
Pour Shi Ming, 40 ans, employé dans un institut de recherche de Beijing, la vie se résumait au travail, ne laissant que très peu de place à la détente. C'était avant sa crise cardiaque, il y a deux ans de cela.
En tant que chercheur, il devait non seulement lire et écrire des rapports, conduire des études sur site, participer à des réunions académiques et guider des étudiants de troisième cycle, mais aussi voyager pour négocier des projets et signer des contrats.
Dans le passé, les jours s'écoulaient pourtant lentement dans cet institut financé par l'État. Les salaires des chercheurs étaient alors faibles et indépendants de leurs performances. Ces derniers faisaient ce qu'on leur demandait, puis profitaient de la vie. Certains des collègues de Shi se réunissaient souvent pour jouer au poker pendant la pause déjeuner ainsi qu'en fin d'après-midi.
La réforme du système de gestion du secteur des sciences et technologies lancée dans les années 1980 a modifié le mode de financement des instituts de recherche. Les chercheurs effectuant de la recherche appliquée ont été encouragés à servir les besoins du marché, alors que ceux faisant de la recherche fondamentale entrèrent en compétition pour obtenir des bourses d'une fondation d'État. Les chercheurs indépendants, qui remportaient plus de bourses et de contrats, gagnaient davantage d'argent.
Depuis lors, les parties de poker endiablées sont de l'histoire ancienne. De nombreux chercheurs effectuent des heures supplémentaires le soir et les week-ends.
Shi, qui ne voulait pas être à la traîne en termes d'accomplissements ou de salaire, consacra tout son temps à son travail et confia sa fille à ses parents.
Débordant d'énergie, Shi passa du rang de modeste ingénieur à celui de maître de conférences puis professeur en quelques années, avant de devenir directeur de recherche de son département. Il acheta une voiture, une maison et envoya sa fille étudier dans l'une des meilleures écoles de Beijing.
En 2009, il échappa de peu à la mort après une grave crise cardiaque. Les docteurs lui recommandèrent alors de ralentir son rythme de vie, seul moyen pour lui de guérir et de rester en bonne santé.
Aujourd'hui, Shi prend le temps de se promener le matin et part souvent passer le week-end en dehors de la ville avec sa famille.
En mouvement
Le cas de Shi est loin d'être exceptionnel.
Les métropoles chinoises débordent de citadins tourbillonnant comme des toupies. Ce rythme de vie soutenu soumet les employés urbains à un important stress psychologique. Ils se lèvent de bonne heure et se couchent tard, passent des heures dans les transports, mangent à des heures irrégulières et mènent une vie très sédentaire. Les experts médicaux tirent la sonnette d'alarme sur l'impact d'un tel mode de vie sur la santé.
Que du travail, pas de détente, n'est certainement pas la recette du bonheur. Selon un sondage mené par le ministère de la Santé, dans dix grandes villes chinoises, 49 % des employés urbains se disent épuisés, tandis que 46 % se sentent d'humeur maussade et 38 % anxieux. La flambée des prix de l'immobilier, la santé des parents, le mariage et l'éducation des enfants sont les quatre sources majeures de leur stress.
L'étude montre également que 48 % des employés urbains chinois souffrent d'une mauvaise santé sans cause apparente. Ainsi à Beijing, Shanghai et dans la province du Guangdong, environ trois quarts des résidents ont une santé précaire, caractérisée par une détérioration des fonctions physiologiques d'origine inconnue.
Un rythme de vie soutenu peut être à l'origine de problèmes physiques et psychologiques sérieux. Par exemple, plusieurs médecins de l'hôpital n°1 affilié à l'Université de médecine traditionnelle chinoise du Guangxi ont récemment publié une étude révélant qu'une vie quotidienne stressante avait un lien direct avec le diabète de type II.
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