Lorsqu'il s'agit de la Chine, on doit souvent réajuster ses objectifs compte tenu de la rapidité de transformation au sein de cette grande économie, la deuxième au monde. Si les discussions de la 4ème session plénière du 18ème Comité central du Parti communiste chinois (PCC) ont attiré l'attention des médias chinois et internationaux à certains égards, le ralentissement du taux de croissance économique de la Chine a été encore plus commenté récemment.
Cependant, d'un point de vue stratégique, cette importante réunion plénière a cherché à proposer d'autres plans d'action pour assurer une croissance économique soutenue et plus équilibrée, à travers l'État de droit. On peut faire valoir que la relation entre la croissance économique chinoise et la primauté du droit n'a jamais été aussi forte, d'autant plus que la Chine se prépare à mettre en œuvre des réformes multi-facettes dans les derniers mois de son 12ème Plan quinquennal (2011-15). L'objectif fixé en 2012 pour l'année 2020 est de faire de l'État de droit une stratégie de base. Cela devrait se traduire par un gouvernement opérationnel fondé sur le droit, l'amélioration constante de la crédibilité judiciaire, ainsi que le respect et la protection des droits de l'Homme.
Dans le contexte chinois, l'État de droit est un outil à travers lequel le dirigeant doit exercer le pouvoir et préserver la stabilité nationale. Il se distingue de la notion occidentale d'« État de droit démocratique » et peut être considéré comme un mécanisme socialiste pour institutionnaliser la campagne d'anti-corruption en cours, catalyser des réformes plus profondes et aider à stabiliser l'économie chinoise. La décision du PCC visant à améliorer les démarches entreprises lors du 15ème Congrès du PCC à la fin des années 1990 – époque où la primauté du droit a été intégrée à la Constitution – intervient à un moment où la Chine est confrontée à des défis majeurs. Ces derniers peuvent cependant être minimisés grâce aux réformes.
Le système judiciaire chinois lui-même et le respect de la loi par les dirigeants du Parti sont deux défis sous-jacents. En outre, il y a d'autres défis comme la surcapacité économique, la bulle immobilière, les risques de dettes des collectivités locales, le système bancaire parallèle, et la croissance limitée dans les secteurs non publics et de l'innovation. Restructurer l'économie est également essentiel. En l'absence de primauté du droit, ces défis pourraient conduire à une ingérence administrative excessive, à la corruption et à une concurrence déloyale. Les litiges fonciers dans la province du Yunnan, au sud-ouest de la Chine, reflètent la façon dont des problèmes peuvent surgir. En raison de la faiblesse des lois actuelles, le gouvernement local est libre d'établir des demandes en cas de conflits, et ces dernières servent trop souvent les fonctionnaires corrompus.
La montée de l'e-corruption reflète par ailleurs l'apparition cachée d'une certaine innovation en matière de corruption. La campagne anti-corruption est gérée par un mystérieux et puissant département du PCC : la Commission centrale de Contrôle de la discipline. Ce service opère conformément aux règlements du Parti, et non de la loi chinoise. Les discussions sur l'État de droit devraient par conséquent légitimer l'impact de cette entité, mais donner plus de pouvoir à l'appareil judiciaire. Un mécanisme de vérification des opérations courantes du Parti serait un outil essentiel pour rééquilibrer l'économie, qui est justement déséquilibrée au profit de hauts responsables du Parti.
La prospérité économique d'un pays est fortement liée à la nature et la mise en œuvre d'un État de droit, selon des économistes comme Daniel Kaufmann, qui ont évalué l'impact de la primauté du droit sur l'économie. Dans le cadre d'un État de droit, l'application stricte des lois fait la différence entre le succès et l'échec, et entre l'amélioration ou la diminution de la compétitivité par rapport à d'autres économies dans le domaine du commerce et de l'investissement international. Pour rester compétitive au niveau international, la Chine doit impérativement faire des progrès dans la mise en œuvre d'un État de droit.
Le pilier de l'État de droit permettant de catalyser la croissance économique chinoise sera l'application stricte de la loi, ainsi qu'une plus grande sensibilisation aux questions juridiques parmi la population. Cela permettra d'atteindre un certain développement économique, une bonne gouvernance, un épanouissement culturel, et de créer un environnement favorable au développement du secteur privé chinois.
(Garikai Matambo est analyste à Frontier Advisory.) |