Un ami pour toute la vie 

Quand mon petit frère David est né, j'étudiais jour et nuit pour mon examen d'entrée à l'université. Le jour où mes parents, comblés, l'ont ramené à la maison, je lui ai lancé un rapide regard avant de retourner à Einstein, Sénèque et Nietzsche. Je pensais que ces penseurs pourraient m'apporter plus de sagesse et de joie que cette chose rouge de quarante centimètres qui mettait son pied dans sa bouche. Je ne m'attendais pas à ce que cette petite créature créerait une telle différence dans ma vie.

En tant qu'adolescente, je me sentais incomprise par mes « tyrans » de parents et nous nous disputions affreusement. Au cours d'une querelle particulièrement difficile, j'étais sur le point de me réfugier dans ma chambre pour pleurer. C'est alors qu'une petite main s'est posée sur la mienne et s'est emparée de mon pouce. Quand j'ai levé les yeux, j'ai vu les yeux de David, remplis de compassion et de larmes. Élevés dans la même maison et confrontés aux mêmes douleurs, nous étions liés émotionnellement l'un à l'autre. En un éclair, j'ai eu l'impression que c'était moi-même dans un plus petit corps. Les mots n'étaient pas nécessaires : même si je sanglotais encore, presque toute ma peine et ma colère avaient disparu. Depuis, savoir qu'une autre personne dans le monde « pleure quand je pleure et sourit quand je souris » m'a délivré de la solitude.

N'étant plus un enfant unique, je suis devenue moins égocentrique et j'ai commencé à m'ouvrir au monde. David a réveillé ma conscience. J'ai pris en compte ses pensées pour pouvoir le comprendre, et j'étais à l'écoute de ses sentiments pour le réconforter. Tout d'un coup, je vivais dans un univers plus vaste où les sujets pouvaient être vus depuis des angles différents, et où il y avait des multitudes de solutions aux problèmes.

Malgré les avantages qu'il y a à avoir un frère ou une sœur, certains parents s'inquiètent que les enfants se battent pour monopoliser l'attention des parents, et que cela conduise à une perte de confiance. Mais être un enfant unique ne protège pas éternellement des conflits et de la compétition. Les fratries sont une occasion pour s'attaquer à ces problèmes dès le plus jeune âge. Nous nous disputons, mais nous apprenons aussi à discuter sans blesser les sentiments des autres, pas par faiblesse, mais par amour et considération. Je suis toujours reconnaissante d'avoir ce compagnon dans ma vie.