Des agriculteurs chinois effectuent la moisson annuelle
En écrivant son livre Qui nourrira la Chine ? en 1994, Lester R. Brown s'était déjà bien aperçu de l'importance que l'autosuffisance alimentaire tenait pour le pays le plus peuplé du monde.
Rappelant aux lecteurs que la Chine compte 20 % de la population mondiale, Brown a écrit : « Dans une économie mondiale intégrée, la hausse des prix des denrées alimentaires de la Chine entraînera l'augmentation des cours internationaux des produits agricoles. Son insuffisance de terres arables conduira au manque de terres pour tous. Et sa pénurie d'eau touchera le monde entier. »
Heureusement, son alerte ne s'est pas matérialisée, au moins en Chine. Vingt ans plus tard, le géant asiatique a réussi à démontrer au monde qu'il pouvait se nourrir, du moins pour l'instant.
Priorité numéro un
Le maintien de la sécurité des céréales reste depuis longtemps au cœur des préoccupations de la Chine. Le 19 janvier, les autorités chinoises ont publié leur premier document politique de 2014. Publié annuellement sous le nom de « Document central N°1 », celui-ci se concentre sur les questions rurales pour la 11ème année consécutive.
Le document a mis l'amélioration du système national de sécurité des céréales en haut de la liste des réformes à entreprendre en 2014 et dans un avenir prévisible.
« Prendre en main son bol de riz est un principe fondamental que le gouvernement doit respecter pour longtemps », a indiqué le document.
Pour réaliser l'objectif de l'autosuffisance alimentaire, le gouvernement a exigé de conserver les 1,8 milliard de mu (120 millions d'hectares) de terres arables pour garantir la sécurité des céréales. Cette exigence est généralement connue sous le nom de « ligne rouge ».
En dépit de son urbanisation à un rythme accéléré, qui fait inévitablement concurrence aux terres labourées, la Chine respecte strictement le principe de ligne rouge.
Un dilemme
« Il est naturel pour le gouvernement chinois de se concentrer sur le maintien de sa sécurité céréalière, car sa production de grains et sa structure de consommation sont confrontées à un dilemme », a dit Wei Feng, un observateur financier.
En 2013, le pays a connu une hausse dans sa production de grains pour la 10ème année consécutive, avec une production céréalière dépassant les 600 millions de tonnes. Selon les chiffres publiés par le ministère du Territoire et des Ressources, la Chine dispose de 135 millions d'hectares de terres arables au lieu des premières estimations de 120 millions d'hectares.
Cependant, malgré la croissance de la production de céréales, les statistiques douanières mettent en avant le revers de la médaille. Dès 2004, la Chine est devenue importateur net de grains et son importation ne cesse d'augmenter. En 2012, elle a importé plus de 70 millions de tonnes de grains, réduisant son taux d'autosuffisance en céréales au-dessous de 90 %, soit un chiffre inférieur à celui prédéfini par le gouvernement (95 %).
Augmenter la production de céréales
Bien que la Chine soit un importateur net de grains et que son taux d'autosuffisance en céréales continue de baisser, sa production de grains par personne s'est accrue de 70 kg par rapport à 20 ans auparavant, quand le pays était autosuffisant en céréales. Selon les statistiques, la consommation de grains par personne en Chine a atteint 500 kg par an ces dernières années, dépassant le niveau mondial moyen.
« Sauf cas particulier, le chiffre continuera de s'accroître pour les années suivantes », a dit Wei. « L'essentiel, c'est de savoir d'où les grains supplémentaires émaneront. »
Selon Wei, si la Chine compte sur le marché international pour s'alimenter en grains supplémentaires, son taux d'autosuffisance en céréales continuera de baisser pour passer en dessous de 80 %. Ce pourcentage signifie que le pays le plus peuplé du monde perdra la capacité de contrôler son prix alimentaire intérieur, qui sera conditionné en conséquence par les cours internationaux.
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