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SOUS LE FEU DES MÉDIAS : Yang Dacai (au fond à gauche), un officiel de la province du Shaanxi, est l'objet d'une enquête pour des faits de corruption |
Yang Dacai n'aurait jamais imaginé être vilipendé par le public, mais son penchant pour les montres de luxe a fait de lui l'objet d'attaques sur Internet.
Tout a commencé par une photographie: Yang, 55 ans, chef du bureau de la sécurité du travail de la province du Shaanxi, dans le nord-ouest de la Chine, y apparaît souriant au spectacle de la collision d'un bus à couchettes avec un camion-citerne chargé de méthanol, le 26 août. Trente-six personnes ont trouvé la mort dans cet accident.
Cette photographie a déclenché une chasse à l'homme dès sa publication en ligne. Yang fut rapidement identifié et a été largement critiqué pour son absence de compassion à l'égard des victimes. Plus surprenant, les internautes ont également fait un inventaire photographique des accessoires que portait Yang dans des circonstances publiques les jours suivant l'accident.
On a découvert que Yang possédait au moins cinq montres de luxe de marques telles que Rolex, Mont Blanc et Radar. Les internautes ont également identifié ses bracelets et ses lunettes comme particulièrement coûteux.
Le 29 août, Yang a dû mener un chat en direct sur Weibo, le Twitter chinois, face à des internautes révoltés. Il a déclaré que s'il souriait sur le lieu de l'accident, c'était pour remonter le moral des personnes présentes. Il a affirmé qu'il avait acheté ses montres avec ses propres deniers et qu'il avait l'habitude de porter les montres de son fils, qui partage le même goût que son père pour ces trésors d'horlogerie.
Yang est probablement le premier représentant du gouvernement à utiliser les médias sociaux pour gérer une crise d'image publique, mais ce n'était pas suffisant pour les internautes. Le 30 août, des photographies de Yang avec quatre nouvelles montres au poignet sont apparues sur la toile. La Commission de contrôle de la discipline de la province du Shaanxi a commencé à enquêter le jour même sur Yang, déclarant que ce dernier serait puni s'il s'avérait coupable de corruption.
Morris Gao, un spécialiste des montres du site Internet Watchstore Forum (watchstore.com.cn), a déclaré que les estimations les plus basses du prix des neuf montres se situent au-delà de 300 000 yuans (47 460 dollars). « Une telle collection de montres de luxe semble exagérée pour un fonctionnaire du gouvernement », pense Gao.
Rendre publics les revenus
« La plupart des internautes se préoccupent peu du nombre ou de la valeur de ces montres », a confié le blogueur Huazong au journal pékinois Global Times. « Ce qu'ils réclament c'est un moyen d'évacuer leur colère face au phénomène de corruption. »
« Actuellement, la plupart des fonctionnaires transmettent le détail de leurs fortunes aux autorités, une méthode qui s'est révélée inefficace », explique Wang Quanjie, député de 2003 à 2008 à l'Assemblée populaire nationale (APN), l'organe législatif suprême du pays, et professeur à l'université de Yantai, dans la province du Shandong. Wang mène campagne depuis 2004 pour la publication du patrimoine des fonctionnaires.
Le gouvernement chinois et le Comité central du PCC ont publié deux lois, en 1995 et 2001, obligeant les fonctionnaires à publier leurs revenus. Mais ces déclarations étaient limitées aux salaires et aux subventions des fonctionnaires et n'étaient pas publiées dans les médias.
L'Altaï est la première région de Chine à rendre publics les revenus et le patrimoine des fonctionnaires. Wu Weiping, secrétaire de la commission de contrôle de la discipline de la préfecture de l'Altaï, est à l'origine de cette initiative. « L'objectif est simple et clair : surveiller le patrimoine personnel des fonctionnaires pour empêcher la corruption », explique Wu.
Les informations rendues publiques comprennent le salaire annuel, les subventions et les autres revenus que les fonctionnaires tirent d'activités comme des conférences ou la publication de livres liés à leur emploi. Les cadeaux donnés par des organisations professionnelles ou par des individus à eux ou à leur famille doivent tous faire l'objet d'un compte-rendu.
Le 1er janvier 2009, le revenu de 55 nouveaux fonctionnaires de l'Altaï ont été mis en ligne. En mars 2009, les revenus de plus de 1 000 fonctionnaires ont été rendus publics.
L'initiative de l'Altaï a été suivie par un certain nombre d'autres villes comme Cixi dans la province du Zhejiang, Liuyang au Hunan et Qingtongxia dans la région autonome Hui du Ningxia.
En janvier, plus de 600 fonctionnaires du district de Jiawang, à Xuzhou, dans la province du Jiangsu, ont été enjoints de déclarer leur patrimoine personnel, notamment leurs biens immobiliers, leurs économies et leurs investissements et ceux de leurs épouses et de leurs enfants. En août, toutes les informations étaient mises en ligne sur le site officiel du gouvernement local.
« Le district de Jiawang a fait des progrès considérables en encourageant la déclaration publique de patrimoine », analyse Lin Zhe, professeur de recherche anti-corruption à l'école du parti du Comité central du PCC. « Il est préférable d'encourager les fonctionnaires à déclarer leur patrimoine puis à mettre au point des dispositifs d'audit et de surveillance. »
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