Une leçon amère
Un vieil adage veut que les chiffres soient sûrs.
Cependant, le nombre grandissant d'ouvriers et d'hommes d'affaires
chinois enlevés en Afrique semble faire mentir ce proverbe, ainsi
que le montrent de récents incidents.
Des reportages effectués par des médias occidentaux ont
montré que l'enlèvement en janvier 2012 de 29 ouvriers chinois de
la voirie par des rebelles dans le Sud-Kordofan, une région
instable et riche en pétrole du Soudan, et l'enlèvement de 25
Chinois en Égypte sont des signes des sentiments anti-chinois en
Afrique. Il n'y a aucune preuve qui étaye cette affirmation. Les
experts notent que puisque les entreprises chinoises investissent
dans des endroits très dangereux afin de développer l'économie
locale et la société, leurs ouvriers font des cibles idéales pour
les négociations dans les conflits africains. « Les
entreprises chinoises vont dans ces pays dangereux sans prendre en
compte leur instabilité et les situations parfois
explosives », explique Shen Dingli, un professeur de relations
internationales à l'université Fudan de Shanghai. « Nous
sommes confrontés à des problèmes : c'est une leçon
importante. »
La situation est aggravée par le fait que de grands
projets d'infrastructure engagés par les entreprises chinoises,
comme les autoroutes, les aéroports, les ponts ou les barrages sont
situés dans des lieux isolés. Le fait que les ouvriers chinois
vivent en général dans des camps sans installation de sécurité,
ajouté à l'éloignement, les rend vulnérables aux enlèvements et aux
attaques criminelles. He Wenping, expert en études africaines à
l'Académie chinoise des sciences sociales, estime qu'une autre
raison pour l'imprudence des Chinois est qu'ils pensent que leur
sécurité est garantie par l'amitié traditionnelle entre l'Afrique
et la Chine. Il est temps de se réveiller.
Le magazine Asia Time a rappelé qu'au cours des
cinq dernières années, plus de 100 citoyens chinois vivant à
l'étranger ont été kidnappés ou attaqués, et que 14 d'entre eux ont
trouvé la mort, dans des pays comme l'Afghanistan, le Cameroun, la
Colombie, l'Ethiopie, le Myanmar, le Pakistan, le Nigéria, la
Thaïlande et le Yémen. Ce qui explique l'impact important des cas
récemment survenus est qu'ils ont eu lieu pendant le Nouvel An
chinois, qui est traditionnellement l'occasion de se réunir en
famille. Avec l'Internet qui permet désormais à des centaines de
millions de Chinois d'accéder et de commenter l'information, un
public anxieux se pose des questions sur la sécurité des
travailleurs chinois en Afrique, à l'heure où les violences et les
prises d'otages deviennent plus nombreuses.
Garantir la sécurité des travailleurs n'est pas une tâche
facile. La politique chinoise de non-ingérence dans les affaires
internes d'autres nations souveraines est bien connue. Cela
signifie que recourir à des agents de sécurité chinois pour
protéger les camps de travailleurs est une pratique peu courante,
de même que l'intervention militaire en cas d'enlèvements. La
sécurité des Chinois est souvent laissée aux entreprises de
sécurité locales, qui ne sont pas toujours efficaces. D'après Shen,
Beijing n'est pas prêt à envoyer ses propres forces dans des pays
comme le Soudan. « Nous ne connaissons pas leurs conflits ni
la situation politique, comment pourrions-nous nous en
occuper ? » déclare-t-il.
En dernier recours, les solutions diplomatiques sont les
moyens les plus efficaces pour s'occuper des ouvriers chinois
kidnappés, avoir accès aux otages, s'assurer qu'ils sont bien
traités et négocier une libération pacifique.
Empêcher que de tels évènements se produisent est plus
difficile. La Chine a besoin de construire une politique qui
intègre la diplomatie et l'action afin de protéger ses ouvriers et
ses intérêts en Afrique. Et cette politique doit être efficace
aussi bien en temps de paix que de conflit.
LE RÉDACTEUR EN CHEF
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