Un changement majeur dans la dynamique de l'Afrique a eu lieu le 6 avril 2014 lorsque le Nigeria est devenu la première économie du continent, dépassant l'Afrique du Sud. Le Bureau national des statistiques (BNS) du Nigeria a estimé son produit intérieur brut (PIB) à 80 300 milliards de nairas (près à 510 milliards de dollars). Ce chiffre place le Nigeria au 26ème rang de l'économie mondiale. C'était la première fois en 24 ans que le pays calculait son PIB.
Les revenus issus d'une multitude de nouvelles industries ont aidé l'économie nigériane à franchir le pas. Parmi elles, l'industrie du cinéma qui a le vent en poupe, surnommée Nollywood, mais aussi l'industrie du commerce électronique, des télécommunications et l'industrie musicale, qui étaient seulement des préoccupations naissantes il y a 20 ans.
Les recettes pétrolières du Nigeria – le principal pilier de son économie – ont considérablement diminué dans les nouveaux chiffres du PIB. D'après The Economist, une augmentation de 89 % du PIB montre que l'économie nigériane est « beaucoup plus qu'une simple enclave pétrolière » et que l'industrie manufacturière s'avère bien plus importante qu'on ne le pensait.
Mais en dépit de l'euphorie entourant l'accès à cette place de choix, beaucoup de contradictions font surface.
Malgré une croissance économique de 12,7 % entre 2012 et 2013, plus de 60 % des Nigérians vivent encore avec moins d'un dollar par jour. Plus tôt en avril, le président de la Banque mondiale a déclaré que le Nigeria affichait le taux de pauvreté le plus élevé du monde en termes de chiffres bruts, derrière l'Inde et la Chine qui sont bien plus peuplées en comparaison. En effet, 17 % des pauvres dans le monde, soit plus de 100 millions de personnes, vivent au Nigeria.
La ministre des Finances, Mme Ngozi Okonjo-Iweala, est consciente du défi de la pauvreté au Nigeria. Face à l'augmentation des inégalités au sein du plus grand producteur de pétrole en Afrique, le pays doit se pencher sur la construction d'un filet de sécurité sociale pour prendre soin de ceux qui sont au bas de l'échelle, a-t-elle dit.
Un examen plus approfondi permet toutefois de constater que le PIB par habitant du Nigeria est presque trois fois inférieur à celui de l'Afrique du Sud qui abrite par ailleurs les 10 plus grandes banques du continent. Bien que le président de la Banque mondiale ait affirmé l'ampleur de la pauvreté dans le pays, le groupe soutient l'avancée du Nigeria dans la hiérarchie du PIB, mais en notant que « l'exactitude des données peut encore être améliorée. »
Le BNS ayant annoncé un taux de chômage de 54 % chez les jeunes au Nigeria, les avantages d'un PIB florissant doivent trouver leur chemin vers la population. Jouir du statut de première économie africaine sur le papier n'aura finalement aucun sens si le pays ne s'attaque pas aux problèmes urgents que constituent la pauvreté et le chômage. Si rien n'est entrepris, les Nigérians poseront eux-mêmes les questions sur l'exactitude des données du BNS et la réelle signification de l'ascension du PIB pour eux.
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