À l'heure où l'appel au changement politique et social qui balaye l'Afrique du Nord continue à faire la une de l'actualité, la sécession du Sud-Soudan du reste du pays, et les 18 jours de manifestation qui ont changé le destin de l'Égypte vont transformer l'existence de millions de personnes.
Au Soudan, plus que le résultat, qui était couru d'avance, la surprise est venue du processus même de référendum. Dans une région connue pour la persistance de conflits et des affrontements, bien peu auraient prédit que la division du Soudan à la suite d'un vote majoritaire se serait déroulée d'une manière aussi pacifique et transparente. Si des affrontements sont survenus entre les chefferies Ngok Dinka et les tribus arabes Misseriya dans la région d'Abyei, une ville de la région frontière riche en pétrole revendiquée par les deux parties, le processus de vote a été remarquablement respecté.
Le résultat du référendum met un terme à deux décennies de guerre civile entre le Nord et le Sud, et voit l'administration américaine retirer le Soudan de la liste des pays soutenant le terrorisme. Le président sud-soudanais Salva Kiir, qui prendra ses fonctions le 9 juillet 2011, est rentré chez lui en promettant de travailler avec son homologue du Nord, Omar el-Bechir, s'inscrivant ainsi dans l'esprit manifesté par le peuple. Autant de signes encoura-geants de coopération.
L'archevêque Desmond Tutu a merveilleusement résumé la chose en saluant la capacité des électeurs à exercer librement leurs droits.
« Ce référendum a été l'expression formidable de l'espoir manifesté par le peuple. J'ai été touché par leur détermination à voter ; certains d'entre eux ont marché pendant des jours pour se rendre au bureau de vote », a-t-il déclaré. En Égypte, le peuple s'est exprimé d'une manière différente, même si la détermination à changer de régime et à prendre en main leur destin était identique.
Dans une démonstration inédite d'unité et de résolution, des dizaines de milliers d'Égyptiens sont sortis dans la rue pour faire entendre leur voix. Encouragés par les manifestations de Tunisie, qui ont poussé le président Zine el-Abidine Ben Ali à quitter le pouvoir, les Égyptiens, dont la patience était à bout, n'étaient pas décidés à repartir avant d'avoir atteint leur but. Une économie en berne, des prix alimentaires élevés et des bas salaires étaient les causes des appels à manifester. Alors que la classe moyenne du pays appelait à plus de démocratie dans l'espace public, le règne du président Hosni Moubarak s'est effondré sous ses pieds.
Il est intéressant de remarquer que les manifestants de la place Tahrir, ou place de la Libération, au Caire venaient de toutes les couches sociales et de toutes les classes d'âge. Toutes les confessions étaient unies dans le même but, Musulmans, Chrétiens comme athées. Même si des actes inévitables de pillage et de violence et des meurtres se sont produits, l'ensemble des forces de sécurité égyptiennes a agit pacifiquement, faisant preuve de leur solidarité à l'égard de leurs compatriotes. Un nouveau jour s'est levé pour l'Égypte, leader naturel et nation la plus peuplée des pays du monde arabe. L'aspiration commune était de changer de système de valeur et de référence. La pauvreté, la corruption et la répression, les trois péchés capitaux de tout gouvernement, ont finalement conduit à la démission de Moubarak le 11 février. Le vieux leader de 82 ans aura régné pendant 30 ans sur le pays.
Le message derrière ces évènements et les manifestations du même ordre qui ont lieu en ce moment en Algérie et en Libye est que, quelle que soit la personne au pouvoir, le facteur clé est la stabilité. Les gouvernements le savent. Aucun progrès économique, social et culturel ne peut être accompli sans un environnement stable. Les nouveaux gouvernements égyptiens et soudanais sont désormais confrontés à cette responsabilité. Maintenir la paix, écouter la volonté du peuple et construire un pays stable sont ce que le monde attendra des ces deux nations engagées sur un nouveau chemin.
LE RÉDACTEUR EN CHEF |