Le bombardement de la Libye par certaines des puissances mondiales, notamment la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne donne une nouvelle dimension aux manifestations qui avaient submergé l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient au cours des derniers mois. Après le vote par le Conseil de Sécurité de l'ONU de l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne dans l'espace aérien libyen, avec le soutien du Nigéria, de l'Afrique du Sud et du Gabon, des frappes aériennes ont pilonné les bastions de Kadhafi. L'Union africaine appelle à la cessation immédiate des hostilités.
Les évènements de Tunisie et d'Égypte ont lancé un message aux dirigeants africains : il est temps d'écouter la voix du peuple et de prêter attention aux sources majeures de mécontentement. Les dirigeants actuels et futurs sont désormais conscients des exigences de leur peuple. Ils devront préconiser des changements structurels dans les mesures politiques et sociales, afin d'améliorer le niveau de vie de tous, et pas seulement des élites.
Dans ce contexte, la mondialisation émergente confronte l'ensemble de la population du continent aux mêmes problèmes. La mondialisation et le progrès de l'Internet et des réseaux sociaux permettent aux habitants d'Afrique du Nord de se connecter avec le reste du monde et d'avoir connaissance de la meilleure qualité de vie de beaucoup de pays occidentaux. Cela est particulièrement vrai pour la jeunesse et contribue à susciter sa frustration.
Plus de 50 % des citoyens des pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord ont moins de 25 ans. Cette classe d'âge peut rarement faire entendre sa voix, et trouve encore plus rarement de travail ou d'opportunités de carrière. Quand la jeunesse est seulement riche de son temps, elle recherche les causes de ses difficultés, et la frustration finit par déborder et emporter des sociétés injustes et fermées.
Même si la situation en Libye a été déclenchée pour les mêmes raisons que dans les autres pays, elle a des implications plus profondes pour le reste de l'Afrique. La Libye a pour voisins l'Égypte, le Soudan, le Tchad, la Tunisie, l'Algérie et le Niger, qui ont tous maintenu des relations durables avec ce pays en effervescence. Les liens ethniques s'étendent même jusqu'au Mali et à la Mauritanie. La possibilité d'une guerre civile en Libye peut conduire à l'éclatement du pays avec des conséquences d'une portée considérable comme des combats de part et d'autre des frontières, comme cela s'est vu dans d'autres régions du continent comme le Darfour.
De plus, si la paix n'est pas restaurée en Libye, d'autres conséquences politiques se feront jour, car ce pays joue un rôle important en fournissant un soutien financier à d'autres pays africains comme le Niger, le Tchad, ou la République centrafricaine.
Le secrétaire à la Défense des États-Unis, Robert Gates, en est parfaitement conscient lorsqu'il déclare: « qu'il y ait dans cette région des États qui commencent à se disloquer à cause de divergences internes est, à mon avis, la recette pour une véritable instabilité dans le futur. »
Les Nations unies ont déclaré que plus d'un million de personnes fuient la Libye et que la population du pays a besoin d'une aide humanitaire d'urgence. Les retombées ne se font pas encore ressentir sur les voisins de la Libye, mais l'impact de ces événements sur les infrastructures précaires d'Afrique du Nord saute aux yeux.
Les évènements de Tunisie et d'Égypte ont transformé la politique en Afrique, et la situation libyenne va encore approfondir de manière dramatique l'impact de ces changements.
Dans toute l'Afrique, les peuples appellent désormais leurs dirigeants à rendre des comptes, et protester n'est plus désormais une chimère. Les actuels et futurs dirigeants, en Afrique comme dans le reste du monde, devront écouter l'opinion de leurs électeurs. Cela ne peut qu'être bénéfique pour l'avenir du continent et de la planète.
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