance-chômage dans le système de sécurité urbain.
C'est là que réside le problème numéro 1 pour les travailleurs migrants des zones rurales. Il ne suffit pas de déménager en ville pour avoir accès aux mêmes services sociaux que les titulaires de hukou non-agricole.
Les statistiques montrent que l'assurance-vieillesse, l'assurance médicale et l'assurance-chômage en Chine sont accessibles respectivement à 18,2 %, 29,8 % et 11,3 % des travailleurs migrants à travers le pays.
Xu a une relation avec un jeune homme, originaire d'un autre village et venu à Beijing pour chercher du travail, mais elle n'a aucune certitude concernant leur futur à Beijing, puisque leur existence ne cessera de devenir plus difficile à chaque étape. Le logement, les factures médicales et les frais d'éducation pour les enfants sont liés au statut du hukou. « Dans quelques années, je devrai sans doute rentrer dans mon village pour épouser une autre personne », soupire Xu.
À partir des années 1990, les paysans chinois se sont rendus en masse dans les villes pour répondre à la demande croissante liée au décollage industriel du pays. Malgré leur rôle crucial dans le développement urbain, les travailleurs migrants ont encore l'impression qu'il y a un mur de verre qui les sépare de leurs voisins. De nombreux migrants conservent leur terre car ils devront en dernier recours retourner chez eux. Les champs peuvent rester en friche pendant des années, ce qui n'est pas sans représenter une menace sur les ressources alimentaires du pays.
« Si les plus de 200 millions de travailleurs migrants qui ne sont pas tout à fait urbanisés étaient retirés de l'équation, le véritable taux d'urbanisation de la Chine serait de seulement 36 % », explique Yang Weimin, vice-directeur du Bureau central sur les affaires économiques et financières, lors d'un séminaire international sur les politiques de logement, le 7 août dernier.
Long Yongtu, ancien ministre du Commerce extérieur et de la Coopération économique (désormais "ministère du Commerce") s'attarde sur ce fossé. « Le problème principal de l'urbanisation en Chine, est de trouver une solution pour faire des travailleurs migrants des urbains à part entière, de leur offrir un accès égal à la sécurité sociale, au logement, aux soins médicaux et à l'éducation publique », a-t-il déclaré lors d'un forum qui s'est tenu en août dans la province du Hebei.
Long estime que, pour résoudre ces problèmes, l'urbanisation doit être ralentie si nécessaire.
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