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Les étudiants s'inquiètent pour leur santé mentale |
Les jeunes chinois sont désespérés et recourent à des tentatives d'humour dans leurs messages textes entre eux. « Merci de ne pas me tuer quand nous sommes à l'école » est un de ces textes qui circulent. Il fait référence aux deux meurtres qui ont eu lieu dans un dortoir d'université en avril dernier, un acte de violence entre étudiants. Les incidents tragiques ont répandu l'inquiétude publique concernant la santé psychologique des jeunes universitaires.
Pression extrême
Le 25 avril, les parents de Huang Yang recevaient le rapport d'autopsie de leur fils, qui expliquait sa mort par une défaillance du foie causée par l'ingestion de N-dimethyl nitrosamine, un poison qui avait été ajouté dans l'eau bue par le jeune homme. Lin Feng, le camarade de dortoir de Huang Yang, fut plus tard arrêté comme suspect dans cette affaire. Sans en dire beaucoup aux investigateurs de la police, Lin a mentionné une récente querelle entre lui et le défunt au sujet du cout d'un refroidisseur d'eau, ce qui, selon la police, aurait pu pousser Lin à empoisonner son compagnon.
Le lendemain de la mort de Huang, un étudiant de Nanjing, dans la province du Jiangsu, a été tué par son compagnon de dortoir pour avoir mis trop de temps à ouvrir la porte.
Des experts croient que des étudiants éprouvent des problèmes psychologiques suivant le changement de leur milieu de vie.
Les étudiants qui résident dans un dortoir typique d'université chinoise partagent une chambre à quatre. Les étudiants viennent de diverses parties du pays, et sont de milieux économiques différents. Partager une chambre représente un défi pour plusieurs jeunes chinois qui ont grandi comme enfant unique, et ne sont pas habitués à négocier des compromis avec leurs pairs. Selon le Centre de contrôle et de prévention des maladies de Chine, environ 20 % des étudiants souffrent de problèmes psychologiques liés aux études, à l'emploi et aux relations interpersonnelles.
Ce problème s'est reflété aussi dans les résultats d'une enquête menée par Wuhan Yangtze Business University, qui a révélé que seulement 43 % des jeunes universitaires considèrent « normales » leurs relations avec leurs compagnons de chambre. Ceci indique que plus de la moitié des étudiants d'université de Chine ont de la difficulté à vivre en harmonie dans leur dortoir.
Outre les relations interpersonnelles, la pression des études et de l'emploi représentent d'autres déclencheurs importants de problèmes psychologiques chez les étudiants. Cette année seulement, 7 millions de nouveaux diplômés ont accédé au marché du travail en Chine, un nombre record et une augmentation de 190 000 sur l'année dernière.
« Aujourd'hui, les étudiants subissent une pression énorme, surtout dans les dernières années de leurs études », a dit Wang Xiaoxiao, jeune diplômée de Beijing. « Peu importe ce qu'on choisit, soit poursuivre les études, soit chercher un emploi, on rencontre toujours la compétition, surtout si l'on est une fille. » En mai, une étudiante diplômée d'une des plus importantes universités de Chine, s'est tuée en sautant dans le vide d'un bâtiment sur le campus.
« Ces problèmes psychologiques sont causés par la pression », a dit Yang Zhiying, responsable du Centre de consultation psychologique de l'École normale de la Capitale à Beijing. « Les étudiants chinois de niveau universitaire sont soumis à une pression beaucoup plus lourde que les étudiants occidentaux. »
Toutefois, le niveau de maladies mentales dans les universités semble stable. Les débutants dans les universités de Beijing doivent passer une évaluation psychologique écrite. Les résultats des dernières années ne révèlent pas de hausse marquée dans la fréquence des problèmes psychologiques chez les étudiants. Yang pense que le problème est plus grave que par le passé à cause de la couverture médiatique. Bien que la véritable maladie mentale soit rare parmi les étudiants d'université, selon Yang, « plusieurs étudiants ressentent un dérangement psychologique. »
Cette génération à une pauvre capacité de composer avec la pression et l'adversité, car elle a peu ou pas d'expérience pour gérer ses frustrations graves à l'école comme à la maison », a dit Yang. « Notre éducation exagère l'importance du développement intellectuel et de l'acquisition des connaissances, mais néglige le développement psychologique et personnel des étudiants. »
De l'aide sur le campus
En 2004, le ministère de l'Éducation a désigné le 25 mai comme « Journée de la santé mentale des étudiants ». En chinois, le nombre 525 (abréviation de 25 mai), est presque homophone de « Je m'aime » (wu er wu, pour wo ai wo), ce qui rappelle aux étudiants qu'ils doivent d'abord s'aimer eux-mêmes avant de pouvoir aimer quelqu'un d'autre. Les récentes tragédies ont rendu le 25 mai de cette année plus significatif. Les universités de tout le pays ont organisé diverses activités pour sensibiliser à la santé mentale.
Divers hôpitaux de Beijing ont travaillé de concert avec des organismes éducatifs locaux à établir un centre clinique qui offre orientation et suggestions aux psychologues scolaires de façon à combattre les problèmes de santé mentale sur les campus.
Dans la plupart des pays développés, le nombre de psychologues par étudiants est de 1 : 1 500, tandis qu'en Chine, où la psychologie en est encore à ses premiers pas, le ministère de l'Éducation a établi que chaque université devrait avoir un conseiller psychologique par 3 000 étudiants, et s'assurer d'avoir toujours au moins deux personnes en service.
« Mais la plupart des universités ne répondent pas à ces normes », a dit Yang, ajoutant que cela est dû au manque de psychologues professionnels en Chine. « À comparer aux pays occidentaux, le secteur du service psychologique a débuté relativement tard en Chine. »
Mais Yang croit que le domaine se développe rapidement. La thérapie psychologique administrée aux victimes de tremblements de terre ces dernières années a fait comprendre aux Chinois l'importance d'une telle thérapie. Aussi, des émissions de télévision qui discutent de problèmes de relations interpersonnelles sont devenues populaires. Bien que ces émissions ne soient pas l'équivalent d'une consultation psychologique professionnelle, elles démontrent une attention croissante du public face au bien-être émotif.
Yang croit que la sensibilisation sociale à l'importance de la psychologie est liée au développement économique. Seul un peuple qui n'a pas d'inquiétude quant à sa nourriture et son habillement peut porter attention à la santé mentale, a dit Yang. Cela explique le besoin croissant de l'aide psychologique par rapport à la décennie précédente.
En ce qui concerne l'offre d'appui psychologique aux étudiants, l'École normale de la Capitale est à l'avant-garde des institutions d'enseignement de Beijing. Elle a fondé le Centre de consultation psychologique en 1993. Ce centre, qui compte 20 psychologues et des étudiants diplômés en psychologie est ouvert huit heures par jour pour les étudiants. L'université a aussi établi un cours obligatoire de formation en psychologie au niveau de la première année d'études.
Ces efforts semblent produire une influence. Contrairement à leurs parents, qui préfèrent suivre les normes chinoises et garder pour eux-mêmes leurs chagrins et leurs pressions, les jeunes chinois portent plus d'attention à la santé psychologique, et près de mille étudiants de l'École normale sollicitent maintenant de l'aide chaque année. « Je pense que nos étudiants réalisent l'importance de demander un appui au besoin », a dit Yang. |