Mme He Gailan, employée d'Elion Resources depuis 20 ans, a le sourire aux lèvres lorsqu'elle raconte à CHINAFRIQUE l'impact positif que le projet de Wang Wenbiao a eu dans sa vie.

 Situé au sud-ouest de la région autonome de Mongolie intérieure, le désert de Kubuqi est devenu en deux décennies un véritable symbole de la lutte contre la désertification en Chine, et un haut lieu d'échanges autour de cette thématique. C'est en effet au centre de conférences international de Kubuqi que sont organisées les éditions bisannuelles du Forum international sur le désert, et autres réunions d'experts à l'image de la conférence annuelle des entrepreneurs éco-responsables 2014. Tenue les 19 et 20 septembre, cette dernière visait principalement à créer une synergie entre des responsables d'entreprises privées chinoises susceptibles de jouer un rôle dans le contrôle de l'avancée du désert.

Autant de rencontres initiées par le groupe chinois Elion Resources, une société privée née en Mongolie intérieure, qui a fait fortune en travaillant avec le gouvernement régional et les populations locales sur la création d'un bouclier écologique géant dans le désert de Kubuqi, dès le milieu des années 1990. Sous l'impulsion de son fondateur Wang Wenbiao, l'entreprise a su mettre en place un modèle d'aménagement du désert prometteur, axé sur trois leviers : le développement de l'entreprise grâce à la science et la technologie, la lutte contre la désertification à grande échelle avec l'établissement d'une chaîne industrielle du désert, et l'amélioration des moyens de subsistance de la population.

Avec un actif total supérieur à 60 milliards de yuans (9,8 milliards de dollars), Elion jouit aujourd'hui d'une renommée mondiale grâce au succès de ses activités dans les domaines de l'agriculture moderne en milieu désertique, l'industrie pharmaceutique, l'énergie issue de la biomasse, l'exploitation de nouveaux matériaux du désert, et le tourisme. L'entreprise a ainsi érigé un véritable empire dans cette zone que les habitants locaux appelaient autrefois « la mer de la mort ». CHINAFRIQUE s'est rendu sur place en septembre. L'occasion de comprendre les circonstances du lancement d'un projet aussi colossal, les motivations et les ambitions du fondateur d'Elion Resources, d'évaluer l'impact sur le mode de vie des habitants locaux et enfin de s'interroger sur les perspectives de coopérations futures qu'offre le modèle de Kubuqi.  

Une renaissance verte

D'une superficie supérieure à 18 000 km2, ce désert est aujourd'hui le septième plus grand de Chine. Une observation impressionnante sachant qu'il y a plusieurs milliers d'années, l'endroit était en fait une zone fertile densément peuplée. À l'époque des Qin (221 à 206 av. J.-C.) et des Han (206 av. J.-C. - 220 ap. J.-C.), le climat très sec, les guerres et la surexploitation des terres ont entraîné une dégradation progressive des sols. Une mer de sable a ainsi recouvert les steppes, apportant une certaine amertume dans la vie quotidienne des habitants nomades.

Wang Wenbiao a passé son enfance dans un village à la périphérie du désert de Kubuqi. Pour lui, le sable a d'abord été synonyme de souffrance, et ce jusque dans sa vie adulte. « J'ai grandi en mangeant des plats contenant du sable, et en dormant sur un lit couvert de sable », se souvient-il. Suite à sa prise de poste en tant que responsable d'une saline située au cœur du désert en 1988, puis à la fondation de son entreprise Elion Industrie Chimique en 1995, M. Wang va finalement devenir un acteur majeur de la lutte contre la désertification, et ce par la force des choses. En effet, si la saline se trouve à l'époque à 60 km de la gare ferroviaire la plus proche à vol d'oiseau, l'absence de route dans le désert et les tempêtes de sable régulières ralentissent fortement le processus d'acheminement des marchandises, réduisant les possibilités de profit pour l'entreprise.

Le lancement du projet de construction d'une première route dans le désert en 1997 marquera finalement les prémisses de la lutte contre la désertification à Kubuqi. Après l'inauguration de cette voie routière en 1999, le groupe se rend très vite compte de la nécessité de l'entourer d'une barrière de protection pour éviter que le sable ne la recouvre, d'où la naissance du projet de reboisement. Se pose alors la question de la nature des végétaux à planter, et des moyens à utiliser. La monoculture ou le choix des mauvaises espèces végétales peuvent en effet être catastrophiques dans un environnement aussi spécifique. Elion Resources en a d'ailleurs fait les frais à ses débuts.

L'entreprise trouvera finalement son bonheur dans la réglisse, une herbe médicinale très résistante qui s'avère être un outil pertinent dans la stabilisation des dunes. Des recherches menées avec divers centres de recherche chinois et étrangers vont par ailleurs permettre d'élargir le panel des plantes exploitables et de diversifier les méthodes de cultivation.

Outre la réglisse, des saules des sables et des peupliers ont par exemple été plantés le long du réseau routier, aujourd'hui composé de cinq grands axes représentant une longueur totale de 500 km. Un des atouts majeurs réside dans le fait que Kubuqi, ancienne zone fertile, dispose encore de nappes phréatiques situées à quelques mètres de la surface du sol. Selon les représentants du groupe Elion, l'espace reboisé s'étend aujourd'hui sur environ 6 000 km2. L'entreprise auparavant polluante s'est donc transformée en une société éco-responsable et a fait d'une zone autrefois considérée comme sans valeur un véritable joyau.