J'ai passé six ans à travailler en Afrique du Sud dans les années 1990, période au cours de laquelle j'ai eu l'honneur d'être personnellement témoin du charisme du grand dirigeant sud-africain Nelson Mandela, devenu le premier président noir de ce pays en 1994.

Pendant ces années, chaque fois que Mandela apparaissait devant des missions étrangères, il était toujours accueilli chaleureusement par le public. Je l'ai entendu dire à plusieurs reprises que la nouvelle Afrique du Sud devrait renforcer la coopération et les échanges avec tous les pays amis et qu'il n'oublierait jamais ceux qui ont soutenu et aidé le peuple sud-africain dans la lutte contre l'apartheid.

Peu après la fondation de la nouvelle Afrique du Sud en 1994, l'équipe dirigeante du pays a annoncé qu'elle allait établir des relations officielles avec Cuba et d'autres pays, en dépit de l'énorme pression de certains pays occidentaux.

Si Mandela était si bien accueilli, c'est à cause de sa sollicitude pour les souffrances des populations noires. En décembre 1994, en tant que Directeur adjoint du Centre de recherche chinois (CRC) en Afrique du Sud, j'ai été invité à assister à la 49ème Conférence du Congrès national africain (ANC). Quand Mandela s'est approché du podium, des acclamations ont rempli la salle de conférence, tous les participants criant son nom : « Mandela ».

Mandela a donné un discours dans lequel il a promis que le nouveau gouvernement sud-africain reconstruirait et développerait le pays en s'attaquant aux problèmes tels que le logement, l'éducation et l'emploi. Il a par ailleurs appelé tous les Sud-Africains à s'unir pour parvenir à une nouvelle série d'objectifs pour le pays.

À l'issue de la cérémonie d'ouverture, Mandela a été entouré par la foule. Tous les représentants du Congrès se sont précipités pour serrer la main de leur supérieur. La scène a duré plus d'une demi-heure.

Je me souviens encore clairement d'une rencontre avec Mandela à son bureau le 9 août 1993. Sa voix était forte et puissante. Il a dit que la Chine avait soutenu le peuple sud-africain dans ses efforts de lutte anti-apartheid depuis les années 1950, fournissant toute l'aide possible à l'ANC. Il a également ajouté que les deux parties continueraient de renforcer une telle amitié. Par ailleurs, Mandela a parlé franchement de son précédent voyage à Taiwan avec mes collègues et moi-même, déclarant qu'il refusait de mettre en place un bureau de l'ANC à Taipei suite à la demande des autorités taiwanaises, mais qu'il aimerait mettre en place un tel bureau à Beijing.

Il nous a dit que des organisations internationales telles que l'ONU et l'Organisation de l'Unité africaine n'ayant pas établi de relations officielles avec les autorités taiwanaises, l'ANC adopterait la même politique sur la question. J'ai montré ma gratitude pour ses remarques. À la fin de la réunion, je lui ai demandé de prendre une photo de groupe avec nous, invitation à laquelle il a tout de suite répondu favorablement. L'entrevue a révélé l'ouverture d'esprit charismatique de Mandela, ainsi que son courage. Notre interaction m'a convaincu de sa haute appréciation de l'amitié traditionnelle entre la Chine et l'ANC, montrant que les relations officielles manifestaient une tendance irréversible.

Le 26 novembre 1996, lors d'un déjeuner avec Gu Xin'er, un de mes collègues et ancien Directeur du CRC en Afrique du Sud, Nelson Mandela a confirmé qu'il avait pris la décision de rompre les liens officiels avec Taiwan au plus tard à la fin de l'année 1997 et d'établir des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine (RPC).

Le 1er janvier 1998, la République populaire de Chine et l'Afrique du Sud ont ainsi annoncé la création d'une relation diplomatique officielle. Mandela a sans aucun doute joué un rôle crucial dans cet événement. En mai 1999, ce dernier a effectué une visite d'État en Chine, en tant que Président de l'Afrique du Sud.

Mandela est toujours resté indifférent à la gloire et à la richesse malgré l'amour et l'adoration qu'il a reçus du fait de son statut de figure politique. Après avoir obtenu la bénédiction du peuple pour devenir le premier président de la nouvelle Afrique du Sud, il a choisi de se retirer de la vie politique après cinq ans de gouvernance plutôt que de renouveler son mandat.

(L'auteur est l'ancien Consul général de Chine à Cape Town, en Afrique du Sud.)